Mélancolie

Je rentre d’une journée de chasse aux monstres. Le soleil couchant teinte le ciel de couleurs chaudes et douces. Des rouges, des roses, des violets, des oranges. Les fleurs célestes ouvrent leurs corolles chamarrées pour saluer le coucher de l’astre diurne.

J’arrive au campement, qui raisonne déjà des rires d’une fête en préparation. Pourtant ce soir, je ne me joindrais pas à la beuverie, aux rires et aux chants.

Je me dirige vers ma tente et me débarrasse de mon équipement. Je passe une robe simple, boucle une ceinture. Leuca quitte mon ventre pour venir se lover au creux de ma poitrine. Je passe une main distraite sur ses anneaux.

Je ressors dans la fraîcheur nocturne. Cette fois, le soleil a cédé sa place à la lune bienveillante. Elle guide mes pas jusqu’au lac. L’herbe crisse sous mes bottes, racornie par des jours de sécheresse, accueillant comme un répit l’humidité nocturne.

J’arrive au bord de l’étendue d’eau. Je m’adosse à un arbre, quitte mes bottes et laisse tremper mes pieds dans l’onde. Je ferme les yeux un instant. Cela fait plusieurs jours que j’y pense.

Peut-être est-il temps ?

Cela fait plusieurs jours que j’évite mes compagnons. La vie a changé au campement. La forme est la même, mais parfois les gestes semblent vide de tout intérêt, comme trop longtemps répétés pour être naturels.

Une lassitude s’est emparée de moi, me plongeant dans un marasme muet. Je regarde les sourires de mes compagnons et n’y trouve aucun écho. Je me sens comme une tache d’huile au milieu de l’eau, qui jamais ne parvient à se mélanger.

Peut-être est-il temps de partir ? Malgré tout l’amour que j’ai pour eux, malgré qu’ils soient devenues ma famille, je n’ai peut-être plus ma place, ici.

Assis non loin de la troupe, je vois mon idole, Alyssandre qui s'esquive, nous évite.... Boarf je n'aime pas ça, signe que quelque chose va mal.

Mais personne d'autre ne la remarque, trop occupés à se curer le nombril, à se gratouiller les norteils, à s'arracher les poils du nez, ou à crever ses pustules (N'est ce pas Kweek ! ^^).

Je comprends trop bien ce qui se passe dans la tête de ma grande Alyss, et j'ai une folle envie de leur botter leur petits culs aveugles. Vont la perdre ses cons, vont la perdre !

Le clan se décime, s'étire et bientôt de cette belle toile qui était si prometteuse, il ne restera que des lambeaux... Tout ceci n'est plus qu'une mascarade, où chacun porte un masque de convivialité figée, qui ne veut plus rien dire, n'a plus de sens.

Je délaisse la troupe en grommelant dans ma barbe de deux jours (mouais j'ai oublié de me raser... ça arrive hein !), tire sur la tite couette du gnome au passage, et je me mets à pister mon amie.... Amie que je trouve près du lac.

"Groaaaaawwwwwwwwrrrrr mon idole. Ton mini moi aime pas te voir dans cet état. Je sais ce qui te tourmente, pour le vivre aussi. Mais retrouveras tu une autre famille sur ces terres ? je crois pas ma belle ! ta place est ici, quoi que t'en dise... Un jour où l'autre ils finiront bien par ouvrir les yeux... Si ça n'arrive pas, tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça... tsssssss".

Je trottine jusqu'à elle, et l'entoure de mes petits bras.

"Si tu racontes que je t'ai fais un calin... je te boude grumpfff"

Je me relève, sentant autour de mon cou le souvenir des petits bras de Brynn. Une rumeur m’est parvenue depuis le campement.

La fin des Ithryn, la fin de ma famille, la fin d’une partie de moi.

Mes mains se crispent sur le tissu de ma robe. Une boule vient de naître au creux de mon ventre, comme une infâme engeance. Mon regard se porte sur mes compagnons qui déjà font leur bagage. Je les regarde s’apprêter à disparaître dans l’oubli.

Je me sens vide comme un coquillage rejeté par la marée, cassé, usé d’avoir été passif. Je voudrais courir vers eux et les serrer dans mes bras, mais je ne m’en sens pas le droit.

Mon courage me fait défaut, je vois sur le visage d’Arlequin tellement de reproche, tellement de rancœur. Raimhy, Elda et Chim ses amis de toujours le suivent, Lylou sa compagne, Boa sa nouvelle complice aussi. Brynn s’éloigne de son côté, son petit visage bougon déformé par la frustration et la tristesse.

Je croise un regard plein d’incompréhension, qui fait écho à ma propre désillusion. Yass. Je lis dans ses yeux les mêmes questions qui se bousculent dans ma tête, je sens en elle la même hésitation.

Je voudrais crier le nom de mes compagnons, mais aucun son ne sort de ma bouche. Je regarde Yass. Je regarde Arlequin et ceux qui le suivent. Je regarde Brynn. Une larme coule sur mon visage… je pleure, je tombe à genoux et laisse la bile couler de mes entrailles et couler de ma bouche vers le sol.

Un léger souffle, une brise imperceptible, une brume légère, et un spectre se forme parmi l'air ambiant...
à côté d'Alyssandre, si proche, presque àlatoucher si ce corps était physique...
L'apparition semble vouloir prendre des traits, elle se forme, se modèle... Le spectre transparent incarne un visage connu de la jeune guerrière, plus croisé depuis longtemps au campement il est vrai...

Ce qu'on appelle fantôme dans certaines contrées se nomme à l'instant présent Vegas,enfermé dans sa non-vie..
Quelque temps qu'il rôde au campement, il a pu revoir les siens, sa famille de coeur, une joyeuse sarabande qu'il a toujours considéré comme son clan, du temps de la vie physique et aujourd'hui encore...

Le spectacle qui s'offre à ses yeux de spectre l'émeut, le peine, la non-vie a ceci de paradoxal qu'elle lui permet de ressentir ces choses là, ces sentiments en sont ils exacrbés ?

Il regarde avec bienveillance la princesse sans royaume...



Coucou jolie rouquine... Sèche ces larmes... Ce qui se trame est désastreux.. Mais est ce là le passage vers autre chose ? Ma place n'est plus ici, mais je ne peux me résoudre à vous voir vous déchirer ainsi en guise d'adieu...
Tu as un choix à faire, ma belle, ils sont là bas, à l'orée du campement, prêts à t'accueillir, ou à revenir, tombez vous donc les bras, tapez vous dans le dos, échangez quelques baffes, ripaillez et gouaillez ensembles, qu'importe l'issue de ceci, si la troupe devait se disperser, ce ne sera pas ainsi... Pas ainsi...

Son regard se fait plus grave...

Quant à la petite naine, je peux tenter quelque chose, mais elle aura besoin de vous...


Il lui tend sa main de spectre.... et son regard grave cache quelques sentiments mélés.. distincts mais en symbiose... Pas ainsi...

Je souris à l’apparition du chaton. Je suis trop lasse pour avoir peur.

Tu as raison Végas, il me manquait juste la force et tu viens de me la donner… Merci

Je détourne mes yeux de l’être d’éther et me relève. Je passe dans ma tente me rincer et débarrasser mes affaires. Au passage je jette un clin d’œil à Yass.

Je remet mon armure et boucle mes armes. J’arrive sur la place centrale du campement.