Nouveau souffle

Musique

Le fouet claque encore dans l'air, avant de s'abattre sur la chair.
Le cuir s'unit avec le sang et laisse son odieuse marque sur un corps.
Une dépouille décharnée, sans vie, hideuse...
Du sang chaud s'échappe de ses blessures et sèche lorsqu'il touche le sol.
Ce qui reste d'une victime est enchainé, les bras en croix, le corps meurtri par les tortures. Le claquement du gibet résonne encore dans la pièce... Voici son glas.

Le tortionnaire a une apparence particulièrement repoussante, sa peau rouge est couverte de cicatrices et de scarifications. De longs cheveux noirs emmêlés tombent dans son dos telle une crinière ténébreuse.
Il exhale une odeur fétide de crasse, de sang et de mort...
Les bouts de chair humaine putrescents qu'il transporte, sont répugnants et l'odeur retournerait n'importe quel estomac...

Il a quelques vêtements déchirés, vestige d'une vie depuis longtemps oubliée. Les rares pièces d'armures qu'il porte sont noires, maculées de sang séché. Sans avoir tout l'attirail d'un guerrier, il semble pourtant très dangereux, même sans armes.

Dans ces yeux on peut lire le vice à l'état pur.
La fourberie, la démence, le mal...
Lorsqu'un rictus machiavélique se dessine sur ses lèvres, il n'y a plus de doute. Cet homme n'en est plus un. C'est un être incroyablement perverti, une véritable machine à tuer.

Il est certes effrayant, mais cette vilénie qui suinte de tout son être, a quelque chose de fascinant... Tenter de comprendre pourquoi ne rimerait à rien.



Je le vois car moi aussi je suis là.
Le ventre contre une table de pierre suintante, je me trouve dans ces lieux. Des braseros brûlent ça et là, tandis qu'un symbole étrange gravé à même le sol occupe le centre de la pièce.

Au fond de la pièce, on peut voir les statues de sept démons, souriant dans une pose perverse. L'autel sur lequel je gîs est placé devant ces
statues, et porte des marques de liquide séché, dont l'origine a dû être organique.

Je ne peux bouger, incapable d'avoir le moindre souvenir, la moindre pensée. Je suis nu mais pas attaché, perdu, je ne peux que subir et observer.

Les murs sont ornés de fresques, certaines faites avec du sang et des os, à la gloire des démons et des pêcheurs. Partout, la Mort et le Vice sont représentés, parfois ce sont des enfants à eux, violant, pillant, massacrant...



Un prêtre attend derrière une table sur laquelle sont posés divers objets... en y regardant mieux, je me rends compte que le prêtre n'est en fait qu'une cape vide, vraisemblablement animée par un mage noir, ou un ultime souffle de vie.

Une petite table en ébène ou sont posés des instruments de torture, tous plus rafinés les uns que les autres.
Là, tout près une roue pour écarteler les malheureux ; ici des fers, des
écarteurs, des piques, des lames... De quoi irriter, blesser, trancher, couper... Et tuer.

Des ombres s'avancent autour de moi.
Une force et posent leurs mains ideuses sur mon dos. Glaciales... La morsure du froid est si intense qu'elle m'aveugle, je ne parviens pas à trembler, seulement à souffrir. La pointe d'une épée, la carresse d'une lame. Leurs mains décharnées aposent chacune un sceau macabre.
Sept... Elles sont sept.

Pas de visage, peut être que ça n'en a jamais eu.
Est ce vivant ? Est ce mort ? J'ignore même si cela porte un nom.
Ce qui est certain c'est que ce n'est pas humain... Ou ça ne l'est plus.

Le tortionnaire plus loin a achevé sa besogne. Le corps qu'il fouettait n'est plus qu'un amas de chairs et d'os humides. Il est agenouillé sur ce qui reste de sa victime et dévore ses organes encore sanguinolants.
Un râle emplit la pièce, comme un rappel à l'ordre car l'humain à la peau rouge se redresse brusquement et laisse tomber le coeur qu'il dévorait.
Le visage maculé de sang, il se lèche les babines comme le ferait n'importe quel fauve.

Il s'approche de moi, une lueur démente dans le regard, un filet de sang dégoulinant de sa bouche putride. Un animal plutôt qu'un homme, il marche voûté, les bras ballants comme animé par la volonté d'un autre.
Le léger sifflement de sa respiration à remplacé les claquements du gibet.
A sa main une dague d'argent à la lame marquée d'inscriptions.
Je ne peux lever les yeux, mais je sens son odeur putride derrière moi, celle d'un cadavre agé de plusieurs semaines.

Le bruit d'un tambour se met à résonner dans la pièce et fait vibrer les murs. Un rythme régulier, assourdissant, venu de nulle part. C'est comme si la Mort jouait une ode dans son repaire pour accompagner ses fidèles.
Je ferme les yeux, espérant me reveiller de ce cauchemar affreux.

Le fer rencontre la chair. Le serviteur putrécent a frappé. J'ouvre la bouche sans parvenir a crier. Je n'ai jamais senti telle douleur.
Le sang coule abondamment sur mon dos. C'est chaud...
Pas assez de force pour pleurer, pas assez de vie pour bouger.
La fin du cauchemar, ma vie prend fin ici, sans que je puisse comprendre pourquoi. Je ne me pose plus de questions, j'embrasse la Mort...

Le rire guttural du cannibale accompagne le tambour jusqu'a un autre monde... La seule chose qui me reste c'est l'espérer plus clément, avec moins de douleur que celui que je quitte.

Musique

Ténèbres et néant. Les murs et les ombres ont disparus. La Terre semble n'être que poussière, le ciel n'est plus. J'ai quitté le Särwyen et ma vie.
Perdu dans un au-delà sans nom, j'ai encore l'odeur de la chair en putréfaction qui vient me hanter. Mon corps est gelé, du sang encore suintant dégouline le long de mon dos. Mes doigts viennent effleurer la plaie mortelle.
Je ne souffre pas pourtant, juste une sensation étrange, je suis comme paralysé. Je n'ai plus froid, pourtant mon corps est gelé.

Pris dans un tourbillon de feu et de cendres, j'ai l'impression que le brasier n'est qu'une brise tiède. Je ne sens plus rien, seulement pris de nausée par les flames dansantes sous mes yeux. Il tourne et tourne encore, inexorablement... A présent c'est comme si des mains glacées me frappaient sans relâche. Je ferme les yeux, espérant une nouvelle fois que tout cesse.

Ma colère gronde, une fureur ardente, déçu, j'ai été trop déçu par vous ! Réveillez vous sombres aveugles... Au lieu de vous réjouir de l'après vie, faites quelque chose pour profiter du temps qui vous est imparti !
Car l'après vie n'est que vide et torture. Rampez comme les chiens que vous êtes, pleurez, il est trop tard pour que ça change.

Le tourbillon cesse enfin et j'ouvre les yeux. La Colère m'avait prise avec elle dans une danse folle... Le contrôle m'a échappé une nouvelle fois, sans que je ne puisse rien faire. Surprise et interrogation... Je suis revenu sur les lieux de ma mort. Le Temple. J'ignore même quel dieu est prié ici, mais probablement pas celui des justes et des bons. Les lieux semblent dévorés par la pénombre. La fureur qu'il y avait là n'est plus. Pourtant je sens encore la chaleur du carnage et ses âcres parfums...

Mon corps et si lourd et j'avance pas à pas dans l'ombre.
Pourtant je peux voir à travers moi, comme si je n'étais qu'un songe, un murmure porté par ses désirs. Je ne demande pas de guide, seulement un peu de lumière sur la voie que j'arpente...
Je ne ressens ni la peur, ni le doute, seulement une envie intarissable de savoir ce qui m'arrive... Une envie qui ronge ce qui reste de mon corps meurtri et gelé, seule et unique trace de vie.

Comme une réponse à mes attentes, une silhouette se détache des limbes. Est il un démon venu achever l'oeuvre de ses semblables, ou un ange venu me tendre sa main ou comme moi, une simple âme errante ? Si je peux rêver, je vis encore. Elle disparait à nouveau...
Soudain, c'est moi que je vois... Ce jeune homme bardé de tatouages, au sourire si arrogant... Je m'y vois avec tous mes tatouages, pour tant au fond de moi je sais qu'il est un autre... Rien de plus qu'un souvenir du passé.Je deviens fou, je perds contrôle, il arrive.

- Aaaaargh !

Ma voix change et se fait plus dure, plus grave mais aussi plus froide.
Un cocon de brûme m'enveloppe et me serre fort.
Le souffle coupé je ne parviens plus à exprimer ni douleur ni terreur.
Je peux sentir les os et la chair reprendre leur place en moi. Comme si j'enfilais un nouveau costume herissé de lames. Des larmes et du sang, c'est tout ce que je peux donner...

Soudain, cette envellope ténébreuse me rejette, et me jette au sol comme une vulgaire marionnette. Un râle de douleur vient de ma gorge, je gis au sol, comme un nouveau né, baignant dans son propre sang. Mais moi je suis seul ma mère ne m'accompagne pas. J'ignore ce qui m'arrive, je ne reconnais plus ce corps que l'on m'a fait. Mes pensées sont noires, je n'y vois que le vide...

Un nouvel homme s'élève.



Mon bras gauche me lacère, l'obsidienne ne fait plus qu'une avec la chair.
Un gantelet noir fait partie de moi. Chaque muscle me fait un mal de chien, comme si j'étais brûlé au fer rouge, telle une lame en train d'être forgée. C'est alors qu'il m'appella...

- Kelthas, sois le bienvenu Duc Noir... Approche mon frère, nous t'attendions.