le terrain de chasse

Me voilà retournée sur mes pas, dans un coin de forêt que je connais.
Je ne pensais pas y revenir un jour, vers ce petit sentier qui puait la charogne. A présent, il ne reste des dépouilles que quelques ossements. Mais je suis étonnée de voir qu'il en reste autant. Le nombre de victimes...

Nostalgique, cherchant peut-être ma honte ou mon propre pardon, ou seulement la compréhension, je me pose à genoux sur ce sentier attrapant un crâne entre mes mains, d'un geste lent, doux, hors du temps, presque religieux. Je le regarde dans les orbites mais je ne lui parlerai pas. Je ne parle pas à des boites vides, à moins de n'avoir vraiment rien de mieux à faire.
Lorsqu'il a brûlé, je me suis dit, ce n'est qu'un objet sur lequel on peut se défouler. Maintenant, ce n'est vraiment plus qu'un objet, un bête morceau d'os tout noircis.
Je regarde à droite et en retrouve plein le chemin. Des restes, des os, des vieux tissus, et même des armes rouillées qui ne leur ont pas été d'un grand secour.

Je ne sais pas si je regrette vraiment. Je n'aime pas regretter.

La végétation a en partit regagnée le sentier. J'en déduis que personne n'y est venu depuis longtemps. Peut-être que les gens font demi-tour en voyant des restes de congénères.

Ma rêverie est interrompue par un craquement derrière moi. C'est assez loin. Il m'a semblé entendre des pas, mais j'ai sans doute rêvé : qui irait s'avanturer ici ? Il n'y a rien à voir à par ce reste de sentier et ces restes d'ossements. C'est surment la peur d'être vu ici qui me fait imaginer une présence, comme les enfants qui voient des monstres dans les coins sombres de leurs chambres.

Je souffle un grand coup et me remet à regarder ce crane tout noir, ou plutôt le vide qu'il contient. Je laisse ce vide m'envahir gentiment, peut-être pour fuir ou pour y voir plus claire.
je me sent apathique.

Maintenant !
Un coup net et rapide. Propre. Il aurait été parfait si une giclée de sang ne m'aurait pas aspergé le visage.
Il n'a rien senti... Tout du moins je crois, lui n'est plus là pour le dire.
Je nettoie mon épée ensanglantée pour ne pas la rouiller...
Ce combat a été terminé avant qu'il ne commence, il ne pouvait en être autrement...

Je regrette un peu, il avait à peine vécu. Mais la faim justifie les moyens.
Je traquais ce faon depuis un moment, pistant sa trace à travers les bois.
Il n'aurait pas dû s'éloigner de sa mère. Perché sur un arbre je guettais le moment opportun.

Je passe ma langue sur mes lèvres et retire les quelques gouttes de sang de ma victime. Je hisse le corps inerte sur mes épaules et je m'apprête à rentrer. Dans la pénombre de la forêt, quelque chose ne semble pas tourner rond... Une impression étrange et une odeur de mort.
Je sais la reconnaitre quand je la sens.

Au dessus d'une petite butte, j'entrevois une silhouette, mais de mon point de vue je suis incapable de la reconnaître. Allié ou ennemi ?
Je dépose le faon au pied d'un arbre, pour l'instant mieux vaut rester sur ses gardes. La furtivité n'est pas mon fort, mais pourtant je m'approche lentement. L'inconnu m'a probablement déjà entendu mais qu'importe, il ne sait pas qui je suis.

Calme et serein, comme n'importe quel chasseur. Ma respiration est lente, mon coeur bat au ralenti. Je rabats mes cheveux rebelles derrière mes oreilles pour avoir une vue dégagée.
Je n'ai pas envie de tuer, mais elle se trouve sur ma route.
Et cet endroit n'est pas réputé pour ses gens acceuillants...
Les surprises sont parfois de mises, bonnes ou mauvaises je ne les aime pas... Quand on échappe à mon contrôle je suis dépassé.

Derrière un arbre, j'attend et j'observe pour apprendre un peu plus de cette silhouette étrange. Une victime de plus ou de moins ne me changera pas beaucoup...

J'entends encore un pas qui fait craquer les feuilles mortes. Je délire ? Non, un délire qui a un bruit et une odeur, ça semble suspect.

Domage. J'aurais aimé être seule... je crois. Au fond, je ne sais jamais vraiment ce que je veux : être seule ou allèger ma solitude. Au final, j'y reste sans m'y complaire.

Mais il y a bien quelqu'un et je commence à sentir le poids de son regard sur mes épaules.
Les oreilles rabattues en arrière pour mieux l'entendre, je reste d'abord immobile, serrant le crâne dans mes mains pour me concentrer.
Je n'aime pas ce ton froid sur lequel il m'observe.
C'est un humain je crois, pas des plus odorant. Un mâle, quand même. Il est surement armé.

Je frissonne. Si je me retourne, qu'est-ce qu'il va se passer ? Je vais devoir disparaitre au plus vite ? Le tuer pour qu'il ne me chasse pas ? Est-ce qu'il me soupçonne d'être l'auteur de ce décor plein d'os ?
Finalement, je ferais bien d'agir vite avant qu'un autre s'en occuppe. Et si ça se trouve, je le connais... ce n'est pas forcément mieux.

Je laisse faire l'instinct inquiet. Je me redresse, les doigts toujours dans les orbites du crâne noir et me retourne lentement.
Est-ce qu'il se croit caché ? Parce que là, je le vois. Il est un peu trop loin pour que je puisse distinguer clairement les traits de son visage mais sa stature me rappelle quelque chose.

Quelques pas en avant en plissant les yeux et ... non... je n'ose pas y croire. Je vois mal.
Ma main se desserre inconsciement et le crâne tombe et roule sur le sol.

Oui, je crois bien que je le connais. Il était là, à la falaise. Il a porté nos amis sur ses épaules. Douloureux souvenir...

Pour m'en assurer, je l'appelle timidement, d'une voix étranglée :

-Erohir ?

Qu'est-ce qu'il fait là ? Et qu'est-ce qu'il va penser s'il me voix sur ce sentier ? Une innocente n'aurait rien à faire ici. Trop tard, il m'a vu.

Je jette un oeil un peu paniqué sur ce que je voudrais cacher, derrière moi. Puis je me refixe, face à lui. Je ne sais pas comment faire. Je devrais peut-être aller au devant ?

Perdue seule au milieu des bois et des ombres...
Qui est tu, étrange silhouette ?
Âme en peine en quête de rédemption ou simple voyageur faisant une halte ?
Répondez moi, frênes, hêtres, montrez moi à quoi elle s'enchaîne.
L'oeil du chasseur ne peut pas tout voir, je dois m'approcher au plus près de cet esprit pour le percer à jour.
C'est dans les heures les plus sombres de la nuit que l'on connait vraiment les gens... Lorsqu'ils se croient enfin seuls avec leur conscience et leur coeur.

Un vent me porte un nom. Mais ce n'est pas le mien. Tout de moins il ne l'est plus. On me l'a reprit, je ne sais pas pourquoi je continue à l'utiliser.
Cet "Erohir" est mort il y a longtemps.
Désormais on m'appelle L'Initié, celui qui a vu son autre côté.
Néanmoins, elle me connait, ou plutôt m'a connu.

Que dois je faire ? Remettre à nouveau mon masque de compassion.
Replacer ce semblant de coeur dans ma poitrine. Jouer la comédie encore et toujours pour ne pas être haï ou rejetté. J'avance vers l'inconnu, un peu méfiant même si je ne craint la mort. Cette crainte fait aussi partie du costume. Le comédien entre en scène, pour jouer sa pièce favorite, la Vie.

Si mes yeux ne sont abusés par quelque envoûtement il s'agit là de la sorcière... Miw, aux yeux si perçants. A mi chemin entre la femme et la bête... Je ne peux que la comprendre. J'ignore si j'ai encore quelque chose d'humain en moi. Je lui fait face les mains sur les hanches, sûr de moi. Un sourire factice passe sur mon visage, ma voix brise ce silence pesant :

- Bonsoir Miw... Je me demandais bien qui pouvait se trouver dans cette partie là de la forêt.

Un regard à mes pieds. Des crânes, des os et des cendres. Mon monde se trouve là. Un nouveau sourire, sincère et amusé celui ci...
Ne serai je pas seul ?
Elle, si libre d'apparence serait elle enchaînée par quelque chose de plus fort qu'elle ? La Mort en a t'elle fait son esclave ?

Je m'assoie à mes côtés intrigué par cette felys bien étrange.
La vie est pleine de surprises, mais la Mort l'est tout autant.

Il s'est approché alors que je ne pouvais rien faire. Je me sent un peu piégée. Tandis qu'il me reconnait, son visage se déride. Mais alors qu'il arrive sur le sentier... non. Ne regarde pas en bas !Eh ben si... il a vu. Mais bizarement, ça ne semble pas l'inquiéter. Il a même l'air amusé de ce qu'il trouve à mes pieds.
Pourquoi se sourrire ? Est-il moqueur ? Complice ? Qu'est-ce qu'il sait que j'ignore ? Qu'est-ce qu'il a compris ? Est-ce que lui aussi, il chasse l'humanoïde ? Dans ce cas, je... non, plutôt lui... est en danger.

Il ne pose pas de question, il s'assoit. Qu'est-ce qui lui fait croire qu'il peut se mettre à l'aise et avoir confiance ? On dirait qu'il sait déjà tout de moi, ou presque car sinon, pourquoi rester ? Quel intéret de rester face à ce qui n'a plus de secret ?
Il le fait peut-être simplement parce qu'il me connait, parce qu'il m'a déjà croisé. Mais c'était en de telles circonstences...

Il semble si sûr de lui qu'il m'intrigue. Il me fait perdre le peu de contenance que j'avais.
Nerveusement, je me tortille les doigts. Puis quand je m'en apperçois, je choisis d'arrêter de dévoiler ainsi ma gêne et je m'assois. Manque de chance ou maladresse (ce qui n'est pas dans mes habitudes) je m'assois sur le crâne qui roule et me laisse le cul par terre. Ca fait mal. Sans doute à cause de ce bout de tibia sur lequel j'atterris. Je me tortille, enlève cet os de sous mes fesses puis reste figée un instant, le morceau d'os à la main et l'air un peu bête.
Arf ! Je voulais lui cacher tout ça et voilà que je me retrouves là, assise en face de lui, une pièce à conviction à la main.
Je ne suis vraiment pas en forme. Je ne réfléchis pas très vite. Et j'avais déjà oublié qu'il avait tout vu, donc pas la peine d'être embêtée par ce tibia en particulier. Un peu plus et je le cachais dans mon dos comme une enfant cache l'objet qu'elle vient de casser.
Je ne sais plus quoi en faire, alors je ris. C'est idiot, mais sa détend toujours de rire et ça permet de passer à autre chose. J'ai sûrement l'air fin à rigoler avec un os dans la main.
Non, décidément, je ne suis pas en forme.

J'essais de sembler accueillante mais ma queue, cette traitresse, s'agite et fouète le sol derrière moi comme en signe d'agressivité. En vérité, j'aurais aimer qu'il ne soit pas là. Il me dérange dans ma rêverie... dans mon amorphisme... Finalement, c'est pas si mal, je me sents vivante et un peu plus réveillée.

Je balances mon os sur le côté et tentes de briser la glace... ma glace, car lui n'a pas l'air gêné.

-Je ne m'attendais pas non plus à te voir ici. Ni quelqu'un d'autre d'ailleurs.

Nan, ça ne me met pas beaucoup plus à l'aise. Il pourrait penser qu'il me dérange. Ce n'est pas l'endroit rêvé mais un peu de compagnie, ça me fait toujours du bien.

-Qu'est-ce qui t'amènes ici ? Ca fait longtemps que plus personne ne vient s'y promener. Tu chasses ?

Il pourrait bien me retourner la question. C'est quand même moi qui suis suspecte à rêvasser le crâne à la main. C'est terrible : j'ai l'impression de mentir et je ments très mal.
Allez, du calme, respire un grand coup. Après tout, je ne suis pas si coupable face à un ancien hellequin. Il est normalement au moins aussi souillé que moi... mais il n'est peut-être pas fou, lui... ou pas comme ça.

Des crânes et des os. Voilà ce qui jonche le sol.
J'espère que ce n'est pas ce qui pave sa vie.
C'est incroyable le nombre de questions que l'on peut se poser dans une journée. Suis je heureux ? Qu'est ce que la Vie ? Suis je amoureux ? Quand est ce qu'on mange ? (désolé...)
Des questions pour le moins inutiles, pourtant beaucoup de gens se les posent alors qu'il en connaissent pertinement la réponse.

Pourtant, il y a parfois quelques interrogations plus interressantes, comme savoir ce que fait Miw, d'apparence si paisible avec des cadavres humains à ses pieds... Comment peut on en arriver à ce point ?
Elle a voulu garder ces corps se serait ce qu'inconsciemment.

Ils ne sont pas enterrés, mais bien visible, comme pour lui rappeller les fautes accomplies par le passé. La première chose que l'on demande à un coupable, c'est si il a, ou non des regrets... Tromperie de la langue, ou jeu de l'esprit, les regrets sont souvent les choses que l'on aimerait refaire...

On regrette une époque ou quelqu'un. Miw semble avoir des remords, plus que des regrets. J'ignore comment l'apaiser, car je la comprends pas.
Cette émotion je ne parvient pas à la ressentir. Je préfère vivre comme je l'entend, passer dans la vie des gens comme un simple courant d'air, peu m'importe si j'emporte avec moi une partie de leur âme.

Lorsqu'elle prit un morceau d'os dans la main, l'air gêné, je ne put retenir un léger rire :

- Hun hun hun... Décidément on ne s'ennuie jamais avec vous... En effet, je suis venu ici pour chasser... Du gibier.
J'ai posé mon butin un peu plus haut.
Je viens par ici de temps en temps, mais le plus souvent je reste sur les hauteurs.

Tout à côté de moi, un crâne humain gisait là. Amusé par l'objet je le prend dans ma main. Je l'observe sous tous les angles, bien que ce ne soit pas le premier que je vois. C'est celui d'un humain à première vue, un mâle. Étrange matière que l'os... Parfois si résistant... Parfois tellement fragile. Comme le reste du corps d'ailleurs.
C'est la dernière trace de nous. Notre empreinte sur le monde.
Notre dernière bouteille à la mer avant que le temps ai définitivement effacé les traces de notre passage.

Petit sourire.
Je serre mon poing. Le crâne fragilisé par les élements, se brise.
Les débris tombent sur le sol forestier, sans bruit.
J'ai achevé le travail du temps avant l'heure.
Le regard posé sur ma main, je dis à Miw :

- Hum... Désolé... J'espère que ce n'était pas un de tes amis... Ou amants. Tu comptes faire quoi ? Je pense pas que tu puisses obtenir grand chose d'eux...

Inutile de préciser que ma voix n'avait rien de désolée...
Plus une espèce de curiosité. De savoir ce que cela fait de se sentir coupable. D'avoir quelques réponses...

D'abord un sourire accueilant assez crédible, puis une assurance plutôt étonnante face à un tas de cadavres dessèchés. Et maintenant... Je crois qu'il veux quelque chose. Il a un regard sûr, presque inquisiteur mais pas autant que celui de la bête qui hante mes nuits. Pourtant, il ne me regade pas.
Il semble appuyer sur le fait que lui il chasse DU GIBIER et non des gens. Je crois qu'il sait, il a du deviner. Il faut dire que je joues très mal la comédie. Ca se voyait tant que ça que ce décors est mon oeuvre ?

Ses mots me semblent durs. Ils frappent mes oreilles.
D'abors surprise, j'ouvres grans les yeux sur le vide reste un peu dans le silence. Comment réagir à ça ?
Mes yeux se posent sur sa main encore serrée sur quelques débris. Une main forte mais sans tensions inutiles. La fatigue m'a rendue un peu parano et je m'assure qu'il n'a pas d'intentions violentes, qu'il ne cherche pas à venger quelqu'un, que ce n'est pas un tueur fou, plus fou que mi, ou je ne sais quoi. Non, il est calme et posé. Cette main n'a rien fait de plus que de briser un objet.
Finalement, je n'ai pas à avoir peur tant qu'il ne m'attaque pas. Et pourquoi le ferait-il ? Il n'y a aucune prime à gagner sur ma tête aux trait si fragiles qu'on n'oserait pas me juger coupable... et pourtant.

Mon coeur se calme. Mes yeux s'abaissent et semblent attendre une larme salutaire. Je souris légèrement mais pas d'aise. Je cherche peut-être juste à me sentir un peu mieux par ce geste. Ou c'est peut-être l'appel d'un soulagement. C'est peut-être le moment de me confier.
Je sent un froid sur mon frond plissé.

Il veux savoir ? Peut-être qu'il saura.

-Je crois que je ne les connaissais pas ... ou pas beaucoup.

Ma voix brise à peine le silence. Elle est à la fois calme et vascillante. Une toute petite voix qui voudrait cacher sa blessure.
Je voudrais pouvoir me retrouner et dire "c'est pas moi, c'est Lui" mais je me mentirais car nous sommes complices et il risquerait de s'en allez. j'ai pas envie de rester seule avec un fardeau qui un jours pourrait se révéler malgré moi et de la façon la plus cruelle.

-Je voulais comprendre pourquoi...
-pourquoi je l'ai fais... pourquoi nous avons fait ça.

Le pauvre, je ne sais pas si il y comprend grand chose, mais je n'arrive pas à en dire plus. Mes propre mots me font peur.

-J'aime le feu, mais j'aimes pas la douleur. J'aime pas faire mal... enfin... il me sembles.
-Je ne comprends pas.

A présent repliée, les genoux contre moi, j'ai froid. Je frissonne face à la honte et à l'incompréhension. Je la retenais très fort mais cette petite larme a quand même fini par rouler sur ma joue.
Est-ce que je suis folle ?
Une mèche de cheveux assombrie mon vasage qui n'ose pas regarder. Je voudrais lui attrapper le bras pour être sure qu'il reste. Mais je n'ose pas. Il n'a rien demander.Il est curieux mais il n'a peut-être pas envie de s'occupper d'histoires comme ça.

Pourquoi me ment elle ? Aurait elle peur de l'opinion que je pourrais avoir d'elle ? C'est mal me connaitre... Les gens sont tous les mêmes, rares sont ceux qui se démarquent. J'ai appris à ne plus être surpris par les humanoïdes. Surtout ceux avec des griffes acérées, ce n'est pas pour rien que la nature à fait d'eux des tueurs nés.

J'ai par contre du mal à croire qu'un assassin de sang froid peut avoir de tels yeux, emplis de peur, de doute et de chagrin... Ce ne sont pas ceux du meurtrier. Ses mains sont pleines de poussières mais pas de sang.
A la porte côté seuil, elle attends. Derrière, elle porte ses deuils.

Ne l'ouvre pas Miw, elle est sans retour. Tu chuterais dans un abysse sans fond. Lorsque l'on commence à verser le sang on ne s'arrête pas...
A tu essayé de stopper le sable coulant entre tes doigts ? C'est impossible, quelque chose t'en empêche, plonger une lame dans la chair de quelqu'un c'est la même chose, même si on ne veut pas le faire on y sera poussé par une pulsion indépendante de notre volonté...
Sans trop savoir pourquoi je lui réponds et tâche de la réconforter et l'écarter de cette voie.

- Tu crois ? Qu'importe, après tout amis ou ennemis le résultat est le même... J'irai pas leur serrer la main demain.

Toujours ce même ton... Un humour un peu froid dénué de tout sentiment. La mort est à mes pieds et pourtant je ris et je me joue d'elle.
Peut être est ce parce que je paye un tribut toujours plus important ?
Il a quelque chose que vous ne pouvez pas comprendre, je veux simplement tuer quelqu'un. N'importe quel inconnu, saint ou voyou, s'il se trouve sur ma route à ce moment précis ou la folie l'emporte.

- Et qu'essaie tu de comprendre ? Remuer ces os ne servirait à rien. Ta main est guidée par quelque chose de plus fort que toi. Le tout est d'apprendre à vaincre cette force et à la réfréner. Cela n'est pas évident, j'ai d'ailleurs abandonné cette lutte depuis longtemps. C'est à toi de choisir l'avenir que tu veux, ou tout du moins influencer ce choix.

Un sourire, j'espère qu'elle ne deviendra pas comme moi...
Pourtant elle commence déjà. Le feu, est le premier pas.

- C'est beau n'est ce pas ? Il peut détruire mais sans lui les hommes ne valent rien. Approche ta main... Tu vois, le feu c'est comme une vie, si on s'approche trop on se brûle, on souffre mais si on reste trop loin tout est froid et rien ne vit.
Je ne détiens aucune réponse ni vérité, seulement je peux te parler de ma vie gâchée. Ne devient pas son instrument, c'est le seul conseil que je peux te donner.

Mes cheveux sont tombés sur mon visage après une brise. Je me cache pour penser, je cache mes regrets...

Je relève un peu la tête pour voire que lui, il s'est caché. Je sents un poids au dessus. Il a beau rester caché derrière cette mèche, qui n'est pas grand chose, je connais cette expression. On dirait un peu la mienne mais en plus... usée, je crois. C'est la posture typique du regret.

Il semble vouloir me préserver... de ses propres peines, peut-être. Oui, il y a quelque chose qu'il connait, qu'il a reconnus en moi.
Cette façon de parler du feu... le mot m'excite mais là, ça me fait froid dans le dos.

Ce ton froid me peine. Je sais qu'il ne cache pas de la glace. Il fait le dur mais il se cache, d'une certaine façon. Non, ce n'est pas vraiment de l'humour comme il le voudrait. C'est une carapace.

La douleur d'autruis, même dissimulée à souvent tendance à me faire oublier la mienne. Du coup, j'ai les idées un peu plus claires. La panique passe.

Je le sent un peu loin. Je le regarde, figé dans un temps qui n'est pas le mien. Il m'a semblé sortir du temps, moi aussi, l'espace d'un instant. Je brise cette image fixe pour que les choses s'enchainent de nouveau, pour que les belssures aient une chance de cicatriser.

-C'est pour ça que je suis là. Pour ne pas être piégée. C'est ici que ça a commencé. Je cherche l'origine de mon démon.

-Est-ce que tu crois aux démons ? J'en ais fais un. Mais j'ai pas fais exprès... pas consciament.

Ma voix est vive et claire. J'essais de lui faire comprendre que quand je dis "démon", ce n'est pas une image. C'est que de son côté, il n'a surement que lui à craindre. Tandis que moi, je me méfie de nous deux : moi et la bête que j'ai fais naitre.

-Ici, je cherche les souvenirs qui me permettront peut-être de trouver le petit truc, l'engrenage à faire sauter.

-Je ne suis pas seule mais il vient de moi. Alors je cherche à comprendre "pourquoi je l'ai créé ?" et je crois aussi que... que j'ai peur de m'en débarrasser... Mais pourquoi ?

Le fait d'en parler me secoue un peu. Je m'arrête un instant pour me calmer. Je regarde autour de moi et il est là, assis à côté de moi à écouter mes petits secrets.

La peur quitte mon regard qui s'adoucit.

-C'est compliqué pour moi. Mais j'imagine que de ton côté, ça n'a pas dû être facile non plus.

Il parlait d'"instrument". De quoi est-il un instrument ?

-J'ai du mal à savoir ce que peut être une vie "gachéé". Je pensais que temps qu'on est vivant et qu'il y a du temps, la vie peut s'améliorer.

Je suis optimiste et pourtant, j'ai peur de le blesser. Je ne dois pas juger, il en sait plus que moi.