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 Le chant des aveugles

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Arlequin
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MessageSujet: Le chant des aveugles   Le chant des aveugles EmptyVen 3 Mar - 13:14

La petite fille regardait les chariots avancer, les uns derrière les autres, bondés de monde, de personnes aux regards d’incompréhension, aux yeux perdus dans le vague, l’inquiétude en unique prononciation sur leur visage d’innocent.
Le convoi entrait dans le camp, comme chaque jour à la même heure, il pénétrait pour en ressortir vide et comme chaque jour, la petite fille regardait.

Elle entendait les cris, les pleures, les coups qui s’abattaient, le silence qui suivait et elle ne comprenait pas. Le silence était brisé par d’autres cris, d’autres pleures, mais ce jour la, les coups la blessaient elle, lui déchirant les entrailles d’un bras invisible, celui de la compassion.

Par delà les murs, elle regardait encore, elle cherchait des yeux, les réponses, mais elle ne voyait que ce petit garçon, trop maigre, trop épuisé pour hurler. Il marchait la tête basse, les épaules écrasées par les souffrances et la haine des soldats. Pieds nus dans la boue, il portait le même costume que tous ceux qui ne ressortaient pas du camp, d’ailleurs ils se ressemblaient tous, maigres et courbés, tristes et découragés.
La petite fille s’éloigna, le cœur à l’envers, le pas lourd de honte, quelques larmes feutrant sur ses joues.

Grand-père… Pourquoi, on enferme tous ces gens ?

Le grand-père regardait sa petite fille, lui aussi avait mal, depuis longtemps, mais il se taisait. Il avait essayé de parler, de raconter, mais les gens ne l’ont pas écouté, pire encore, il l’ont fustigé, insulté, traîné dans la boue, il est tellement plus simple de fermer les yeux, de renvoyer la faute sur un autre ; surtout ne pas entendre, surtout ne pas voir, ce serait déranger leur petit confort intellectuel et leurs bonnes mœurs, aveugle et sourd, la moral est sauve…

Parce qu’ils sont différents, petite fille…

La petite fille ne comprenait pas, la différence pour elle, est une notion qui se résume à distinguer les couleurs ou à reconnaître les gens, pour elle, la différence est une grâce, sans elle, nous serions des reproductions, tous identiques, à la pensée unique ennuyeuse et définitive. Pour elle, la diversité fait la beauté qui l’entoure et quand elle ramasse des fleurs, elle choisie les couleurs qui lui plaisent, les formes qui s’harmonisent pour former un bouquet magnifique et superbe des différences.
Pour elle, enfermer les gens parce qu’ils sont différent, c’est enlever la beauté et rendre un visage insipide au monde entier.

Pourquoi ! Grand père…

Le grand père fit monter la petite fille sur ses genoux usés par les années d’honnête labeur, il la serra dans ses bras, très fort, un moment, un long moment nécessaire et lorsqu’il osa lever son regard sur elle, il pleurait de grosses larmes, lourdes et suintantes sur son visage buriné et bon.
La petite fille pleurait aussi. Elle passa sa petite main sur les joues de son grand père, lentement, elle essuyait ses larmes de tant de peine, du bout de ses petits doigts d’enfant, elle effleurait et caressait la peau rêche, comprenant le chagrin de l’impuissance. Puis, elle posa sa frimousse sur la poitrine de son grand père, se blottissant contre ses racines chaleureuses.

*
* * *
*


Le petit garçon marchait péniblement, tout à l’heure le garde l’avait frappé à coup de bâton, sans raison, pour le plaisir, parce que c’est comme ça. Dans le camp, il ne fait pas bon vivre, la mort est toujours à l’affût, prête à prononcer son verdict définitif et irrémédiable, au moindre faux-pas. Ici, c’est dans l’ordre des choses.

Ses habits trop grands, trop sales, lourds de boue collée, étaient pareils aux autres, puants et poisseux, mais il s’en fichait, il marchait toujours la tête basse, les épaules courbées et les yeux tournés vers le sol, pour ne pas attirer l’attention, ne pas se faire remarquer, filer comme tout le monde, ne jamais se retourner, avancer, marcher, suer, avoir froid, sans un mot, sans jamais ouvrir la bouche, sans jamais se plaindre, surtout pas, non, jamais se plaindre.

Il faisait des taches trop dures pour son age, trop difficiles pour un enfant, mais il les faisait, sans rien dire, la peur au ventre, toujours cette peur, terrible et sournoise, comme les soldats qui le frappent.
Peu importe, l’important est de survivre, parce qu’ici, c’est de ça dont il s’agit, survivre.
Il lui ont enlevé son père, ses frères, sa petite sœur, une adorable petite fille de quatre ans, une vie si courte, si triste, une fin si douloureuse et puis, son oncle aussi, sa tante peut-être, il ne le sait pas, personne ne le sait, ici, c’est la règle, on meurt et on ose pas demander qui et surtout pas, pourquoi…

Sa mère a survécu, ils ne l’ont pas encore emmené, une question de temps ou de chance, mais chaque jour, chaque instant, le petit garçon regarde les fumées aux loin, pas si loin et il ne peux s’empêcher de se dire : quand…

Il regarde les fumées noires et épaisses, qui obscurcissent le ciel, comme si l’orage n’était pas loin, mais il n’éclate jamais et le ciel reste toujours couvert, le petit garçon sait que tôt ou tard, ce sera son tour ou celui de sa mère, sa douce mère qui s’effondre en sanglots silencieux, chaque soir dans la baraque où on les entasse, sa mère au regard superbe de chagrin et qui ne sourit plus, ou bien pour lui, pour lui seulement.

Derrière les murs, il entrevoit une silhouette ; il ne peut pas s’approcher, les soldat le tueraient sans commandement, sans pitié, sans regret, alors, du coin de l’œil, il regarde et il voit une petite fille, fraîche et propre, mais elle à l’air si triste. Et chaque jour, chaque jour où la mort n’a pas abattu son bras de haine sur lui, il regarde et toujours du coin de l’œil, un court instant, discrètement, il peut voir dehors et dans cette petite fille, derrière les murs, il aperçoit un peu d’espoir.

Et cette petite silhouette devient peu à peu, jour après jour, une raison de continuer encore, de marcher le ventre vide, la douleur ficelée aux entrailles, la peur bouffant ses pensées, la fumée écorchant son petit nez d’enfant et d’y trouver une raison de survivre.

***


Dernière édition par le Dim 5 Mar - 10:37, édité 2 fois
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Alyssandre
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MessageSujet: Re: Le chant des aveugles   Le chant des aveugles EmptyVen 3 Mar - 13:48

Le soleil brille dans son village. Une petite fille joue au cerceau dans les rues, insouciante. Les gens sourient sur son passage, petit rayon de soleil furtif dans cette période troublée.

Soudain, la petite fille s’arrête, surprise par le tonnerre. Elle lève les yeux au ciel, d’un bleu sans tache, sans nuage. Le tonnerre semble venir de la terre, grondement continu, mugissement d’un monstre enfoui.

Elle court, la peur au ventre, une peur d’enfant, celle d’être dévorée par la bête qui sommeille sous ses pieds. Les gens courent autour d’elle, eux aussi ont peur de la bête. Elle ose un coup d’œil en arrière.

Des hommes armés poursuivent les villageois, tuant ceux qui espèrent encore s’enfuir. Des cris désarticulés sortent de la bouche des bourreaux, ordres aboyés, incompréhensibles.

Le village est bientôt envahi, les gens ont cessé de courir. Un homme tout vêtu de noir, s’approche de la foule paniquée. Il crie, il hurle, mais la petite fille ne comprend pas, elle pleure.

Monsieur le maire s’approche, son ventre rond, son air grave, la petite fille s’est souvent moquée de lui, mais pas aujourd’hui. Il s’avance vers l’homme en noir.

La petite fille n’entend pas ce qu’il dit. L’homme en noir fait signe à un de ses soldat d’avancer et lui cri dessus. Le maire a la bouche grande ouverte, comme il fait quand il ne comprend pas quelques chose. La petite fille se moque souvent de lui quant elle le voit gober les mouches de cette façon, mais pas aujourd’hui.

Le soldat sort une arme. Un liquide rouge sort de la tête du maire, comme un feu d’artifice. La petite fille aime les feu d’artifice, mais pas aujourd’hui.

Les gens crient et pleurent autour d’elle, mais pas elle, elle regarde le soldat, cherchant à comprendre pourquoi, il vient de faire sauter la tête de monsieur le maire…

*


Il a quitté son pays par conviction, exalté par les idées de leur chef, de leur libérateur. Il a parcouru ces contrées, en conquérant, guidé par l’officier. Il a tué hommes, femmes et enfants pour que son pays devienne grand.

Parfois, il pense à sa femme, à sa fille, là-bas au pays, mais pas longtemps, il doit se concentrer sur la guerre, sur la conquête, pour que revive le grand empire des temps anciens.

L’officier cherche un traducteur. Un homme s’avance, aucun d'eux ne le comprend.

Dieu, qu’il ressemble à mon père…

L’officier lance un ordre au soldat, la mort pour l’imprudent qui n’a pas ployer devant leur puissance. Le soldat tend son arme vers le visage de l’homme.

Tue-le, ordonne l’officier.

Il hésite un instant, il ne peut tuer un homme qui ressemble à son propre père. Puis la raison reprend le pas sur ses sentiments, il abat son arme dans la tête de l’homme qui explose en une gerbe de sang.

En rangeant son arme, il croise le regard d’une petite fille, elle ne crie pas, elle ne pleure pas. Il pense à sa femme et à sa fille qui l’attendent là-bas. Il lit tant de questions dans le regard de l’enfant (Si elle savait ce qui l’attend…) Puis il chasse cette pensée, il a fait son devoir, il le fera, parce que c’est ce que veut leur chef, leur libérateur.

Il tuera père et fille s’il le faut…


Dernière édition par le Sam 4 Mar - 10:49, édité 1 fois
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Ripitchi
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MessageSujet: Re: Le chant des aveugles   Le chant des aveugles EmptyVen 3 Mar - 14:00

Trop tard...
Trop tard pour courir...
Trop tard pour fuir...
Se cacher, Maman l'a dit.
Ne pas regarder, Maman l'a dit.

Dans le noir, rester dans le noir, ne pas parler, ne pas crier... Maman l'a dit... Maman l'a dit...

Les pas raisonnent comme mille marteaux, bruyant, soulant, souillant...

D'abors un souflle, puis rien, ne pas écouter, se boucher les oreilles... Maman l'a dit...

Et pourtant... Le bruit raisonne, les voix atteignent les tympans... caché dans l'ombre, il voit... Maman avait dit... Maman avait dit de ne pas regarder...

Ils sont venu, qui leur a dit qu'ils étaient ici... pourquoi ils ont su... Maman n'avait rien fait... elle n'avait pas dit...

La douleur, celle de Maman d'abors, celle qu'il lit sur son visage, puis plus rien...

Ne pas pleurer, Maman l'a dit... Ne plus regarder... Ce n'est pas vrai... Maman l'a dit...

Pourquoi... Pourquoi des sourires satisfait sur leur visage... Ne pas sortir... Maman l'a dit... Rester dans le noir... Maman l'a dit...

Ils repartent... Trop content... Ne pas crier... Jamais... Comme Maman l'a fait...
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Arlequin
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MessageSujet: Re: Le chant des aveugles   Le chant des aveugles EmptySam 4 Mar - 18:37

Le grand père retrouvait peu à peu ses mots, ceux pour dire, ceux pour expliquer, les bons mots, ceux qu’une petite fille pourrait comprendre. Mais il est si difficile de trouver les mots, quand l’émotion les bouscule et puis, il a essayé de parler, il a essayé de dire ce qui se passait, ce qu’on faisait de tous ces gens, oui, il a essayé, mais personne n’a voulu l’entendre. Et si une grande personne ne peut entendre, comment trouver les mots pour les faire entendre à une si petite fille…

Alors, il chercha dans la pureté de l’enfant, il se dit, que si déjà, elle pose les bonnes questions, alors, elle entendrait peut-être les mots, que les autres n’entendent pas.
Il frotta son crane où siégeaient encore quelques cheveux, repoussant machinalement une mèche invisible, égarée avec sa calvitie, témoin du temps qui avance inlassablement, usant les mémoires, déformant les souvenirs, maltraitant les pensées.
Puis, il passa sa main calleuse dans le dos de la petite fille, un geste simple, affectueux et tellement sincère.

Petite fille, je ne sais comment t’expliquer, j’ai beaucoup de mal à comprendre les gens, leur mode de pensée peut être si restreint si figé, l’aléatoire y a si peu de place. Mais, je sais que la différence dérange, de tout temps, de toutes époques, on a chassé la différence, on l’a brimé, écrasé, muselé, caché, moqué, condamné, maintenant on l’enferme pour la réduire à néant et demain les gens auront oublié, ils ont tellement mieux à faire que de se souvenir…

La petite fille écoutait, attentive, elle goûtait chacun des mots du vieil homme, son grand père, ses racines et elle se disait, qu’elle les aimait ses racines et qu’il est bon d’avoir un grand père, pour l’écouter parler et se souvenir, avec lui. Elle se disait aussi, qu’elle serait bien triste si son grand père disparaissait ou si, les soldats l’emmenaient dans le camp, près du petit garçon.
Mais elle avait tant de mal à comprendre.

Grand père, je ne comprends pas : si la différence dérange, pourquoi le monde a t-il été créé avec tant de diversités, pourquoi les oiseaux ne se ressemblent t-ils pas, pourquoi les fleurs n’ont-elles pas le même parfum, pourquoi mes yeux sont-ils bleus alors que les tiens sont noirs… Pourquoi grand père ?

Le vieil homme frictionnait nerveusement le dos de l’enfant, embarrassé par ses questions, ne sachant quoi répondre, il se contenta d’un sourire, puis d’un baisé sur la joue rose et tendre de la petite fille.


*
* * *
*


La mère du petit garçon était belle, malgré la faim, malgré la maigreur qui la faisait ressembler parfois, à un épouvantail que les vents auraient trop fouetté, malgré son crane rasé par les autres et ses pieds abîmés, écorchés, souillés d’avoir trop marché dans la boue, malgré ses mains usées et déchirées par le froid et les travaux trop pénibles, rien ici, n’avait encore réussi à effacer les lumières qui brillaient dans son regard ébène.

Elle était tellement belle que depuis quelques jours, aux premières heures de la nuit, les bourreaux venaient la chercher. Elle les suivait sans rien dire, sans un mot, résignée et quand ils la ramenaient au milieu de la nuit, quand chacun des occupants du dortoir dormaient, fourbus et épuisés de survivre, son regard ne brillait plus. Chaque soir, elle vomissait son dégoût dans un coin sombre, sur le plancher froid et sale, puis s’allongeait repliée en boule sur le lit glacé, enfonçant sur son bas ventre, ses mains fines et autrefois délicates.
Lorsque le petit garçon qui ne pouvait s’endormir, avant qu’elle ne revienne, allait se blottir contre le corps tremblant de sa mère, elle, elle lui disait : « Tout va bien… »

Le petit garçon avait grandit trop vite, poussé par les journées faites de l’horreur et de la haine des gardiens de la différence, il avait appris très tôt, trop tôt pour un enfant, que les mères ne disent pas la vérité, pas toujours ou pas celles qu’un petit garçon devrait connaître.
Chaque soir, il regardait sa mère vomir et sangloter, chaque matin, il voyait sa mère se flétrir un peu plus, marcher avec plus de mal que le jour d’avant et ses si jolis yeux qui ne souriaient plus, le petit garçon savait que c’était mal.

Mais il ne disait rien, dans le camp personne ne disait rien, le silence des mots tus, avait remplacé les rires et les bruits de son enfance. Il n’avait plus que le souvenirs pour se tenir chaud et se dire qu’elle allait bien et que tout s’arrêterait un jour, peut-être le suivant ou bien celui d’après.

Un soir, les soldats l’ont ramené plus tôt que d’habitude. Il l’ont traîné à l’intérieur et jeté sur le lit ; elle ne bougeait pas, ses bras pendaient sur les bords du lit comme un pantin désarticulé, son visage tourné sur l’oreiller était couvert de sang, le sien.
Le petit garçon s’est approché d’elle, avec ses yeux mouillés, il a essuyé le sang, il a pleurait dans le silence de la nuit, les larmes de la colère, celles de la rage aussi, puis il a bercé sa mère dans ses petits bras d’enfant qui ne comprenait pas et doucement, il lui disait: « Tout va bien… »

Le lendemain, elle ne s’est pas levée. Le petit garçon non plus.

Elle ne s’était pas réveillée, trop de coups, trop souvent souillée et dégueulassée, violée, humiliée, battue, elle avait choisi de rester dormir encore un peu, de ne pas ouvrir les yeux, de garder pour elle, cet instant, une dernière fois.
C’était la dernière fois que le petit garçon voyait sa mère.

***
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Ripitchi
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MessageSujet: Re: Le chant des aveugles   Le chant des aveugles EmptyDim 5 Mar - 17:42

Ils sont venu... non pas "Eux", mais les voisins... ceux là meme qui n'ont pas bougé quand les bruits les ont averti.

Ils ont d'abors trouvé le corps de Maman... allongé sur le sol, juste, assassiné. Dans les périodes de trouble... tout se justifie, et tous se sont trouvés une raison de ne rien avoir fait pour l'aider. Comme pour apaiser leur conscience, ils l'ont cherché, ce fils qu'elle avait.

Ils l'ont trouvé, dans le noir d'un placard mal fermé. Accroupi sur lui meme, les genoux serrés sur le menton. Ni une larme, ni un cri... comme Maman l'avais dit. C'est l'épicier d'en bas qui est venu lui parler, et les mots sont parfois pire que les coups...

"Maman est morte... maintenant, il te faut partir..."

Sans un mot, sans une larme, sans un cri... juste comme Maman l'avait dit... il s'est levé, et il est parti, dans l'indiference de ceux qui n'avait rien compris... ceux qui pensaient etre à l'abris de la différence, parce que de l'exterieur rien ne les differenciaient.
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Alyssandre
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MessageSujet: Re: Le chant des aveugles   Le chant des aveugles EmptyMer 8 Mar - 12:42

L’homme en noir hurle ses ordres, la petite fille ne comprend pas. Elle voit les soldats emporter le corps sans tête de monsieur le maire, vers l’église, vers les Dieux. Il aboie comme le chien du garde-chasse. Du doigt, il leur montre l’église. La petite fille a l’impression de voir les flammes de l’enfer dans ses yeux, comme quand le prêtre leur décrivait le diable.

Les soldats entourent le groupe de villageois, brandissant leurs armes, comme des fléaux. Ils poussent les gens vers l’église. La petite fille s’étonne. Pourquoi veulent-ils aller à l’église ? Il fait beau, c’est dommage de s’enfermer. Peut être qu’ils veulent se confesser, pour avoir été méchant avec monsieur le Maire ?

La petite fille regarde les gens se bousculer, pousser par les soldats, mais elle ne bouge pas. Un lieutenant la regarde, furieux. Il s’approche d’elle en criant. Il lui fait peur, elle tremble, retenant, dans un hoquet, une larme. Une main s’abat derrière sa tête blonde. Jamais personne n’a levé ainsi la main sur elle aussi violemment. Elle s’écroule sur le sol.

Un cri dans la foule détourne le regard du lieutenant. La mère de la petite fille vient de découvrir son enfant au pied de l’homme. Elle court vers elle, la prend dans ses bras, sous les coups répétés des soldats, puis l'entraine vers le groupe de villageois, mener comme du bétail vers l'abattoir.

La petite fille pleure, elle ne comprend pas pourquoi les soldats ont le droit de frapper les autres, alors que elle, la seule fois où elle a taper la vilaine Louisa, elle a été punie... Pourquoi personne ne dit rien, pourquoi personne ne les punit?

***


Il pousse le troupeau humain vers l'église. Bientôt la sentence s'appliquera, plus dure que le jugement de Dieu. Ils payeront tous pour les fautes de leurs paires, hommes, femmes, enfant vieillards.

Ils seront juger pour les crimes qu'ils n'ont pas dénoncer.

Un groupe de résistants se cache dans leur rang. Pour éviter une contagion par la vermine, les officiers ont décidé de raser ce village, pour l'exemple, pour la leçon.

Il les pousse vers l'église, vers le chatiment de l'homme à l'homme.

Une fois que tous y sont entré, l'officier ordonne de fermer les portes. On apporte l'huile et quelques torches, pour un brasier qui purifiera ce village de ses fautes.

Lentement, les flammes lèchent les murs, gourmandes de la chaire qui se trouve derrière
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MessageSujet: Re: Le chant des aveugles   Le chant des aveugles EmptyMer 22 Mar - 14:22

La petite fille continua, jour après jour, elle allait près du mur regarder les chariots entrer dans le camp et ressortir vides, elle regardait le petit garçon courbé et qui marchait le visage rivé sur le sol boueux. Chaque jour, elle jetait des pommes de terre par dessus le mur, le petit garçon en ramassait quelques unes et les cachait dans ses poches ; elle se disait que c’était peu, mais il avait si faim et les raisons de mourir dans le camp, si nombreuses.

Puis un jour, le petit garçon n’est pas venu, le suivant non plus d’ailleurs.

Comme tant d’autres, il a essayé de survivre à l’horreur perpétrée par les gardiens de la différence, il a fait ce qu’on lui demandait, il a travaillé, ravalé ses douleurs et ses envies de hurler. Dans le silence des larmes, des jours et des nuits, il a vu tomber tous les siens, sa douce mère, sa famille de souffrance et de solitude, celui qui partageait son morceau de pain, celui avait relevé la tête, celui qui n’avait rien fait.
Mais il a fait ce qu’on attendait de lui, jusqu’au bout, jusqu’à ce que épuisé, il s’effondre dans la boue, au pied d’un bourreau ricanant.
Pour le punir au rythme du camp, il lui fracassa le crane à coups de bâton et de haine, un de ces gestes devenus banals, un geste définitif et asséné sans aucune pitié, au nom de la différence.

La petite fille ne vit plus jamais le petit garçon.
Lorsque d’autres soldats arrivèrent pour libérer les survivants du camp, elle fut massacrée et jetée dans une fosse commune, au milieu des corps empilés et décharnés, peut-être auprès de celui du petit garçon qu’elle aimait à regarder passer, ou auprès d’un autre, quelle importance au fond, il n’y a plus de différence derrière la mort.

Son grand père, gisait à coté d’elle, lui aussi abattu comme un chien, au nom de la liberté, cette fois.


Plus jamais ça.

***

Ils sont enfermés dans l’église, tous réunis comme pour la messe de Noël. Il fait chaud, très chaud. Les vitraux explosent en une pluie de verre multicolore. Quelques flammes passent par les ouvertures, doigts de feu avide de chair humaine.

La petite fille regarde terrifiée les flammes plus hautes que celles de la Saint Jean.

Un cri horrifiant raisonne à travers l’église. C’est la vieille Martine, qui hurle comme si le diable courait après elle. La petite fille se souvient qu’avec les autres enfants du village, ils se moquaient d’elle et de sa coiffure en forme de choucroute.

Elle n’a plus envie de rire, elle n’a plus envie de se moquer. La chevelure de la vieille Martine est en train de prendre feu. La pauvre femme ressemble à une allumette douée de parole.

Un par un, les habitants s’embrasent, s’enflamment comme fétu de paille.

Des bras vigoureux saisissent la petite fille, l’arrachant à la main douce de sa mère. Les bras la serre fort, si fort, l’entourant, l’enveloppant. L’homme qui l’enlace court vers le mur, sa redingote sur la tête pour que ces cheveux ne fasse pas comme ceux de la vieille Martine. Il court, bousculant les autres villageois, ses amis de parties de carte, ses compagnons de labeur. Il s’élance dans l’espoir de sauver une petite fille.

Il bondit tel un chat à travers les flammes, malgré le fardeau qu’il transporte contre sa poitrine. Il quitte l’air suffoquant du brasier, pour l’air libre. Les soldats se jètent sur lui, comme une meute de loup sur un mouton égaré.

Ils arrachent à ses bras la petite fille qui hurle, crie. Elle tape de ses petits poings ces hommes méchants qui font mal à leur semblable.

Un soldat pointe son arme sur la gorge de l’homme. Un autre l’imite visant la chair tendre de la petite fille. Une larme coule le long de la joue de l’homme. Il y a une décade, il a fait sauter un convoi ennemi. Aujourd’hui, plein de remord, il regarde une petite fille, une arme sous la gorge comme une génisse des sacrifices des temps anciens.

Un mouvement du poignet… un flot de sang… l’homme est mort.

Le corps de l’homme tombe au ralenti, d’abord à genou, comme une prière, une demande de pardon à cette petite fille qui demande pourquoi, puis son corps s’allonge sur le sol, défiguré en un rictus de mort.

La petite fille pleure.


Le soldat tient son arme sous le cou de l’enfant. Il voit le sang de l’homme gicler sur sa robe aux couleurs de rêves lointains. Il voit les larmes qui coulent, les gémissements, les hoquets de terreur sur ce visage qui ne devrait rien faire d’autre que sourire.

Mais c’est le prix à payer pour sa patrie, pour que ses propres enfants, pour ceux qui décident de ce qui est bon et de ce qui ne l’est pas.

Le supérieur aboie l’ordre d’exécution. La main du soldat tremble un peu. Il hésite au moment où l’enfant tourne ses yeux embués vers lui. Si petite, si frêle et pourtant il lui semble qu’elle domine sa volonté, bien plus que ses chefs. Il manque de lâcher son arme. Mais les cris du supérieur le ramènent à la réalité. Il assure sa prise sur le manche de son arme et sans un tressaillement, mutile le petit corps si fragile.

La gorge béante, le sang quitte la chair, dans un dernier souffle l’enfant demande pourquoi.

Le soir suivant, le soldat se jettera sur sa propre lame, en rêvant de la petite fille aux yeux de larme se vidant de son sang au rythme des cris d’agonie des siens.


Plus jamais ça.
***
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