[Autre perso que Sharden = A définir]
Je la regarde, belle, oui, trop belle pour être vraie. Je la fixe, mes yeux se posent au fond de ces prunelles sombres. J’essaye d’y voir la vérité… Mais ma vérité est dans ma main. Et elle le sait. Tout s’est joué quelques jours avant, quand elle m’a ouverte la porte, et que je suis rentrée… En invitée. Qu’elle pleure si elle le veut, je ne reculerais pas. Que ses crocs me déchirent la chair, elle mourra.
Je m’avance vers elle, belle et sauvage. Je laisse mes griffes parcourir le rebond de sa joue maigre. Combien de temps qu’elle est ici, accroché à ce pieu, sans bouger, sans manger ? Combien de temps que cette torture la bouffe de l’intérieure ? J’aimerais qu’elle soit morte naturellement… Mais je ne veux plus attendre. Elle mourra.
Je me retourne, la queue frotte le sol et soulève l’épaisse couche de poussière qui s’est étalé au fil des années. Je me penche et ramasse ma besace. Je la pose sur la table et y extrait plusieurs petits objets. Mais un seul m’intéresse. Mon œil jaune se pose sur elle… Mourir. Fléchir. Ces larmes ont flétries. Elle ne pleure plus des larmes cristallines mais des larmes de sang. Dernière des siens, je reprendrais le flambeau. Oui. Je serais la dernière des leurs…
J’ai toujours habité ici. Pas dans le manoir. A la nécropole. Ils m’ont abandonnés. Ils ont fuis celle qui leur avait ouvert les bras.Aujourd’hui, elle le paye. Je joue de cet objet entre mes mains. Une simple plume. Une plume de griffon. Une seule plume. Je pose celle-ci sur la table… C’était notre symbole. Symbole d’une puissance que nul clan n’aura jamais. Nous étions les Parias, dans toute leur cruauté...
Et aujourd’hui ? Que reste il de l’empire de terreur ? Absolument rien que quelques ruines abandonnés, que quelques feuilles volantes, quelques bouts de bois et quelques goules encore debout par on ne sait quelle force. Mais ils dorment tous… Et elle… Elle nous as trahit, elle a fuit la nécropole avec les autres, les derniers autres.
Ils le payeront, je serais la dernière. Je suis la seule digne d’avoir le flambeau… Je suis la dernière. Je m’approche d’elle, mes griffes se posent sur sa joue… Si seulement elle savait ce qui l’attend. Les cordes qui la nouent sont mal attachées, mais ceux qui lient ses jambes sont bien plus costautes. Je tire sur la corde, et elle se retrouve la tête dans le vide. Qu’elle sente la douleur envahir tous ses muscles endoloris, faibles. Je m’approche d’elle, et je lui retourne une gifle. A son oreille, je murmure gentiment :
« Ne dors pas, ne dors surtout pas… »
Elle ne sourit plus, et ses larmes tâchent le sol. Pendue par les pieds, elle n’arrive même pas à se débattre. Déjà dix jours qu’elle n’a pas bu une seule goutte de sang, déjà dix jours qu’elle dépérie devant moi. Aujourd’hui, c’est la fin. Je ramasse la plume sur le bureau. Je ferais comme avec les lapins, comme d’antan.
Je m’approche d’elle et elle devine dans mes yeux toute la signification de la mort, de la douleur. Je suis une vraie Paria, elle n’est qu’un rejeton, elle n’est qu’une espèce inférieure à nous, même pas digne d’être appelée par ce titre là. Elle n’est rien. Un jouet cassée de la nécropole, trop mal manipulée, trop désobéissante. Elle finira comme Saucar, comme Zachariel, comme Sieg.
Je lui agrippe les cheveux, elle grogne comme son chat mord. Elle n’arrive même plus à se débattre, et le grognement devient râle. Je lève lentement la plume, et lentement je l’approche de son œil. Non, pour elle, même l’assomment ne sera pas utile. Il faut qu’elle souffre, qu’elle subisse la mort de plein fouet pour le mal qu’elle nous as fait.
Lentement, mais avec un plaisir non dissimulé, la plume traverse son iris, elle hurle, retrouve alors sa vigueur. Mais les cris sont étouffés par la douleur, la faiblesse. Elle n’arrive plus à rien, juste à avoir mal. Voilà qu’elle tourne de l’œil. Je lui met une bonne gifle, qu’elle se tienne encore éveillée, car la douleur ne passera que quand la dernière goutte de sang aura été versé, que quand la dernière larme de la nécropole aura coulé.
La plume ayant déchiré l’œil, dont le blanc coule, se mélangeant au sang, j’aime. Je recule doucement, que c’est beau ! Je recule encore, tâte le vide jusqu’à trouver mon siège. Là, satisfaite du spectacle, je m’assois.
Joue mon pantin, car ce sera ta dernière danse.