Petit.
Tu marches sur le pavé sale, la tête enfoncée dans les épaules, le regard perdu dans les torpeurs d’un vague, que toi seul connaît. Tu avances un pas après l’autre, d’incertitudes en espoirs déçus, sans fin tu traînes les pieds, de rage, tu balances un coup de pied dans un caillou croisé, un geste découragé, sublime pour toi, petit.
Je lis dans ton regard éteint, ce que les autres ont tué, l’envie d’aller plus loin.
Les traits sur ton visage d’enfant meurent d'un dessein sombre, alors qu’il devrait éclater de lumière en sourire de bonheur et je crois y lire des maux, que toi seul connaît et que tu ne comprends pas. Tes allures gavroches ont du mal à supporter le plomb de ton histoire et pourtant si courte, trop dure pour toi, petit.
Tu enfonces les mains au fond de tes poches, tu hausses les épaules au hasard d’une rencontre, tu perds ton sang froid mais tu ne montres rien, seulement ton visage d'insolence, un visage qui défit, malgré un cœur étouffé, meurtrie par tout ce qui est insupportable et que tu supportes.
Tu enveloppes tes douleurs dans une étoffe en pluie d’argent, tu éblouis à ta façon, pour ne pas dévoiler, la souffrance est ta pudeur, un bien que tu préserves pour ne pas en partager les affres nauséeuses.
Tu charries ta colère, pourtant les autres ne la voient pas, tu en fais une toile de fond, tu cherches querelles pour faire passer celle, que les autres ont mis en toi. Et tu joues des poings, c’est ta façon de le dire, loin des autres, alors tu frappes, de toute ta colère, tu cognes celui qui ne te défit même pas, en exutoire du trop, tu abats ta rage de l’enfant qui n’a pas eu le temps d’apprendre à pleurer.
Au fond, tu ne sais plus comment te faire aimer ou bien tu te moques de l’amour ou bien, tu ne le cherches plus.
Mais les autres te donnent coups, quand tu réclames caresses, ils fustigent, toi, tu ne demandes rien d’autre, qu’un peu de mots tendres, des mots ordinaires, fait de rien et sans ornement, des mots de tout le monde et que tu ne connais pas. Ces mots qui brisent de ne pas les avoir entendu, déchirant par leur manque cruel et qui empêchent les enfants de grandir.
Tu les regardes avec tes yeux d’enfant, eux te marques de leurs mots d’adultes, d’un fer rouge invisible la souffrance te broie les entrailles et si tu souris, c’est pour montrer que tu es plus fort qu’eux, jamais de joie.
Ton visage se referme, tu serres les dents, tu ne recules pas, tu fais face, les coups s’abattent et tu gardes le sourire de celui qui ne peut comprendre, un sourire d’effroi, un sourire qui n’appartient qu’à toi et que tu arbores pour avoir raison, sur ceux qui te blessent.
Tu ne comprends pas, petit, comment le pourrais-tu, tu n’es qu’un enfant et eux les gens de savoir, les grands aux valeurs qu’ils se donnent sur toi, rien d’autre que lâcheté et palus de haine.
Tu n’as pas eu les peurs des autres enfants, bien sur d’autres peurs, de celles qu’un enfant ne devrait jamais avoir, ton croque-mitaine est à figure humaine et il est le pire que l’on rencontre.
Tes rêves sont de justice et d’amour, tu t’y vois héros à la justice sure et au courage d’acier, tu rêves d’amours et de destins merveilleux, au réveil la réalité s’impose comme le glas triste d’un jour qui ressemblera au précédent et au suivant, tu le sais déjà, l’amour n’est pas fait pour toi.
Mais tu trembles, petit, pourtant tu souris…
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