Farfal, Prophète d'Ishtar

Fauteuils profonds et tables basses... Tapis épais et moelleux. Boiseries anciennes, sombres. La lueur du feu jetait sur la pénombre de la salle un peu d'or rouge et ondoyant.

A peine entrée, je constate pour la énième fois le phénomène étrange qui règne partout en ces lieux. J'ai beau en avoir été témoin à d'innombrables entrées dans d'innombrables pièces, il me surprend et m'émerveille toujours. Progressivement, les trois chandeliers s'illuminent à mesure que de petites flammes naissent d'elles-mêmes au bout des chandelles, et deux lampes à huile en vitraux colorés se mettent à luire d'une lueur douce.

J'invite notre hôte à prendre place sur une pile de cousins épais, disposés là à l'attention des visiteurs de la gent centaurine. Arlequin n'a, quant à lui, que l'embarras du choix parmi les fauteuils et sofas divers... Je les laisse s'installer. Au fond de la pièce, le grand plateau attend. Cristaux et étains luisent comme je le ramène et le pose sur la table aux côtés du Prophète. Alcools divers, flacons de vins, deux théières rebondies aux vapeurs odorantes... Il n'aura que l'embarras du choix.

Je m'allonge à mon tour sur mon tas de coussins favori, une coupe de vin à la main. Pas de poison, messire Farfal... Vous pouvez y aller...

A mon tour d'avoir un petit sourire...

Il avait suivi Miss Boadicea sans rechigner, après tout il l'avait bien voulu. Il en profita pour satisfaire sa curiosité architecturale.

"Style massif proto contemporain…dépourvu d'art…c'est colossal…ça donne une impression de puissance mais…Quel dommage qu'il fasse trop noir pour admirer l'enduis…heum"

Le court couloir fit place à une salle délicatement chauffée et remarquablement bien équipée. Toutes les races de ces terres pouvaient y trouver un confort certain, et, voyant son hôte s'installer, verre à la main, il se mit à sourire. Elle désignait du regard un plateau argenté contenant toutes sortes de flacon, de toutes évidence, l'hospitalité avait ses limites, il fallait se faire servir par soi-même…
Il attacha alors son arbalète en son dos (l'appel de l'alcool était parfois bien trop fort chez le Prophète, qui par la même occasion savait parfaitement faire honneur à se race) et contempla les différentes bouteilles. Après quelques secondes, il prit un verre et versa plusieurs breuvages avec un dosage apparemment précis, puis il allongea le tout avec un trait de jus de fruit frais.
Au nez, il paraissait assez satisfait du résultat. Son faciès s'élargit mais pour d'autres raisons…Ces Hellequins qui l'avaient accueillis au sein même de leur forteresse…qui lui offrirent l'hospitalité…l'alcool et le coussin…Ne s'étaient même pas poser la question essentielle à cette heure ci…Pourquoi Farfal était ici…?

Rendant ainsi son sourire à Boadicea, le Prophète s'installa.
Arlequin n'était pas encore arrivé, ne parlons même pas d'Aelis.

Il dévisagea durant de longues minutes celle qui l'accueillit si bien. Elle ne dit mot.
Après avoir bu quelques gorgées de sa préparation, il lui dit

Vous êtes étrange. Votre curiosité ne va pas plus loin qu'une pensée éclosant en hors-saison, et c'est fort dommage. Les gens curieux sont ambitieux et visionnaires, je suis peiné de voir que soit je ne suis pas assez important à vos yeux pour susciter une attention particulière, soit vous êtes complètement désintéressée de tout…

Il marqua une pause.

J'ai demandé une audience officielle. Etes vous en mesure d'étayer votre curiosité ou bien quelqu'un d'autre va le faire pour vous…?

Je prends le temps de lui sourire... C'est étrange... Son arrogance m'aurait fait bondir il y a peu, mais toute fierté inutile semble s'être évanouie... Et je reste calme, détendue, même. La raison est évidente... Le verbe haut, la voix sonore, oui... Mais je n'ai rien à craindre de lui.

Est-ce l'usage de questionner les gens sur le pas de la porte ? Vous êtes dans la salle où nous accueillons ceux qui comme vous, demandent audience... Quelle que soit leur importance, à leurs yeux ou aux nôtres.

Vous avez demandé à rencontrer Aelis, ou Arlequin. Lui au moins, devrait arriver d'ici peu. Si vous tenez à voir Aelis également, j'irai la prévenir, dès qu'il sera là. Peut-être est-ce à tort que j'ai préféré rester auprès de vous le temps de veiller à votre confort ?

Une gorgée de vin...

Maintenant si les questions vous manquent à ce point, et que vous les tolérez venant de quelqu'un dont vous n'avez pas sollicité la présence, j'aimerais en effet savoir ce qui vous amène ici, ce soir...

Un rien de facétie dans le regard, une autre gorgée de vin...

Vous n'êtes quand même pas venu pour satisfaire ma curiosité ?...