(Des)Honneur et (manque de) Courage

Tagaclop...tagaclop...tagaclop...

Le centaure court à travers la prairie. Dans son regard, on ne peut lire que courage et détermination. Le coucher de soleil darde sur lui ses reflets mordorés, faisant reluire sa puissante musculature. Son arc entre les mains, il est, malgré sa vitesse, à l'affut de la moindre proie, prêt, tel l'ange victorieux, à exploiter toute faiblesse pour porter le coup de grâce.

(Des)Honneur et (manque de) Courage Centaurarcher2nq9

(Des)Honneur et (manque de) Courage Centaurarcher2nq9

Enfin...le démon apparaît. Le mufle frémissant, le regard ivre de sang et de colère, il se dresse face à l'archer vengeur de toute son infernale taille. Mais le centaure ne tremble pas, il est prêt, il est grand, il est beau, il décoche une première flèche qui se plante juste dans la faiblesse de l'armure du monstre, qui hurle de douleur.

Mais cela ne suffit pas. Il brandit sa gigantesque massue, et tente d'en frapper l'archer. Peine perdue. Il est rapide comme l'éclair, vif comme le vent. Il esquive avec grâce chacune des offensives. Une deuxième flèche siffle. Elle frôle le cou du démon, faisant gicler un filet de sang noir. Le monstre hurle de peur, se découvre.

Il tente une offensive désespérée, lançant tout son poids sur le centaure. Manqué, c'est anticipé, la troisième flèche sera la dernière. Elle pénètre dans l'oeil du démon, pour ressortir, victorieuse, derrière le crâne. Le monstre s'effondre. Le pays s'en sortira, tant que son héros sera là pour le sauver...

*****

Tu parles d'une connerie, oué...bouquin pourri. Comment il s'appelle déjà ? Ah oui, "Quatre sabots d'héroïsme". Bien sûr. Comme si c'était donné à tout le monde.

Et gnagnagna courageux, et gnagnagna déterminé. Ils me gonflent, ces préjugés stupides, après, tout le monde pense que les centaures ont une âme de sauveurs du monde. 'porte nawak. Le jour où ça m'arrivera, j'veux bien qu'il me pousse une cinquième patte.

En plus, c'est toujours la même. Ceux qui ont quatre pattes, systématiquement, ils ont des jambons à la place des biceps. Pas moi. A peine je soulève un bouclier, c'est dire. J'suis à peu près taillé comme une planche à pain, et résultat, c'est ridicule. Parce que la populace s'imagine que les centaures sont tous des baraques. Ce qui est faux. Ou alors je suis particulièrement efféminé. Ce qui est euh...pas forcément vrai.

Et voilà, une heure de gâchée à lire ce livre à la noix. Si je l'attrape ce bibliothécaire, je...non. Rien ne sert de déclencher une émeute. Il est dans la force de l'âge, et dans ce bled crasseux de Bourgidus, y'a toujours un des mongols du Comité de visée ou je sais pas quoi pour te tabasser dès que tu mouftes. Ou même parfois quand tu mouftes pas. Bande de niais.

Bon, c'est pas tout, mais le gosse, là, m'a donné une quête. Tuer une grosse abeille, j'ai pas tout compris. Bof, on va appliquer la technique habituelle : je me mets loin, et je tire. Foi de Sinekein, le jour qui me verra m'approcher d'un ennemi n'est pas arrivé. Un lâche vivant vaut mieux qu'un héros mort, je l'ai toujours dit.

Enfoirée !

Enflure de sale gamine de mes...on se calme, on se détend, on respire... Mais qui c'est qui m'a foutu une grognasse pareille aussi ? "Va tuer la reine des abeilles", et gnagnagna...j'aurais voulu l'y voir, moi, avec quatre douzaines de machins gros comme le bras qui lui foncent dessus. Rien que leurs dards me donnaient envie de pleurer. C'est pas une piqûre, c'est un empalement ce qu'elles font. Inhumain. Si je retrouve cette...son dard, elle pourra se le...se le rien vu que je l'ai pas trouvé. Bien fait.

Je joue trop les fiers-à-bras, en ce moment. Déjà, me prendre pour le sauveur du monde qu'il va débarasser l'auberge des fantômes, j'aurais pas dû. J'ai réussi. Mais c'est pas bien glorieux d'attendre un tenancier d'auberge - un sale type, je ne le nie pas - caché derrière le bar, une flèche prête à partir. Et j'ai même pas eu la force d'accélérer sa mort. Trop les jetons. Faut dire que quand la gamine est apparue, comme ça, à côté de son pieu, j'ai failli faire une crise cardiaque...

De toute façon, je me suis fait embobiner, dans cette histoire. J'voulais pas les aider, ces deux gonzesses. Le chef de famille est une enflure ? L'avait qu'à faire gaffe à qui elle se marie. Mais voilà, elle m'a montré le masque, et je me suis dit, que bon, je pourrais peut-être faire un petit effort histoire de...

Tout ça pour un bloc de bronze brut qui pèse trois tonnes et qui m'empêchait de tourner la tête quand je voulais tirer. Vive l'investissement. Dix-sept minutes, j'ai chassé avec. Torticolis ensuite. J'ai remis ma cagoule, y'a que ça de vrai. Pour une boîte de conserve de nain, ça conviendrait.

Enfin là reste que j'm'ennuie un peu. J'ai aidé le gamin qui voulait une tête de cerbère, l'elfe a dit que je devenais un peu moins un faisan au tir à l'arc...c'est sûr, je progresse, mais bon...reste que l'autre fois il m'a fallu quatre flèches pour charcuter un bête chien caillasse, et que ça me vexe. D'autant plus que l'arc ça va, mais l'arbalète, j'ai toujours pas confiance. J'ai toujours peur de me planter de sens et de m'éborgner bêtement.

Sans doute est-ce ça, le plaisir de parcourir les Terres de Sarwyen...certains adorent sans doute la beauté d'une joute, ou l'élégance d'un duel. Mais rien ne m'otera de l'esprit que ce qui est le plus irremplaçable, c'est la lâcheté d'une flèche tirée de derrière une haie à soixante pas.

Ma tête...

J'ai la nette impression d'avoir un chaudron à la place du crâne. Attention ! Pas le petit chaudron de rien du tout, la belle marmite en fer forgé. Et surtout, le cuistot qui met des grands coups de cuiller dessus. On me sonne la soupe dans la boîte crânienne. Désagréable au possible.

Par moments, je me demande même si c'est pas une armée entière, qu'on est en train de servir. Ca sonne, ça sonne, des heures durant. J'oublie la potion soi-disant "miracle" vendue chez le boutiquier : c'est naze. Ah, on a plus mal ailleurs. En même temps, les entorses et les éraflures, j'ai appris à les supporter, mais les mégamigraines, non.

Aïe.

J'ai l'impression d'encore entendre le grand coup de gourdin du troll qui m'a fait entendre mâtines pendant toute la nuit. Lui, si je l'attrape...et bien j'en prendrai un autre, vu sa carrure, il en faudrait une petite quinzaine comme moi pour lui faire la peau. Et bien cachés, en plus. Comment il s'appelait, déjà ? M'l'a même pas dit. Il a fallu que je me traîne jusqu'à la grand place, que je demande à un saurus un peu niais qui y traînait comment s'appelait le grand machin vert, là-bas, non, pas l'arbre, parlez moins fort, s'il vous plaît, merci bien, je vous en redemanderai des conseils, au revoir.

Et le nom c'était...Potiron ? Non...la fin est bonne...ah oui ! Darkiron. C'est ça. Enfin je me vois pas lui rendre ses banderilles dans l'immédiat, mais autant sans s'en souvenir, dans un futur fort fort lointain, peut-être...Très fort fort. Une bonne flèche dans le dos, à la loyale. Voilà ce qui l'attend.

Le saurus m'a aussi dit que cet énorme bête faisait partie d'un clan. Ben voyons. Sûrement une belle bande de délicats personnages comme lui. J'ai mal saisi le nom, par contre. Iltri Bruine ? Titriline ? J'sais plus. Tant pis. S'ils sont tous les mêmes, doivent pas être terriblement agréables à fréquenter.

Pour me rappeler du nom, il a fallu que je croise d'autres brutos, mais eux, ils disaient qu'ils étaient "Le Comité de visionnage". Sûrement des voyants extralucides un peu dérangés. D'ailleurs, dérangés, z'en avaient un peu l'air. Et ils m'ont dit le bon nom. Ithryn Luin. On a pas idée de porter un nom pareil, quand même ? Et y m'en ont pas fait une description sympathique ! Une bande de fous, avec des centaures alcooliques ou lunatiques, des voleuses à poil, des nains (argh !), des scientifiques pervers, et un sorcier efféminé comme chef en plus !

On m'a dit qu'ils trainaient dans le coin. Faut que je les évite. Cette bande de loulous, je sens qu'il peut m'arriver des bricoles s'ils me mettent le grappin dessus. Sois prudent, mon p'tit Sinekein.

Ma tête...

Et vogue, vogue, la galère...ouais, la galère, ce pays. Passerait encore s'il était rempli de petits lapins qui s'appeleraient Poup...euh non, on s'en fout, de petits lapins, donc, de jolis oiseaux aussi, et pis des fleurs, partout, et des gens gentils, des chèvres, je sais pas pourquoi, enfin tout le monde qu'il serait beau. J'ai entendu une elfe particulièrement stupide qui chantait un truc là-dessus, Anoli, je crois qu'elle s'appelait. Enfin c'est pas dit qu'elle-même le sache.
Bon. C'est pas le cas. En vérité, j'suis pas sorti des ronces.
Déjà, j'ai l'impression que tous ceux que je croise ont :
A - Un regard belliqueux, avec des bras belliqueux, un arme belliqueuse portée par un esprit belliqueux. Etrangement, l'odeur paraît aussi souvent belliqueuse chez ces types-là. Y'a qu'avec les bains qu'ils ont pas envie de se fritter.
B - Une haine toute particulière pour tout ce qui a plus de deux pattes. Voire pour tout ce qui a plus d'une patte, je me demande aussi par moments.
C - Un besoin irrépressible de tester leur nouvelle hache/arbalète/épée à deux mains de la mort qui tue. Si je l'essayais sur le machin qui bouge là-bas ? Oh, bah mince, c'était vivant. Plus maintenant.

Du coup, j'essaie de clamser avec un paquet de cartes sur moi, et quand j'ai un peu de temps je tape le carton avec la donneuse d'âmes. Sympa, mais un peu mauvaise joueuse, soi-disant qu'elle peut pas perdre, qu'elle contrôle mon destin, et patati, et patata...
Mais c'est toujours marrant de tailler le bout de gras avec l'éthérée. J'ai aussi essayé de papoter avec l'autre fantôme des lieux, mais aucune conversation. Sûrement un ancien neurasthénique.

En tout cas, c'est pas ces histoires qui me font avancer dans cette quête stupides des gantelets du rat mort. Je sais pas ce qu'un rongeur crevé peut avoir comme utilité, mais quand on est un aventurier de ma classe, de ma puissance et de mon courage, et ben on a pas à faire la fine bouche.

Ce qui me rassure, c'est que niveau réfléchissement, ça tourne pas mal là-dedans. J'ai tout de suite pigé le coup de "l'eau, le feu, la boue". Ca fait un peu chanson pour 2-4 ans, mais grâce à mon intellect, j'ai fait la correspondance avec les 3 grottes dans lesquelles j'ai fait autrefois l'erreur d'entrer. Au moins, ça m'a guéri de mon arachnophobie. Mais, comme le dit le dicton, "on ne fait pas de courage sans s'casser des gueules", et donc elle m'ont relativement bien amoché une paire de fois.

Bref. Donc je pige direct, j'vais voir la naine qui garde l'entrée (entre parenthèses, il faudra qu'un jour je pense à mémoriser la piste pour y aller, histoire de plus dépendre de cette couillonne qui fait pipi partout dès qu'elle voit huit pattes velues qui s'approchent, et en plus, qui se couche avec les poules), j'entre, et je me pose en attendant que Gros moche, le maître des lieux, apparaisse.

Et là, CRAC ! Une flèche dans la pomme. Ploum. Un type qui s'appelle Cannibal. Sûrement un alcoolique qui décuvait dans la rivière souterraine. M'enfin, je me dis, pas grave, j'vais laisser gagner la Donneuse, elle pourra pas m'refuser de m'renvoyer directos dans la grotte...

Donc j'arrive, bonjour miss Donneuse, vous êtes très en éther ce soir, merci bien, vous de même. Allez, une p'tite partie, on a le temps, à vous la donne, j'annonce cent dix d'épée, je prends, parfait, générale surcontrée, poum perdu.

Là, je me dis, j'viens de lui donner mille quatre cents points, elle va pas faire la fine bouche. Et voilà pas qu'elle me fait des grands yeux, pis un sermon comme quoi j'avais qu'à avoir trouvé un point de résurrection, tout ça, patati, patata...mon oeil ouais. Incompétente plutôt.

Toujours muni de mes cliques et de mes claques, je retourne sur mes pas (une fois réssucité), et là...

ARGH !

Con*sse de Sal*pe de gamine de me*de, va te faire fou*re !

Encore couchée ! Mais quand est-ce qu'elle va s'émanciper de ses parents celle-là ?
Pour me défouler, je vise le premier chien-caillou qui passe et je le transforme en pelote d'épingles. Ca sert à rien, mais ça détend. Important pour ma tension.

Ouah, mais c'est qu'y deviendrait presque efficace le Sinekein !
C'est que maintenant il réussit des quêtes, et pas piquées des vers !
Mais ça, c'est grâce à ma technique spéciale anti-araignées. Le "Mamaaaaaaaaan". Quand je le gueule assez fort, elles sont tellement saoûlées qu'elles se tirent. Elles doivent se dire "Quel péquenaud celui-là, la première qui va l'croiser ca l'bouffer, pas la peine que je me déplace". P'tet que c'est honteux, en attendant je vois moins ma coupine Donneuse d'âmes en ce moment, donc c'est bon signe. Surtout que je lui dois 245 gopis de notre dernière partie, où je la soupçonne méchamment de m'avoir grugé en me sortant le sept de deniers exactement quand il fallait. J'étais pourtant persuadé l'avoir dans mon jeu. Ces magiciens, on peut pas leur faire confiance.

Et du coup, pas d'araignées, ogre à poutrer ! Ca a pas été une partie de plaisir. La première fois, je marchait prudemment, j'arrive à un croisement, je tourne à droite, et un coup de massue m'enfonce les quatre pattes dans le sol. C'est assez douloureux de servir de punching-ball à un Grommord, je le souhaite vraiment à personne.

La fois suivante, prudent, j'y vais à reculons. L'autre m'attendait exactement au même endroit. Lorsque je me rends compte que mon postérieur touche une de ses cuisses, dans une position que certains qualifieraient de douteuse, je me retourne, je hurle ("Mamaaaaan", mais ça marche pas là), je glisse et je me casse la gueule. Grâce à ça, ce crétin d'ogre met un grand coup de taille dans le vide, il se déséquilibre, et il éclate son arme contre la paroi. Pendant ce temps, j'avais couru, et entrepris de lui planter une flèche par décimètre carré de peau, et je peux vous dire que ça en fait des décimètres. C'est pour ça qu'il m'a fallu un beau carquois pour lui faire entendre raison. Ah ah. Encore une victoire de la matière grise sur la matière brute.

Après, ça a pas arrêté, j'ai enchaîné comme un champion. J'ai dégommé l'autre ogre, çui qui pue, j'ai commencé à collectionner les billes de couleur que je sais pas à quoi elles servent, et j'ai même réussi, après de gros efforts, à tuer la reine des Mygales. En ne lui servant de repas que deux fois. C'est vous dire si je progresse. C'est de cette deuxième fois que date ma dette au jeu d'ailleurs. Et ma prudence exacerbée aussi, sans doute. Parce que 245 gopis, ça fait quand même une somme. De quoi se payer une jolie poul...euh, une jolie arbalète.

En plus, en tuant cette saleté de Spiderwoman sans le woman, j'ai gagné une clé, qui, tenez vous bien, ouvrait un coffre ! Dingue, non ? Je me suis précipité dessus, un peu de bave aux lèvres, j'ai ouvert et...

J'ai trouvé un vieux pendentif tout crevé et puant avec un troll dessiné dessus. Dégueulasse. Pourquoi ça n'arrive qu'à moi ? Rentré la queue entre les jambes, enfermé dans ma chambre d'hôtel, à jouer au fléchettes avec ma dague contre toutes les araignées que je voyais. Vengeance. Une fois ma pulsion assouvie, je suis ressorti.

J'trainais des pattes, mes sabots abîmés, j'explorais mon quartier...

Quant un enfoiré d'orc est arrivé et a...

Ecorché mon visage, ecorché mes genoux, écorché mon gros corps tout mou
Bousillé ma viandasse, étripaillé partout, bousillé mes restes et mon mou...

Chiotte.
Ca falloir que j'raque.

Mais à quoi pensait le type qui a inventé ces souterrains pouilleux ? Il espérait y enfermer sa belle-mère ? Ca pue, c’est crasseux, gluant par terre, et les habitants sont pas forcément des plus reluisants. Pour parler gentiment.

N’empêche que je me suis découvert une passion. Botaniste. Je défriche à tout va. Les plantes valsent, valsent et valsent encore. Y’en a des petits bouts partout, accrochés à des flèches cassées et que j’ai pas pu récupérer. Et j’ai une collection énorme de bouts de ces maudits végétaux dans mon coffre. Me demandez pas pourquoi certains marchands les rachètent, vu l’odeur, je préfère pas savoir. Et vu la décomposition aussi. J’ai furieusement l’impression d’arnaquer en leur en donnant 25 gopis la pièce, mais ils bronchent pas. Pas difficiles. Un peu niais, aussi.

Enfin…y’a pas que ces sous-sols de mes quatre (pattes, vous pensiez quoi ?) ici, y’a aussi un château, où j’ai vécus plein d’aventures palpitantes.

Mon cœur a beaucoup palpité.

J’ai eu les foies. Les chocottes. Des nœuds à l’estomac.

Notamment quand le minotaure énorme m’est tombé dessus. Je me suis vu retourner vers ma copine donneuse d’âme, mais coupé en deux. Est-ce que ça m’aurait coûté deux fois plus cher la résurrection ?

N’empêche que l’abomination, elle s’est retrouvée avec Dix-sept flèches dans le buffet. Un félys qui regardait la scène m’a dit qu’à la troisième, il était mort, de toute façon. Ouais. Ben on est jamais trop sûr.

Ensuite, y’a eu cette $ù$^$^ù de diablotin de mes quatre, encore une fois. Jamais vu un type plus détestable, avec son air supérieur, « oui je sais des trucs, toussa, alors faut m’obéir ». J’ai furieusement eu envie de tester la torture sur l’avorton, mais j’ai du mal à supporter la douleur, même chez les autres, ça me met très mal à l’aise.

Et quand je suis mal à l’aise, je vo…nan, pas vrai. Je suis mal à l’aise, point. Enfin, parfois, je vomis aussi, mais pas toujours.

Bref. Minotaure, oursinisé. Diablotin, comblé (insulté en douce, aussi). Griffon, aidé (j’y ai même été de ma petite larme). Chef de la garde et consorts, éparpillés sur les murs. Ca donne un style à la décoration. J’avais envie d’appeler mon œuvre l’ « Endiouarolle », je sais pas pourquoi. Etrange.

Restait plus qu’à me farcir le boss parmi les salopards, le Vémir. Ca a pas été de la tarte de trouver comment me le payer, sachant qu’il était entouré de gardes armés jusqu’aux dents. J’ai fini par avoir une idée. Simple. Et qui me promettait de ne laisser que peu de plumes dans la bataille. Par contre, c’était d’une lâcheté assez impressionnante, mais on ne fait rien sans rien. C’est un art de vivre assez complexe.

Les deux gardes de la salle du trône retrouvèrent leur créateur un soir. Je m’étais trouvé un poste de tir parfait, avec la porte de la salle en dolby surround 16/9 THX. J’ai crié un peu, deux gardes sont sortis, même topo. Là, ils ont commencé à se douter de quelque chose, donc ils ont sonné l’alerte.

Sauf que j’avais piqué une des armures d’un mort. Et vous me croirez pas, mais ils ont pas fait gaffe qu’une des recrues avait trop de membres. Non. A vrai dire, pourquoi pas. Les centaures sont pas plus crétins que les humains. Ils se débrouillent aussi bien avec des lances.

Tout ça pour dire que j’ai été affecté à la garde de ce Vémir et qu’il s’est malheureusement coupé avec un rasoir abandonné un matin. C’est vraiment pas de chance. D’autant que la recrue hexapode a disparu ce jour-là. Sûrement tué dans une escarmouche.

M’enfin…vu ma destination, la conclusion pourrait être assez proche de la réalité. Barla ça me rassure pas.

J’ai les foies. Les chocottes. Des nœuds à l’estomac.

On s’refait pas.

Je suis arrivé directement sur Barla. Presque sans faire de détours chez ma coupine Croque-vivants. Enfin juste un peu. Un sort qui m'est arrivé sur le nez, et qui m'a laissé juste assez vivant pour m'en prendre un deuxième. Forcément. Lâche. Quel lâche. On dirait moi.

Du coup, j'étais énervé. Alors je me suis farci la première personne que je croisais.

Et le sort est tombé sur...

...une centauresse...des Constellations en plus. Elle a pas souffert, mais j'étais pas fier.

Enfin tout ça c'était hier soir... je suis désolé.

Plus jamais, j'vous jure, plus jamais comme hier.

M'enfin Sine, faut qu'y bouge ses fesses, il avait promis une paire de projectiles dans les premiers flancs qu'y croisait, et faut qu'y tienne ses promesses. Faut qu'il arrête d'en dire, surtout, des conneries comme ça. Je serais tombé sur un méga-archer de la mort, et j'étais bon pour faire boomerang avec le cimetière.

Ce qui aurait, convenez-en, été regrettable.

Bref, j'suis arrivé sur Barla, finalement.
Et j'ai commencé à faire un tour d'horizon des mille et uns dangers qui me valent à coup sûr les honneurs du charnier. Mais j'aime mieux m'en tenir à ma propre façon : je me cache en vitesse dès qu'je sens le horion.

Y'a Barla, la capitale, qui renifle son trou d'balle, sauf que ces raclures de gardes prétendent que chuis trop mauvais pour aller voir si c'est brillant intra muros. Si c'est dangereux, je peux pas leur en vouloir. Et si tous les Barlacapitoliens sont autant des raclures de trou à rats mal lavé que le type qui m'a escroqué 6000 Gopis, je regrette encore moins. Quelle enflure ! 6000 Gopis ! Au voleur! Au voleur! A l'assassin! Au meurtrier! Justice, juste Ciel! Je suis perdu, je suis assassiné, on m'a coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent ! Et tout ça pour que je trouve une pauvre pelle qu'a mille ans !

M'enfin, je suis resté en dehors, chez les paysans. Et j(ai continué mon inspection.

Je suis tombé sur une chaumière tout ce qu'il y'a de plus champêtre. Particulièrement laide, avec les murs en torchis et tout le tralala. Banal. Le mauvais goût campagnard dans toute sa splendeur. Jusqu'à la statue de type en plein milieu. Ri-di-cule.

En plus, la statue représente un gros, avec les cheveux gras et une verrue sur le menton. La honte. Encore une preuve des méfaits de l'alcool sur les artistes.

Remarquez, je me suis tellement plié de rire devant la laideur de la scène que, quand la gamine est apparue, j'ai bondi au plafond. J'ai failli lui envoyer une flèche préventive entre les deux yeux, mais le danger semblait contrôlable. C'est rien qu'une gosse qui chiale, une de plus, quand est-ce qu'ils arrêteront de pleurer toutes les larmes de leur corps, les gosses de ce pays ?

Bref.

Elle m'explique le topo : vilaine sorcière, vilaine, vilaine, et pan la tête contre la porte de l'armoire, tout ça. Banal. Déjà vu.

Me voilà donc en train de jouer les retordeurs de dressage, vers une hutte immonde. En chemin, je pulvérise deux ou trois de ces horribles champignons certainement inventés pendant une cuite des Dieux. Des couleurs aussi criardes, c'est naturellement impossible de les inventer.

Je tombe sur l'archétype de la moche qui devient sorcière parce qu'elle sera jamais princesse. Elle m'explique le truc, j'dois zigouiller du druide. Là, y'a une lampe rouge qui s'allume dans ma tête, j'suis centaure, et forestier, les druides c'est plutôt des potos d'habitude.

J'vais voir l'Archipoto donc, il me confirme que cette sorcière n'est qu'une (Je censure, c'est fou ce qu'un vieux peut avoir comme vocabulaire vulgaire).

Hé hé hé...

J'vais pouvoir la charcuter, la vieille truie. Il me donne un machin pour le faire, mais je préfère ma façon, la sauvage, lâche et vicieuse.

On s'refait pas, je l'ai dit et répété.

Donc ma recette est la suivante : vous aurez besoin de :

- 1 arc, quelconque
- Huit flèches, exactement huit, ni plus ni moins. Moins, ça gâche le plaisir, plus, c'est du gaspillage
- Un oeil qui sait viser (à peu près)
- Un petit animal bruyant, type oiseau à la patte cassée
- Un buisson, où se cacher.

Lâchez le petit animal non loin de la cible, dans un endroit découvert. Faites le hurler (appuyez sur la plaie, faites-en une nouvelle, le choix est large...). Cachez-vous derrière le buisson.

Quand la cible sort, visez une cuisse, et tirez. Dès que la cible s'écroule, sortez une deuxième flèche, et visez un des bras. Puis l'autre cuisse, et l'autre bras.

Après celà, il y'a plusieurs variantes : 2 Ventre - Poitrine - Gorge, ou encore 2 Ventre - 2 Poitrine. Certains coquets finissent en visant le cerveau à travers la bouche en train de brailler (oui, quatre flèches dans le buffet, on hurle), ou en visant un autre point que je ne citerai pas pour ne point choquer les chastes oreilles des enfants.

Et vous obtenez une sorcière sauce Sinekein, assaisonnée avec soin. Reste à poser fièrement à côté de votre trophée, en espérant que personne ne vous dérange pendant la photo.

[Je m'excuse de l'incompréhensibilité du texte, je sais pas ce qui m'a pris, je recommencerai pas]

5ème Lune de Furtï. An 7. 05h21.
Alentours de Barla Capitale.

« Peeeeeeetit… petit… p’tit… p’tit…p’tit…

…tss… tsss…alleeeezz… montre toi…

Viens voir maman… J’vais pas t’faire de mal… viens par ici… ou maman va pas être contente… »

Saleté de Kobold ! Tu vas montrer ta face de pet que j’te l’arrange, charogne ! La vache ! Ca m’arrive pas souvent d’louper comme ça ma cible mais quand ça arrive… pfiouu… sure que j’suis pas prête de la r’voir cette flèche, elle a pris le large vers d’aut’ horizons… Au prix qu’ça coûte… merde ! J’pourrais faire gaffe !

Où est-ce qu’il est passé ce chien ! Oui ! Ce chien ! Il en a la gueule du moins… l’odeur aussi… et…

« AAAHH ! »

La rognure d’ongle ! I’m’a attaquée par derrière… Rhhhooo l’enflure, j’vais m’le faire… le hacher menu… en faire de la patée… et j’lui f’rai bouffer ses propres restes !

« Tiens… mange ! Une flèche… et deux ! T’en veux encore. ? Continue à manger alors… J’arrêterai d’enterrer ta tête quand t’arrêteras d’couiner ! C’est bon la terre hein… Crèèèèèèèveuhh !! »

Crrrrrrr

Merde ! J’crois que sa colonne a cédé… Ouais j’me suis un peu acharnée là… pas de doute qu’il était déjà froid au deuxième bras arraché mais si y’a un truc que je supporte pas… mais alors qui m’sort par les trous d’nez… c’est bien la lâcheté... vous voyez, le genre vicelard qui tire dans l’dos, sourire en coin et qui file avant de savoir si la victime a clamcé ou pas ! Ca m’fout en rage ça et quand j’suis en rage, faut qu’ça saigne !

Pfiouuu… c’est dingue… dans l’état où il est, on le reconnaît même plus… i’ressemble à rien…

Moi non plus d’ailleurs, mon corps poisse d’une texture étrange, un mélange de sang et de terre qui m’colle à la peau, me rendant méconnaissable. Mes cheveux ne forment plus qu’un amas agglutiné et sombre, qui recouvre mon visage par paquets.

J’me sens mieux.

Une sensation d’apaisement m’envahit, comme à chaque fois que le sang coule à flot. Ca m’irradie peu à peu et dessine un sourire sur le bout des lèvres, entre deux souffles repris.

J’me sens presque bien. La séance d’entraînement est terminée. On s’rentre à la capitale et… Aïe… aïe… aïe !! Oh i’m’a pas loupé… j’ai pris un beau coup d’lame dans la croupe ! Merde… j’peux pas rentrer dans cet état, va falloir aller soigner ça. Direction la hutte de la vioque.

J’traîne ma patte arrière jusqu’aux limites des bois, ramassant deux trois champignons clowns au passage. Y’en a qui l’savent pas mais ces champignons, en tisane, bah… hé hé… ça fait rire et puis voir des trucs aussi, c’est marrant.

La voilà ! Une vieille case dégueulasse qui sent le chenil mais depuis que j’lui ai zigouillé cette sale mioche à la vieille, elle m’rend service… elle m’achète un tas de vieilleries que j’ramasse, elle dit qu’c’est pour ces « potions »… des sirops épais qu’elle me fait boire, j’ai cru qu’elle voulait m’empoisonner la première fois mais y’a pas à dire, ça me remet sur sabot à chaque fois alors…

J’m’approche de la porte mais je rentre pas. Je rentre jamais. J’préfère surveiller les alentours, on sait jamais. Au loin, le soleil commence à pointer, doucement, mais on y voit pas grand-chose ici, trop d’arbres qui font barrage.

Quelques oiseaux commencent à piailler. La nature se réveille, Barla avec. J’aime pas l’soleil, j’aime pas les oiseaux, c’est pas fait pour moi. Si j’me dépêche, j’serai de retour à la Capitale avant la fin de l’aube ; là-bas, il y a toujours une ruelle sombre où se poser, ou attendre patiemment la proie.

Qu’est-ce qu’elle fout ? D’habitude, elle m’voit toujours arriver…

« Raayyyyymondeeeuuhh !! RAYMONDE !

Magne toi ! I’fait bientôt jour et j’ai la croupe blessée ! »

J'ai pas le réflexe de l'assassin. Un vrai, il sait ce qu'il va en faire, du cadavre qu'il laisse, il a prévu le coup. Une tombe, un brasier, un troll des bois, trois façons de transformer bobonne en terreau.
Voilà que je me retrouve avec un résidu de grognasse ensanglanté. Même pas assez vivant pour faire peur aux enfants, même pas assez puant pour faire vomir les parents. Et pas un trou, pas un feu, pas un troll - tant mieux - à l'horizon.
Bon. Voyons la chaumière. Je l'savais. Un chaudron, elles ont toutes le même modèle les sorcières. Vachement ergonomique, couleur noir suie avec des traits crasseux. Et grand.
Assez grand pour y fourrer la vioque, entière ou pas.
Gnééé...hop, sur la croupe, faudra que je prenne un bain avec triple dose de gelée de blob pour faire disparaître l'odeur. J'avais entendu un type qui disait que pour faire couler un ancêtre, fallait cinq fois son poids en pierre, parce que les os sont poreux, et le corps est plus léger. Mouais. En attendant celle-là devait pas se limiter au bouillon. Gaffe à pas me déplacer une vertèbre.
On va tenter le tout d’un coup. Allez. On y croit.

Gnééééééé…

Nan. Ca veut pas. En brisant la nuque peut-être ?

CRAC ! Gnééééééééé…

Pas moyen, y’a le bras droit qui bloque. Alors alors…un couteau, elle doit bien avoir ça, pour égorger ses corbeaux. Voilà. Heureusement qu’elle est morte, j’suis certain qu’y’a plus de maladies sur la lame que de poils dans la barbe d’un nain. Normalement, c’est pas bleu, le fer ?
Hop, hop, scie et scie et coupe et coupe. Et force, et casse, et cool, elle est morte, le sang ne gicle pas, j’aurai pas l’air d’un démon en maraude.
Second essai, on y est presque, moins la tête et le tibia gauche, ça passera. J’ai bien fait de briser la nuque auparavant, c’est toujours ça de temps gagné, maintenant le chef ne tient plus que par la peau et l’œsophage, scie et scie, coupe et coupe, j’ai la tronche de méduse en main. Le genou subit la même opération que le cou, et Vlan ! La mégère dans la marmite.
Plus qu’un bras, une tête et une demie-jambe à cacher.
Mais le chaudron est rempli à ras-bord.

Raayyyyymondeeeuuhh !! RAYMONDE !

Magne toi ! I’fait bientôt jour et j’ai la croupe blessée !

Là, un mot s’impose. Sept lettres, quatre consonnes, trois voyelles.
Chiotte.
Comme dirait l’autre.
La tête valdingue dans un coin, renversant au passage un tube contenant…non, je préfère pas savoir. La jambe se cache à côté du tisonnier de la cheminée.
Et le bras…
Le bras…
Et…

Et b…b…b…bonjour vous…euh…vous…vous connaissiez cette…cette dame ? C’est fou je…enfin…je n’ai trouvé que son euh…enfin un bras, au milieu, là, découpé net, vous…vous le croyez ?

Si elle le croit, je veux bien être changé en marinade d’anchois pas frais.

« Raayyyyymondeeeuuhh !! »

Mais qu’est-ce qu’elle me fait la vioque ?
Va pô m’faire croire qu’elle est allée cueillir des roses dans les bois ?!
On m’la fait pas à moi hein ! Elle sort jamais d’son trou… d’ailleurs ça s’voit… enfin ça s’sent surtout ! La Raymonde, on la suivrait à l’odeur et de loin s’il le fallait ! Des fois, y’a des relents jusqu’aux portes de la Capitale, c’est dire ! On croit qu’y a un amas de rats crevés dans l’coin ou une carcasse de loup sauvage qui pourrit depuis des semaines mais nan nan hein ! Faut pô croire, c’est la Raymonde qui s’est encore fait dessus ! Bon, de vous à moi, j’avoue… j’suis sans doute pas la reine de l’hygiène… c’est vrai… c’t’à cause de l’alcool, c’est bon par où ça passe mais les lendemains sont durs à supporter… des fois, j’me dis même que j’dois transpirer d’la liqueur d’ent de d’ssous les bras mais bon ! Une p’tite douche et on en parle plus ! Enfin jusqu’à la prochaine cuite… c’est-à-dire une courte demi heure… bah c’est le temps qui faut pour aller d’la chute d’eau à la taverne quoi… m’enfin y’a des limites quand même ! Et les limites, la Raymonde, à croire qu’elle connaît pô ! Même moi ça m’débecte au p’tit matin… c’est que j’ai l’estomac fragile, faut pas croire ! Enfin bref, y’a des règles de… de… comment qu’ils appellent ça à la ville déjà ? Santé publique ! C’est ça ! Mouhahaha…

Bon, j’attends, j’attends mais ça vient toujours pas !
Y’a du remue ménage à l’intérieur mais rien à l’extérieur.
Ca commence à m’gonfler c’t’affaire là !

Pfff…. j’ai pô envie mais va falloir se sacrifier hein !
Bon… bah on va aller voir d’un peu plus près…

J’avance. Un peu. Beaucoup.
Ca pue. Rien de neuf donc.
J’ai la croupe qui pisse le sang, ça fait une p’tite marre là par terre, sur l’pied d’la porte. Bah ça fait quand même plus propre que le sol d’la chaumière ! J’suis sure que les sabots, ça glisse comme sur du beurre sur cette crasse et pis l’air est opaque… c’est malsain.

Et là, c’est le choc.

Face à face inattendu et incongru.
Au début, j’ai cru que j’me trouvais face à un miroir.
Faut dire, j’me r’trouve nez à nez avec un centaure qu’a l’arc sur le dos, qu’est couvert de sang des cheveux aux sabots, avec un bras arraché dans la main !
Merde !
Comme moi ! Avec mon bras de kobold arraché !
Mais i’m’a pas fallu longtemps pour comprendre qu’y avait erreur…
Déjà, il est plus chétif que moi, ensuite l’a pas l’même équipement et pis surtout ! Ha ! L’a les bijoux d’famille ! Alors c’est vrai qu’ça m’est déjà arrivé d’me réveiller avec d’autres vêtements sans aucun souvenir d’la veille mais que je sache, j’ai jamais changé de sexe encore ! Ou alors à l’insu de mon plein gré !
Mais c’est pas tout ! Mon regard se pose sur ce membre en lambeau… rrhhaa non pas ses bijoux ! Eux, ils ont l’air en parfait état vu d’ici… non, j’parle du bras arraché là ! Et bah c’est pas du tout un bras d’kobold hein !

Et là, c’est le drame.

Deux secondes de réflexion pour percuter… le bras en question ressemble à une vieille branche d’arbre tout séché, ongles longs, taillés en pointe et émaillés de tâches allant du verdâtre au… au verdâtre foncé…

« Gné ? »

Ca a été mes premiers mots. Pas très élaborés je vous l’accorde.
Mais j’me suis nettement améliorée ensuite.

« Ray… ? Raym… ? Raymonde ?!? »

Quand j’vous disais que mon second contact avec l’inconnu était mieux hé hé !
Deux syllabes ! J’ai dû paraître presque civilisée…

… Enfin, pas après que j’me sois jetée sur lui bien sûr.
M’enfin, j’étais bouleversée moi !
Comment peut-on tuer Raymonde ? Quel genre d’être, aussi sauvage soit-il peut être capable d’une telle ignominie hein ? J’vous l’demande !

Alors euh… oui.
J’ai pété un p’tit câble… bon rien de méchant… mais c’est certain que je devais pas paraître avenante quand j’me suis précipitée dans la chaumière au galop, le bras de kobold levé bien haut et le regard fou, comme injecté de sang, dans un cri qui se rapproche plus du beuglement que toute autre chose…

« AHAHHHAHHAHAHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHAHAH !!

TAAAAAAAAAAAAYAAAAUUUUUTTTT !!! »

« AHAHHHAHHAHAHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHAHAH !!

TAAAAAAAAAAAAYAAAAUUUUUTTTT !!! »

*BLOUF*

Blouf ?

C'est le choc.
Le bruit que fait mon peu d'abdominaux en se prenant une centauresse furieuse plein face. J'aurais été musclé, ç'aurait pu être "Tac !" ou "Paf !", mais non, moi, c'est "Blouf !", puis :

AÏE !

AÏE !

AÏE !

AÏE !

AÏE !

Etc...un AÏE ! par coup de bras de Kobold sur la tronche. Ce qui rapidement équivaut à un certain nombre de AÏE !, et provoque chez moi une tentative de réponse - j'peux pas me barrer, l'est devant la porte - par le biais de mes bras, les miens et celui de ce qui fut une sorcière.

Et je déduis du "Gné ?" et du "Ray...Raym...Raymonde ?" Qu'elle s'appelait certainement Raymonde Gné. Comme quoi, je suis heureux de m'appeler Sinekein.

Bref, je commence à essayer tant bien que mal de me protéger, mais la vioque, l'était pas très muscle, et rapidement je me rends compte que le bras de Kobold est en train de scier le mien, celui de sorcière. Conclusion ? Je suis dans la mouise, jusqu'au garrot. Attaqué par une sauvageonne. C'est pas civilisé de brailler comme ça, elle a du être élevée par Raymonde elle-même, pour sentir comme ça.

Ah non, c'est l'alcool que ça sent.

Et je suis pas le mieux placé pour dire ça, ayant joué au légistependant cinq minutes avec le cadavre le plus puant qu'aient jamais porté les Terres Grises. J'embaume, c'est le cas de le dire.

Une idée, une idée...

Hop, je me baisse, j'attrape ce qui reste de la tête coupée de biais avec le torse et qui trainait, de ma main libre, et je la dresse devant moi.

Pourquoi ?
Beeeeeen...
Ca fait bouclier ?
Nan. Mieux. C'est terrifiant.

STOP !

Ou je te la balance dans la tronche, ma grande.

Oui, ma grande, elle est plus grande que moi, alors que c'est une nénette.
Mes parents, je vous maudis. Vous auriez pas pu forcer sur le picotin plus, quand z'étiez jeunes ?
Bilan : collé au mur, un bras de Raymonde dans ma main droite, uen tête de Raymonde dans ma main gauche, une folle excitée devant.
Situation critique. Vue l'odeur.

J’vais m’le faire !

J’vais m’le faire j’vous dis ! J’y suis presque bon sang d’bon soir !

L’bras d’Kobold a déjà plusieurs fois craqué en s’écrasant sur ce jeunot mais il tient l’coup… le bras hein… quoi que l’jeunot aussi tant qu’on y est mais j’finirais par l’avoir en insistant ! C’est assez marrant l’bruit que ça fait d’ailleurs. Un genre de blouf comme si le bras plongeait dans d’la gelée de blob.

Ouaiiiis c’est çaaaa… recule ! J’vais t’en faire voir de toutes les couleurs !

« Tu vas payer pour avoir découper le bras d’Raayyymonde ! »

Assaut final. Il est acculé au mur, aucune échappatoire possible… i’pourra être estampillé bouillie d’origine contrôlée quand j’en aurai fini avec lui !

« J’vais même te l’faire bouffer tiens ! Elle aurait aimé ça la vioque hé hé ! »

J’lève cette vieille carcasse de Kobold, prête à l’abattre une dernière fois…

« Et je… et…

Hum ?

Mais qu’est-ce que ?... Qu’est-ce que c’est qu’ça ? Que… quoi ? Comment ? Pourquoi ? Je… »

Moment de solitude.

Ma bouche a dû se tordre, les lèvres pincées, prises au piège dans une moue de dégoût et de rejet. J’crois bien qu’mon visage tout entier s’est crispé et s’est décomposé sur place comme quand vous sentez que vous allez rendre après avoir trop abusé d’la bouffone. Mais surtout… surtout… dans mon regard, y’a dû avoir comme une espèce de décrochage, une lueur qui s’en est allée d’un coup comme si mes yeux ouverts se fermaient d’l’intérieur et refusaient de voir c’qu’y avait à l’extérieur parce que c’était trop moche…

J’me suis arrêtée net dans mon élan. Le bras m’est tombé des mains tout seul. J’me suis comme qui dirait liquéfiée. Mes muscles ont lâché, mes épaules sont retombées, ma respiration s’est coupée… bref, tout foutait l’camp.

J’me rappelle l’avoir regarder l’jeunot, droit dans les yeux, avec franchise. Vous savez, le genre de regard d’un être vivant à un autre, le genre de regard qui rend tout mot futile. Ma tête s’en est allée de droite à gauche comme pour dire non. L’émotion m’a pris au plus profond des boyaux et j’ai… j’ai…

…

« Pooouuuuuuurrrrquoiiiiiii…ooiii…oiiiiiiii… ouuiiinnnnnnnnnn !!!!... innnnn innnn… »

J’ai versé une larme quoi.

Toute chtite pour jouer les durs mais le cœur n’y était plus.

Alors j’ai arraché la tête de Raymonde d’la main du centaure et j’l’ai serrée bien fort contre moi la Raymonde… pfff… j’étais écoeurée… y’a même un œil à elle qu’est tombée par terre. Ca a fait "Poc" et c’est tout.

Raymonde est partie sur un "Poc". C’est ballot.

J'étais face à une ogresse faite cheval, et pouf ! Tour de magie, v'là que son côté fleur bleue ressort, d'un coup, comme ça, à cause d'une pauvre tête pas très fraîche.

Notez que je suis satisfait qu'elle me l'ait reprise, cette horreur, parce que rien qu'à la toucher j'ai peur que ma paume s'infecte. Vous imaginez l'écosystème qui vit dans des cheveux aussi crasseux ? Moi, je préfère pas savoir. Y'a sûrement de quoi foutre un troll au bain.

Seulement, moi, je sais pas plus qu'oi faire face à une furie que face à une guimauve, même une grande guimauve à quatre pattes, deux bras et un arc. Pendant qu'elle revit tous les bons (pas au niveau de l'odeur) moments qu'elle a passés avec la mémère, je chercher une échappatoire. Une issue.

J'en vois qu'une. La porte. Mais elle est pas accessible.

Faut donc que la Centauris Lacrymosa me laisse passer.

Bizarrement, je doute que ce soit de bon coeur.

M'euh...m'enfin...faut pas se mettre dans des états pareils, hein !

Zou, je chipe un chiffon qui n'a certainement plus rien de sa couleur d'origine, ou alors celui qui l'a tissé devait avoir sérieusement forcé sur le goulot. Un peu de gras, un peu de sec, un peu de moche, un peu de puant, mais bon, comme mouchoir, beeeenn...c'est à peine pire que les doigts, non ?

Tenez.

Tendu du bout de la main.

Beurk.

A votre avis, si je lui dis que je l'ai trouvée canée et que c'est pour pas qu'elle soit picorée par les corbeaux que je l'ai hachée menu, elle me croira ?
Non. Comme une truffe, je lui ai laissé une flèche plantée dans le bide.

Allons, allons, une grande centauresse comme vous...

Donc, Sin, trouve une solution, VITE.
Si tu veux pas faire connaissance à ton tour avec la marmite. Mourir dans un endroit qui sent aussi mauvais, c'est une honte aux bonnes manières.

Je vous jure que c'était un accident. J''ai vu un truc qui bougeait, j'ai cru que c'était une cendrinette galée, j'ai tiré...c'était Josiane. Toutes mes condoléances. On me dit souvent que je suis un mauvais chasseur.

Imperceptible décalage basolatéral dextre du sabot. En clair, prêt à piquer un sprint si elle se remue le popopotin (pour les centaures, y'a 3 "po", c'est plus gros).