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 Mémoires d'un monde bien terne

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Sin
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Sin


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MessageSujet: Mémoires d'un monde bien terne   Mémoires d'un monde bien terne EmptyJeu 21 Juin - 13:18

Qui peut se targuer d'être la mémoire des Terres Grises ? Moi pas plus qu'un autre. Si mon ancienneté est sans doute toute à mon honneur, je n'ai ni été plus constant, ni plus courageux, ni plus présent, bien au contraire, que bien d'autres. Seul mon pragmatisme me distingue, un peu, du reste de la population. J'ai été bon, j'ai été mauvais, à chaque période, j'eus ma propre attitude, parfois stupide, souvent même, parfois courageuse, parfois folle. Pour vous dire, il fut un temps où je comptais parmi les plus grandes fortunes de ces Terres. Alors même qu'aujourd'hui, ruiné, je squatte misérablement l'auberge de ceux qui ont bien voulu m'octroyer gîte et couvert.

Dans de durs moments, l'homme fait le point sur sa vie. Je crois que c'est ce qui m'arrive. J'ai besoin de me rappeler qui j'ai été, ce que j'ai été, qui j'ai connu.

Souvent, ma mémoire me fait défaut. L'alcool, et ma longue vie. Les nains vieillissent aussi, mais comme leur barbe est longue, on pense souvent qu'ils le supportent mieux. C'est faux. Notre société a tendance à vouer un culte aux plus anciens, porteurs de la sagesse du monde. Une position qui se défend, mais au fil de mes pérégrinations, j'ai appris que la jeunesse et l'originalité apportaient aussi beaucoup. Jamais, jamais il ne faut se murer dans de vieilles habitudes. Tous ceux qui l'ont fait sont aujourd'hui morts, ou insignifiants.

Je me rappelle parfaitement - c'est étrange - mes toutes premières heures, descendu de ma montagne pour rejoindre le Särwyen. J'y ai croisé quelques amis, dont les noms importent peu, m'importent peu. Car même jeune, j'étais solitaire, renfermé, totalement voué à ma propre survie et à mon propre enrichissement.

Être riche...j'en ai rêvé des nuits entières. Je me voyais vautré dans des sacs d'or, dans une luxueuse forteresse...mais je m'y voyais seul. Ni féminine, ni masculine, ni animale compagnie. Seul, je profiterais de mes richesses. Seul, je mourrais, et ce serait la montagne qui hériterait de mes trésors.

Alors ma quête a commencé. Tout en m'entraînant, je commençai inlassablement à amasser une formidable collection d'objets. Alors même que les pendentifs de race se négociaient à prix d'or, j'en possédai jusqu'à six. Un pour moi, cinq pour me faire plaisir, et parfois pour narguer de malchanceux aventuriers - ou pour les flouer.

Je me rappelle aussi les ennemis de ce temps jadis. Plusieurs fois, certain Escadron me rossa. Leur chef était un immense troll, nommé Mardeus. L'histoire l'a oublié, mais moi pas. Leur idéologie anarchique ne m'a jamais plu. Je ne rechignais pas à trouver une plaisante compagnie, mais ordonnée, réglo. Pour un nain, je n'avais guère de prétentions à la débauche.

J'ai finalement trouvé ma famille. Ce fut un centaure qui m'embaucha. Il s'appelait Foaly, et était grand prêtre d'un culte voué à une déesse de la nature, nommée Ehlonna.
Ce fut ma première guilde. Je n'en ai connu qu'une autre, celle qui m'a accueilli, bien que si la même chose arrivait aujourd'hui, ils me recueilleraient plutôt.

Mon ancienneté me plaça parmi les bons guerriers des Gardiens d'Ehlonna. J'y rencontrai certains visages qu'il m'arrive encore de croiser. Deux en particulier. Celui d'Aioros, félys secret, et celui d'une belle centauresse aux cheveux blancs qu'il m'est inutile de nommer. J'y connus aussi un centaure nommé Sphax, et d'autres : Kinyon le félys, Krakus et Saphira les lézardes, Metal le troll. Nous fûmes un temps le plus grand clan des Terres. Mais l'histoire nous sépara.

A l'époque, la lutte entre bien et mal battait son plein. Parmi les "gentils", nous n'étions pas les plus ridicules, et avec nous se tenaient, entre autres, les Anges Libres, bien qu'à l'époque, leur nombre les rendait plus discrets. Face à nous, les Gardiens des Enfers et les SOLM luttaient pour réaliser les plus beaux massacres. Et les Gouzigoulum frappaient les deux camps.

Dans tous les récits, on trouve des gentils peu nombreux et ordonnés, face à des hordes chaotiques et bordéliques. Ici, c'était plutôt le contraire. Mais je ne l'ai pas regretté. Car j'ai toujours estimé que le Mal était la voie de la facilité, surtout le Mal aveugle, stupide, le Mal pour le prestige, pour ne délivrer aucun message.

Je me rappelle alors qui étaient nos grands ennemis : les centaures Genki, Vorach, et, non la moindre, Cixi. Leurs laquais, La Hire et autres Erenan, les secondaient en permanence. C'était un temps de sang et de violence. Mais aussi un temps d'innombrables richesses.
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MessageSujet: Re: Mémoires d'un monde bien terne   Mémoires d'un monde bien terne EmptyJeu 21 Juin - 14:28

En tant d'années, j'ai connu le mal sous bien des formes. Le mal chaotique, le mal occasionnel, le mal compulsif, le mal vantard. Tant de maux, pour peu de biens. Sur le Särwyen, passé un certain niveau de puissance, tout un chacun semble devenir mauvais, même ceux qui furent les plus preux et les plus nobles. Car personne n'est à l'abri de l'orgueil de la puissance et de la force.
Les Enfers et SOLM en furent l'exemple le plus frappant. Ils frappaient souvent, ils frappaient aveuglément, très fréquemment. Ils massacraient sans pitié faibles et (un peu moins...) forts. Par pur plaisir. Par la suite, paraissaient de longs bans, relatant les noms et la qualité de leurs victimes, parfois interminables, car, c'est vrai, il arrivait qu'ils éradiquent l'intégralité de la population d'une ville. Je ne nierai pas leur puissance, ce pourrait être pris (du moins ils le disaient) pour de la jalousie : "t'es pas fort, alors tu insultes les puissants". Combien de fois ai-je entendu cette réponse...?

Mais tout ce sang, tous ces meurtres, ce n'était pas le vrai Mal, le Mal absolu et terrifiant.

Non. Le Mal ne devait venir que plus tard, beaucoup plus tard. Au crépuscule de la puissance des deux armées suscitées. Lorsqu'ils ne se distinguaient plus que par des actions dont ils vantaient mille fois l'éclat, à défaut de pouvoir narrer mille exploits.

Les ténèbres arrivèrent alors.

Ils ne paraissaient pas dangereux en premier lieu, une bande de démons éradiquant quelques malheureux ci et là. Leurs listes de meurtres étaient bien moins impressionnantes que celles de leurs glorieux (ou non) aînés. Et comme ils vivaient à un âge où la hache était reine, le sang qui coulait de leurs tranchants n'était que portion congrue de tout ce qui était, chaque jour, versé par les nombreux combattants des Terres Grises.

Mais eux avaient autre chose. Ils n'amenaient pas le nombre, ils n'amenaient pas la puissance.

Avec eux venait la peur. La terreur. La plus primaire, la plus horrible, celle qui nous paralyse. Car si leurs actes étaient relativement peu fréquents, chacun était un tel déferlement de violence qu'il laissait tous les témoins paralysés de stupeur. Et chaque orgie hémoglobique en annonçait une autre.

Le Cercle des Ombres traça un sillon noir dans l'histoire de Särwyen. Beaucoup s'acharnèrent à les combattre, quelques uns réussirent. Puis, sans doute lassés de ce monde, ils s'en retournèrent vers une autre dimension, sans doute dans l'idée de la terroriser à son tour.

Et les tueurs à la petite semaine se remirent à faire la loi. Les Enfers disparurent, d'autres, Rebels et consorts, naquirent. Mais ils n'arrivaient qu'à la semelle du Cercle.

J'ai vainement cherché à comprendre, pendant bien des années, pourquoi les Ombres avaient été si marquantes. Puis j'ai compris. Imaginez une bande de requins. Elle peut attaquer tous les bancs de maquereaux qu'elle veut, jamais elle n'en éradiquera un seul. C'est vrai, le banc sera terrifié pendant quelques instants, beaucoup de petits poissons seront dévorés. Mais ce sera tout. Dix, cent, mille sardines en moins, et l'on ne voit rien. Le banc est trop immense.

Mais imaginez maintenant que les requins s'en prennent à d'autres requins, ou à des dauphins, et ne laissent de leur victime qu'une carcasse sanguinolente. Alors le spectacle de la scène d'horreur restera gravée dans tous les esprits.

Et le Cercle sera éternel.
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MessageSujet: Re: Mémoires d'un monde bien terne   Mémoires d'un monde bien terne EmptyJeu 21 Juin - 19:51

A l'époque, les chevaliers du Bien avaient pour noms Drakill, Burp, Zarkness. Le trio gagnant, les seuls à même de lutter face aux terribles Ombres. Une fois le Cercle dissous, il ne resta plus personne en face d'eux. Et la plupart finirent par céder aux douces sirènes de la perversion, à divers degrés. Ainsi organisèrent-ils à leur tour les chasses que toujours ils avaient dénoncé, les meurtres qu'ils disaient détester.

Et moi ?

Et bien moi...je survivais. Mon négoce était à son apogée, mes clients étaient très nombreux. Achat, vente, échange, mon crédo était l'honnêteté. Je n'ai jamais volé personne : ceux qui payaient trop cher le faisaient de leur plein gré. L'arnaque est absolument contraire à tout philosophie naine, qu'elle soit conservatrice ou originale. Les richesses étant un des fondements de notre société, les voleurs étaient considérés comme des rebuts, incapables de parvenir honnêtement à leurs fins. Oh, évidemment, voler un "grand" était toujours mieux perçu que voler un nain, et pouvait être pardonné, mais la réputation du filou en pâtissait inévitablement.

Donc mon existence se résumait à tuer quelques bestioles, amasser des richesses, acheter dans des endroits inaccessibles aux jeunes aventuriers pour leur revendre ensuite à prix d'or.

Et la guerre ? Bah...Ehlonna était sur le déclin, il n'y demeurait plus que quelques fanatiques, et des réfugiés. Tout commençait à partir à vau-l'eau. Et la relève, qui viendrait plus tard par Kinyon et Belle Rousse, était encore bien timide. Malheureusement.

Ainsi, je m'enfonçai un peu plus dans la solitude, les membres de mon clan désertant les uns après les autres. Le premier, avait été Aioros. Son départ, ainsi que celui d'une de ses connaissances, pour rejoindre les Enfers, avait fait grand bruit. C'était sans doute ce qu'il voulait. Il se livra à une frénétique débauche, mais il demeura malgré tout - son côté bon qui surnageait, j'imagine - l'un des "mauvais" les plus sages. Et peu de méchants peuvent se targuer d'avoir été la cible d'un de mes compliments.

C'était aussi l'époque où je trouvai mon pire ennemi, mon alter-ego négatif. Kassak, l'autre nain. L'ironie du sort voulait que jamais l'un de nous ne parvint à défaire l'autre, notre force ne dépassant jamais l'endurance adverse. Mais chaque rencontre était le théâtre de bons gros gnons. Sans résultats.

Et cette guéguerre me fit oublier qu'à l'extérieur, le monde remuait, grondait, qu'un nouvel ordre naissait. Je n'en avais cure, et à dire vrai, chaque jour je me lassais un peu plus de mon existence. Je ne m'enrichissais plus. Ma fortune se maintenait, mais bien sûr, l'illusion me faisait voir que j'allais rebondir, que ce n'était que l'accalmie avant la croissance. J'aurais été un bien piètre général, incapable de sentir le vent tourner.

Le combat, la négoce, le combat, la négoce...la routine finit par avoir raison de moi. Cela se fit en un coup, en un grand coup. Bon, n'étant pas barbu pour rien, il était hors de question que, pareil à tous ces ridicules grands seigneurs, je placarde sur tous les murs une déclaration "Oyez, oyez, monsieur Trucmuche, baron de mes fesses, vous offrira toutes ses richesses pour son départ. Venez nombreux." Je pris mes économies et mon barda, qui me permettraient un peu de nostalgie à l'occasion - en plus j'avais de quoi vivre jusqu'à la fin de mes jours avec ce que j'avais amassé. Et, alors que je végétais depuis des lustres à Barla Capitale, je pris mon courage à deux pieds et je partis.

Vers nulle part.
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MessageSujet: Re: Mémoires d'un monde bien terne   Mémoires d'un monde bien terne EmptyLun 25 Juin - 9:40

La première question que je me posai fut « où aller ? ». Je n’avais jamais été un partisan particulièrement fervent de la déesse Ehlonna, que je trouvais un brin gentillette et autarcique pour le monde dans lequel nous vivons, et par conséquent je me détachai sans trop de remords de mon ancien clan. J’appris plus tard que Saphira, qui en avait repris la tête, fut chassée des terres par des Dieux mécontents de son astuce. Il ne faut jamais, jamais défier les dieux. Si Ehlonna devait l’apprécier, ils devaient être une bonne centaine à la haïr. Le poids du nombre.

Mais, même lassé de mon existence, je n’étais pas dégoûté de la vie. Aussi j’écartai très rapidement les hypothèses « mission suicide chez les Enfers » et autres « quête irréalisable ». La vie a plus de valeur que toute autre chose. La respecter est la plus grande des qualités. Je sais que je suis ivrogne, renfermé, souvent très désagréable, mais pour cette seule et unique raison, je me considère toujours comme quelqu’un de bien. Faute de mieux.

Je tentai de faire le compte de mes amis, qui fut très rapide à établir : zéro. Le néant absolu. Prenez un nain, faites-le marchand itinérant, et chasseur de trésors à l’occasion, et vous savez que jamais il ne se ruinera en présents à l’occasion de quelconques festivités. A ce moment, je n’eus pas de pincement au cœur : ma vie était telle qu’elle était, je l’avais supportée jusqu’ici, pourquoi changer ? Et puis ne pas avoir d’amis évite la douleur de devoir les quitter. Parfait. Mais cela ne me disait toujours pas où aller.

Finalement, je trouvai. Je décidai – quelle originalité ! – de rentrer au bercail. Au vrai bercail. Dans ma montagne originelle. Voir ce qui restait de mon clan de naissance.

A maintes et maintes reprises, encore courte-barbe et donc inapte à porter les armes, j’avais assisté au retour triomphant de l’enfant prodige, du grand guerrier couturé de cicatrices capable de narrer des nuits entières ses exploits à la lueur du brasier rougeoyant de la forge. Le héros nain dans toute sa splendeur. Si en plus il revenait chargé de richesses, alors il devenait l’égal d’un demi-dieu.
Je n’ai pas l’étoffe du héros, ça ne date pas d’hier. Seulement, même lorsque l’on sait que quelque chose est très improbable, l’esprit, facétieux, se met à énormément compter sur cet évènement. Et c’est ce qui m’arriva, et qui explique que plus dure fut ma chute. Beaucoup plus dure.

Je ne vis même pas ma famille. Elle ne daigna pas me recevoir. En effet, rattrapé par le progrès, j’avais négligé que d’autres s’étaient considérablement plus enrichis que moi, et en tuant des monstres qui plus est. Pas en étant le bourreau de la bourse de jeunes naïfs.

Je n’osai aller nulle part ailleurs dans la ville. Les rumeurs courent plus vite que le gens, et je savais être rejeté partout où j’irais. Donc le barda retourna à la place qui lui était devenue familière – mon dos. L’épée revint sur mon flanc, elle qui rêvait de se voir exposée pareille à un trophée, sur un mur ou au-dessus d’une cheminée. Et la mélancolie reprit de plus belle, alors que je partais vers la mer. Le seul lieu qui ne m’ait pas encore rejeté.
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MessageSujet: Re: Mémoires d'un monde bien terne   Mémoires d'un monde bien terne EmptyLun 25 Juin - 9:41

Il est rare que les nains soient associés à la mer. En général, la répulsion est réciproque : les petits barbus n’aiment pas l’océan, trop vaste, pas asse solide, bien plus capricieux que leurs montagnes. Et les étendues marines se rient de ces êtres ridicules, chargés de ferraille en permanence. L’acclimatation n’était donc pas une étape à prendre à la légère.

Je passais plusieurs semaines dans une grotte, sur une plage. J’étais rarement dérangé, et cela me convenait, tout juste quelques aventuriers perdus me croisaient-ils une fois par jour. Je devais paraître bien repoussant, car pas un n’osa s’approcher de moi à moins de trente pas, si ce n’est un troll qui voulut me dépouiller, et que je massacrai méthodiquement et proprement. L’air de la mer avait eu un effet considérablement bénéfique sur mon état physique.

Je commençai à pêcher à cette époque. Je testai une myriade de méthodes, avant de me rendre compte que rien ne valait un bon filet. Je me construisis une barque, pour l’accompagner. Mais ce ne fut qu’après avoir essayé l’épée, le harpon, le lancer de hache ou la canne à pêche. Un nain a de l’appétit, et un pauvre petit poisson toutes les heures ne me satisfaisait pas.

C’est sans doute à cette époque que je fus le mieux dans ma peau. J’étais en bonne forme, j’étais détendu, personne ne me dérangeait, je ne regrettais rien. Je me pris à rêver passer la fin de mon existence ici, en ces lieux, mais un voix au fond de moi me disait bien que toutes les bonnes choses avaient une fin, et que tôt ou tard je me tournerais vers d’autres contrées. Cependant, je n’étais pas inquiet : j’avais une immense et magnifique contrée bleue, à perte de vue, et vierge de toute exploration de ma part.

Le seul et unique impondérable lié à l’exploration surmarine est la nécessité absolue de posséder une embarcation de qualité. Ma barque se serait renversée sous l’effet d’une simple vague haute de deux mètres. Et, avec la meilleure volonté du monde, je mettrais plus de vingt ans à me construire un drakkar satisfaisant si l’envie m’en prenait. Non, il fallait exploiter ce qui était déjà fait.

Je me mis à scruter chaque jour l’océan, dans l’espoir d’apercevoir un navire. Et, finalement, ce fut le cas. Je sautai dans ma petite embarcation, avec mon matériel de survie – mes armes et armures - et je ramai de toutes mes forces vers le bateau.

Pas conventionnel pour deux sous.
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MessageSujet: Re: Mémoires d'un monde bien terne   Mémoires d'un monde bien terne EmptyLun 25 Juin - 10:04

Il existe sur les mers, en théorie, trois types de navires, avec chacun leur propre objectif. D'abord, les plaisanciers et marchands, ceux qui usent de la mer comme d'un moyen pour aller d'un point à un autre en le moins de temps possible - remarquez que si le chemin maritime est plus long, les gens préfèreront fréquemment la terre ferme, bien moins traître. Ils sont en quelque sorte le réservoir de richesses sur l'étendue bleue. Ensuite, on trouve les pirates, dont l'objectif est de piller le maximum de vaisseaux appartenant au premier groupe dans un but lucratif avoué. Et enfin, les corsaires, qui sont payés par un royaume ou un homme riche pour envoyer par le fond certains, et pas d'autres, plaisanciers ou marchands. Lorsque je vis apparaître la voile au creux de l'horizon, j'espérais secrètement qu'elle ne signifiait pas un embarquement sur un navire commercial, sur lequel la vie aurait certainement été nettement moins excitante, du moins le supposais-je.

Sur ce point, mes attentes ne furent pas déçues. D'ailleurs, en montant, je me dis secrètement que mes marins avaient parfaitement l'allure des pirates, et qu'une fastueuse chasse aux trésors s'annonçait.

Mais je me trompais.

J'avais atterri sur le Délivrance, navire exclusivement composé de pirates renégats, pour des raisons diverses et variées, allant des simples traîtres, aux ex-bourreaux pris de remords, en passant par les victimes de "querelles politiques" - des capitaines renversés par des mutineries. Tout ce beau monde n'avait qu'un but en tête, tuer un maximum de pirates, si possible d'une manière cruelle, puis couler leur vaisseau. Avec les richesses à l'intérieur. Par cet aspect, je me demandai si le Délivrance n'aurait pas du se nommer Pénitence.

Le seul impondérable fut que j'appris ce Notabene sur le tas, alors qu'au sortir de mon premier abordage - qui aurait du me mettre la puce à l'oreille, car nos victimes n'avaient rien d'honnêtes marchands - je tentai de regagner notre bateau avec une merveilleuse cassette incrustée de diamants dans les bras. Deux grands gaillards la saisirent, la lancèrent sur la coque en perdition, et j'eus le droit à un petit laïus du capitaine sur le pourquoi et surtout le comment de notre quête.

Je pris cela avec philosophie. J'avais conservé mes propres affaires et trésors, et puis bon, je ne serai pas riche, mais ma morale serait sauve. Je ne serai pas quelqu'un de mauvais.

Soyons clairs. J'ai dit que je ne voulais pas faire le mal, ce qui est vrai. Je n'avais pas d'autres intentions, en montant sur le bateau, que d'explorer la mer et de m'en mettre plein les poches. Je ne voulais pas jouer au sanguinaire. Simplement, ma notion de bien, en bon nain, s'efface devant l'appât du gain.

C'est ainsi que durant plusieurs années, je parcourus l'océan, laissant dans mon sillage pirates morts, navires coulés et, à mon grand regret, trésors engloutis.
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MessageSujet: Re: Mémoires d'un monde bien terne   Mémoires d'un monde bien terne EmptyLun 25 Juin - 11:02

Qu'est-ce qu'un bon pirate ?

Un soir, dans un port, un vieux marin aussi vieux qu'ivre m'avait donné un semblant de réponse, quelque chose comme "Un mauvais pirate, c'est un type, y voit un navire au loin, y pille, alors qu'un bon pirate, c'est un type, y voit un navire au loin, y pille, mais c'est un bon pirate". Cela ne m'éclairait pas, ou trop peu. Alors, au fur et à mesure de mes aventures aquatiques (ne vous imaginez pas non plus n'importe quoi, on avait beau voguer sur l'eau, on n'en buvait que lorsque les cheveux étaient trop douloureux et nous rentraient dans le crâne. Sur mer, le rhum est roi), je me pris d'une passion pour la morale. Et c'est lors d'une tentative de discussions philosophiques que j'entendis pour la première fois parler d'un pirate légendaire, aujourd'hui disparu de la Grande Bleue, parti chercher des richesses sur la terre ferme, d'aucuns murmurant "après avoir pris un coup de soleil sur le coin du crâne". Un vrai pirate, un dur, le portrait du marin, courageux, beau parleur et hâbleur. Sauf que...sauf que c'était un félys. Qui devait aimer l'eau, pourquoi pas, après tout ?

Son nom ? Végas. Capitaine Végas, s'il vous plaît.

Végas...ce nom me disait quelque chose, mais je n'arrivais pas à me rappeler quoi.

(Le rhum est roi, mais les trous de mémoire malencontreux sont ses loyaux sujets)

Je continuai donc mon introspection en gardant ce nom dans le coin de la tête. A chaque nouvel abordage, je m'interrogeai sur la nature de mes actes. Mais sur les lames de mes victimes brillait tellement de sang que mes doutes disparaissaient, remplacés par la fureur et la rage dirigés contre ces tueurs d'innocents. Alors je taillai, tranchai, massacrai à tours de bras. Lorsque l'on est petit, les combats en espaces restreints sont un véritable jeu d'enfant. Je ne me rappelle même pas la plus petite estafilade, par contre, je ne comptai pas le nombre de destins que je scellai, cadavres sanguinolents jonchant les flots, à la merci du premier requin de passage.

Scène qui se répètait à chaque nouvelle voile noire que nous croisions. Nos marins avaient la haine, la plus puissante des drogues, et même si certains mouraient, d'autres les remplaçaient illico, plus féroces, plus braves.

Plus sanguinaires.

Jusqu'à cette Grande Epoque. La Grande Epoque était un bateau pirate comme les autres, pas plus grand, pas plus beau, pas plus chargé de richesses. Un bateau comme j'en avais déjà vu - et coulé - des dizaines. Nous le croisâmes par beau temps, le soleil à son Zénith, et les plus fervents de nos camarades, la voile à peine en vue, firent quelques commentaires sur la beauté d'une mer aux reflets rougeoyants, et la nécessité pour nous de nourrir les poissons, ces pauvres bêtes. Le décor était planté, il y'avait de l'électricité dans l'air. La journée serait faste.

Notre navire était un prédateur des océans, et avait été construit dans ce but : silhouette fine, tirant d'eau assez faible pour un navire destiné à la navigation en haute mer. Celà avait quelques inconvénients, notamment sur la capacité de stockage et d'hébergement, mais rien ne rivalisait avec la vitesse du Délivrance.

Il ne fallut que quelques heures pour fondre sur la Grande Epoque. L'abordage fut des plus académiques, et je me retrouvai bien vite sur le pont adverse, bien décidé à faire payer d'une entaille chaque approche trop téméraire.

La bataille fut féroce, mais comme à l'accoutumée, nous prîmes le dessus. Je tuai deux hommes, deux colosses, l'un blond, et l'un roux, qui avaient eu l'audace de trop s'approcher. Une sorte de routine. Je me retournai, et assaillis l'ennemi le plus proche, un homme fin et agile. Notre combat fut long ; j'avais ordonné à mes camarades de ne jamais intervenir dans un de mes duels. L'homme se défendit bien, jusqu'à ce qu'un coup d'estoc trop appuyé me permette de lui enfoncer mon épée dans le ventre jusqu'à la garde. Il s'effondra sur moi.

J'eus alors un choc. Cet homme, j'avais l'impression de l'avoir déjà vu. Il ressemblait trait pour trait à l'un des prêtres d'Ehlonna, un individu doux et sympathique. Je remontai sa manche, pour voir s'il portait ou non le tatouage rituel. Ce n'était pas le cas.

J'aurais du pousser un "Ouf !" de soulagement. Je n'avais pas tué un ancien ami. Mais...mais j'aurais pu le faire, et je l'aurais fait si c'était ce prêtre qui s'était trouvé en face de moi. Sans aucun remords, sans chercher à savoir. Et si...et si j'avais déjà tué d'anciens amis ?

Troublé, je laissai le mort tomber lourdement sur le pont. J'esquivai au dernier moment un coup de hache rageur, et je ne dis mon salut qu'à un saut de côté désespéré. Je parai, parai encore, mais je ne voulais plus tuer. Un camarade, voyant cela, le fit à ma place.

La bataille se termina. Nous remontâmes sur notre navire. A mi-chemin sur la passerelle, je regardai l'eau. Je m'y vis. Au milieu d'une mare de sang.

Qu'est-ce que j'étais devenu ?
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MessageSujet: Re: Mémoires d'un monde bien terne   Mémoires d'un monde bien terne EmptyLun 25 Juin - 13:27

Ce fut le dernier abordage auquel je participai pleinement. Par la suite, je devins bien plus timoré, et je ne tuai plus que pour me défendre. Chaque nouvelle bataille me renvoyait un peu plus mon reflet couvert de sang, et je commençai à chercher un moyen de m'en sortir.

Cela arriva finalement lorsque nous prîmes en chasse un très petit bateau pirate. Ils n'étaient que cinq à bord, spécialistes des interventions nocturnes, des meurtres silencieux et pillages discrets. J'évaluai la situation. Il nous faudrait moins de dix minutes pour tout piller et disparaître.

Le capitaine gardait une réserve de poudre dans la cale, pour détruire les navires trop pénibles à couler. Juste avant l'attaque, je m'y enfermai, répandis une trainée de poudre sur le sol, en prenant soin, par moult zigzags, de la faire durer le plus possible. Une corde m'aida grandement. Mes connaissances d'artificier s'étaient étoffées sur les mers, paradoxalement. J'allumai la mèche, puis je montai à l'assaut.

Mon plan était suicidaire. Il existait mille moyens de le contrer. Je voulais être le dernier à remonter sur le bateau, prétextant une raison quelconque. J'attendrais ainsi sur le petit vaisseau que mon ancienne demeure ne soit plus qu'un tas de cendres.

C'était quasiment voué à l'échec. La mèche pouvait être trop courte, ou trop longue, ou quelqu'un pouvait la découvrir, même si je l'avais cachée dans l'ombre de la cale. Je pouvais aussi ne pas réussir à m'isoler sur l'ancien bateau ennemi.

Mais souvent, les plans les plus fous fonctionnent le mieux. Tout se passa comme sur des roulettes. Et je vis ainsi le Délivrance exploser en une gerbe de flammes, dans un tintamarre de crépitements et d'hurlements. Je me mis à la barre de ma coquille de noix. Direction la terre ferme. Sans regrets.

D'autant plus que ma nouvelle embarcation était chargée de richesses. Pirate nocturne est un métier lucratif.

J'accostait finalement très près de mon ancienne plage. Je la trouvai peu changée. Personne n'avait réquisitionné ma grotte si ce n'est un couple d'ours que je jugeai plus prudent de laisser dormir en paix. Les herbes l'avaient envahie.

J'avais passé quatre années en mer. J'avais cru y gagner de l'exaltation, mais tout ce qui ressortait désormais était l'amertume. J'avais tué gratuitement. J'avais assassiné des hommes, certes malhonnêtes, mais qui ne le méritaient peut-être pas tous. Mais je ne voulais pas tomber dans l'excès inverse, faire pénitence des mois durant.

Je ne voulais plus grand chose, en fait.

Mes affaires avaient changé, j'avais récupéré tout ce que je pouvais prendre sur la goélette, et je me mis en marche vers la ville la plus proche. On m'y apprit, à l'auberge, qu'un dénommé Végas organisait une chasse au trésor.

Végas...le chat pirate ! Je résolus de le trouver. Après avoir essuyé quelques fausses pistes - le matou préfèrait ne pas vivre trop au grand jour, comme tous les félys - je mis la main dessus. Je ne savais trop pourquoi je voulais le rencontrer, mais lui trouva : je lui servirais pour la grande chasse au trésor qu'il organiserait pour fêter sa...sa mort ?

Très bien. Je ne cherchai pas à le convaincre du contraire. Après tout, mieux vaut partir en beauté comme il le fait que la queue entre les jambes comme moi du bateau. J'acquiescai, et partis pour le lieu qu'il m'indiquait. Des aventuriers étaient censés m'extorquer des informations.

Rarement je ne me serai autant amusé. Par contre, j'eus un quota de plaies et bosses normalement bon pour un régiment. Les orcs, particulièrement, ne rechignaient pas sur le "Je frappe avant, je cause après". J'assommai également quelques malheureux conccurents, et on m'appris finalement qu'un dénommé Vahn avait découvert la clé des énigmes. Tout celà m'avait bien occupé, mais après être remis de mes ecchymoses, qu'est-ce que j'allais devenir ?

Ce fut le matou qui m'aida une seconde fois. Un message que je reçus après son "départ". Sur lequel tenaient deux mots. "Ithryn Luin".
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MessageSujet: Re: Mémoires d'un monde bien terne   Mémoires d'un monde bien terne EmptyLun 25 Juin - 20:47

Je ne savais pas encore ce que signifiaient ces deux mots. Ils me rappelaient vaguement quelque chose, des images floues me venaient à l'esprit, mais rien de plus. Sur le moment. Parce qu'ensuite, au fil de mes pérégrinations, j'en entendis parler maintes et maintes fois, de ces originaux, vivant sur leurs propres terres, libertaires ou libertins, poètes ou chasseurs. De ces personnes qui vivaient ainsi qu'elles l'avaient décidé. Et de certains d'entre eux : un certain Arlequin, une Alyssandre, des aventuriers que j'avais certainement croisés. Mais ils ne m'avaient pas marqué sur le moment. Sans doute négligeaient-ils trop le négoce pour que je daigne m'intéresser à eux - à l'époque.

Si tout était clair dans ma tête, Vegas, le matou, avait disparu. Mort, envolé, ou parti vers des terres plus clémentes, je n'en savais rien. Je n'avais donc aucun contact chez ces Huîtr...ces Ithryn. Et je ne me voyais pas trop débarquer "Salut la compagnie, ça vous dit qu'on soit potes ?". Primo, mon aspect rebutait, d'autant que ma peau, au soleil, était devenue cramoisie et plissée. On aurait dit que j'étais fait de cuir. J'étais vieilli avant l'heure. Deuxio, je n'étais pas connu pour ma sociabilité, et même pas connu tout court. Mauvais point. Troisio...pour entrer chez des poètes, il devait falloir savoir s'exprimer. Ce qui n'était pas mon cas, même si à l'occasion je daignais m'exprimer dans un langage fleuri, mais dans le mauvais sens du terme.

Il me fallait une raison.

Aussi je cherchai un prétexte quelconque, futile si nécessaire, pour aller rencontrer ces gens. Ce fut un panneau qui me la donna : "Taverne cherche portier". Fort bien. C'était un job parfait pour un vieux type pour moi. Il fallait que je m'adresse à un dénommé Yrrch, sans doute un troll au vu de la délicatesse de la sonorité de son nom.

En fait, c'était un orc, un bel orc, au parler franc et aux manières rudes. Il me plut immédiatement. J'ai toujours apprécié les gens qui ne cherchent pas à s'encombrer de verbiage inutile et de gestes superflus.

Il me montra un coin. Mon coin.

Celui duquel aujourd'hui, je me remémore ma triste histoire.
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MessageSujet: Re: Mémoires d'un monde bien terne   Mémoires d'un monde bien terne EmptyLun 25 Juin - 21:11

Je crois que j'étais voué à devenir videur un jour ou l'autre. C'est un métier intellectuellement reposant, alcooliquement gratifiant et souvent amusant. Notamment lorsque l'on est assez net pour s'apercevoir de l'ivresse des autres. Je pris mon poste très à coeur, et je parvins même à réprimer mon racisme anti-elfes au prix de certains efforts. C'était la plus grande victoire sur sa volonté que pouvait remporter un nain. Et il valait mieux la remporter rapidement, car chez ces Ithryn, les oreilles étaient plus pointues que les barbes longues.

Ainsi, je fis connaissance avec cet étrange clan. Le premier que je croisais fut bien sûr Yrrch, suivi de près par une félysse discrète nommée Rrao, et une danseuse avec laquelle j'eus des relations plutôt conflictuelles, qui répondait à la douce appelation de Rowena.

Puis vinrent les autres. Rapidement, j'identifiai Arlequin, à la démarche, aux manières, et au coup d'oeil vers les attributs féminins. Passée la première impression - celle d'un homme pervers en diable - je m'attachai à ce type finalement sensible et émotif, du moment qu'il n'est pas en face d'une paire de glandes mammaires trop développée. J'appris aussi contre toute vraisemblance qu'il dirigeait - enfin, qu'il avait un soupçon d'autorité - sur la bande. Une sorte de chef.

Ensuite, je croisai une fille délurée et dévêtue, une petite humaine, Aélis de son nom. Puis une centauresse étrange, tantôt sombre au possible, tantôt fofolle. Je ne retins que son surnom, Aim, le nom complet m'échappant totalement. Un jeune beau gosse qui pouvait passer pour l'apprenti d'Arlequin au niveau des coups d'oeil. Il se nommait Erohir. Et encore d'autres, certains de passage, tels Nadhir ou Zara, certains résidents plus discrets, ou plus récents, Alqualoth, Alyssandre. Enfin bref, plein de monde.

Et, surprise ! , une ancienne Ehlonna, Boa. Une vague de souvenirs déferla quand je la vis pour la première fois, non que nous ayons été très intimes, mais Ehlonna avait occupé une belle part de mon existence active. J'appris à mieux la connaître, et nous bavardâmes de temps à autres quand elle passait dans le coin, de tout, de rien et surtout du passé.

C'est à ces dialogues que je compris que j'avais bien plus vieilli que ce que je pensais.
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MessageSujet: Re: Mémoires d'un monde bien terne   Mémoires d'un monde bien terne EmptyMar 26 Juin - 12:59

Une légende tenace dit que les elfes sont éternels, qu'ils ne peuvent mourir de vieillesse. C'est peut-être exact, je ne peux l'assurer, tout ce que je sais à propos des oreilles pointues, c'est que pendant bien des années je pris moult plaisir à les couper en rondelles. Désormais, j'ai calmé mes ardeurs, mais je m'interroge sur la durée de leur vie.

Sans doute sont-ils magiques, c'est une possibilité. J'imagine seulement que leur mode de vie est absolument compatible avec une longue existence. Vie dans les arbres, repas à base de végétaux, peu d'alcool - ils ne le tiennent pas, de toute façon - tout ça doit contribuer à les maintenir longtemps en excellente santé.

Moi, à l'inverse, j'ai accumulé les abus durant toute mon existence. Je suis un nain, et j'ai été marin, ni le rhum ni la bière n'ont de secret pour moi. J'ai toujours préféré les légumes dans les champs plutôt que dans mon assiette. Depuis que je suis portier, je ne bouge plus guère.

Le résultat ne s'est pas fait attendre. Je suis désormais perclus de douleurs articulaires, ce qui réduit d'autant ma mobilité, et m'a fait sombrer dans une déprime chronique. A ne plus sortir, on s'isole vite, et j'en ai été réduit à broyer du noir en noyant mon chagrin dans l'alcool. Un abus de plus, sans doute celui de trop.

Bien sûr, je pourrais maudire les autres Ithryns, dire qu'ils m'ont laissé seul, sans penser à moi. Mais je suis le seul responsable de cette situation, par mon humeur souvent orageuse, par mon manque de sociabilité, et sans doute par mille autres actes de ma part. Je ne compte plus mes fautes, j'y ai renoncé comme j'ai renoncé à les réparer. Je dois être un faible.

Mais hier, j'ai eu une vision. Cela ne m'était jamais arrivé. Vous pouvez croire ce que vous voulez, que c'est l'approche de ma fin qui me fait délirer, je sais que j'ai raison. J'ai vu l'heure de mon décès. Je dois m'y préparer. Je dois faire un bilan.

C'est ce que je viens de réaliser.

J'aurais pu le coucher par écrit, mais je n'en ai ni le courage, ni la force. Je préfère le garder pour moi. Quel intérêt auraient les autres à tout savoir de ma vie, moi qui n'ai jamais rien dit sur mon passé ? Tout juste pourraient-ils, pareils à moi, s'enfoncer dans la nostalgie et, par extension, la dépression. Mieux vaut que mes mémoires restent dans ma...mémoire.

La fin approche. Il faut que je me prépare, j'ai encore une chose à faire, quelque chose d'important. Qui rachètera peut-être tous mes actes malveillants, voulus ou non. Je n'en sais rien.

Autrefois, la mort me faisait peur. Je la fuyais, je m'en cachais, j'évitais d'y penser. Désormais, elle est une délivrance. Elle me libèrera.

Et l'on m'oubliera. Mieux vaut sans doute que l'on m'oublie. Je ne laisserai pas une trace indélébile sur ces terres. Plutôt une liste impressionnante d'échecs.

Mais je finirai sur une victoire. Je le sais.

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