Le contrat [RP à accès restreint, contactez-moi par mp]

La chaleur est étouffante, l'air se charche d'humidité et d'iode, la rumeur des oiseaux marins se fait plus précise. Je file à travers le dédale de ruelles sans hésiter. De temps à autres, un curieux suit ma sombre silhouette du regard, intrigué, puis retourne à ses occupations, oubliant déjà la cape virevoltante au milieu des badauds.

Je plonge ma main dans la bourse qui pend à ma ceinture et en sort un petite épingle d'argent que je m'empresse d'accrocher au revers de ma cape. Je bouscule un homme, qui se retourne, furieux. L'expression de son visage se fige alors que son regard croise le mien. Il vient de voir la marque qui orne mon front, les lames torturées croisées en une croix funèbre. Quelques minutes plus tard, il s'écroulera raide, le corps tendu à se rompre, les yeux révulsés, la langue pendante, couverte d'une écume blanche.

Je suis déjà loin.

Mes pas me mènent sur les quais. Sans m'attarder, je passe entre les marins ivres qui déchargent le contenu de leur vaisseau et les commerçant braillard qui discutent le prix de leur cargaison. Un seul de ses bateaux m'intéresse... Une grande silhouette au bois sombre et luisant, les voiles teintées de rouge dansant dans la faible brise. Je m'approche de l'embarquadaire. Un homme s'avance pour me barrer la route, j'esquisse un signe complexe de la main et montre l'épingle d'argent sans même ralentir mon avancée. L'autre s'écarte vivement et me salue avec déférence. Sans lui accorder un regard, je monte à bord.

Ignorant l'agitation qui raigne sur le bateau, je file en direction des cabines. J'ouvre une des portes sans prendre la peine de frapper. La pièce est plongée dans l'obscurité, mais je m'y dirige sans peine. J'ai tant de fois parcouru cette pièce que je sais exactement où se trouve chaque obstacle. Du bout des doigts, je tire le lien qui retient ma cape. Le vêtement se détache de mon épaule et vient sur le plancher. Sans y être invitée, je m'installe dans l'un des fauteuil fixé au sol. Ma main se promène sur la table à ma droite. Je lève un sourcil en sentant sous mes doigts le contact froid d'une lame. Je remonte jusqu'à la garde... un poignard.

Sans un bruit, je saisis l'arme et la passe devant mes yeux. Un vague éclat trahit mon geste.

Etrange, j'aurais juré voir de la brume.

"Belle arme, n'est-ce pas Keerah"

Je ne peux réprimer un sursaut. Faudra-t-il qu'il parvienne toujours à ma surprendre. Je serre les dents et passe le plat de ma main sur la lame. Un rien plus longue que la normale, elle est gravée de signes qui me sont inconnus mais dont la finesse montre l'habileté de celui qui l'a forgée. Je saisis la garde et vérifie l'équilibre du poignard... Parfait.

"Oui, mon maître. Répondis-je

- Elle te plaît? Prends-la."

Sans un mot de remerciement, je le passe dans ma ceinture et croise les mains sur mes genoux.

"Alors?"

Je soupire

"Facile... s'en est presque insultant. Un novice aurait pu s'acquitter de cette mission.

- hum...

- Pardon..."

Je baisse la tête en signe de soumission, machoire et poings serrés.

"Bien. Tu pars dès demain. Je viens de recevoir une coquette somme pour un barbare... Un certain Massacreur de démon, un homme du nord. Supprime-le."

Une bourse dodue vient s'écraser entre mes mains.

"Il se fait appelé Ark."

Sans saluer celui qui m'a tout appris, je me lève et ramasse ma cape. Sans un mot, je quitte la cabine. La lueur de l'après-midi me fait plier les yeux. Je sors une pièce de ma bourse et la tourne entre mes doigts. D'un coup do'eil, je reconnais la marque frappée sur le métal. Ce barbare s'est attiré les foudres d'un bien sombre ennemi...

D'un geste désinvolte, je remets la pièce avec ses consoeurs et ajuste ma cape sur mes épaules. Sans plus de préparation, je quitte le navire et me dirige vers les ruelles de la ville. Je lève les yeux vers la silhouette escarpée des montagnes.

Au détour d'une allée, je disparais...

Ce picottement sur ma nuque... encore.

On me surveille, on me suit, on me file le train. J'ai horreur de ça. j'accélèrent le pas, bousculant un peu plus durement les gens autour de moi. Je tourne dans des rues toujours plus étroites, toujours plus sombres. La population se fait de plus en plus crasseuse, les rires gras et les plaintes ont remplacé le babillage jovial de la foule. Je serre les dents, accélérant encore le rythme de ma marche.

Les conseils de mon maître martellent mon cerveau, aussi surement que son baton aurait frappé mon corps.

Je deviens une ombre, je me fonds dans l'obscurité, rasant les murs, tournant au dernier moment, choisissant un itinéraire sans logique. Ma main serre le poignard passé dans ma ceinture, celui que mon maître ma fait si généreusement don. Mon visage affiche une détermination implaccable.

Ma cape virevolte, estompant mes trace dans la poussière de la rue.

Je prends une longue inspiration.

Je deviens une ombre...

Elle marche, toujours plus vite, et Alquäloth est consciente que l'inconnue a senti sa précense. Qu'importe. Mademoiselle a acceléré l'allure. La guerrière baisse la tête, allonge ses enjambées, calque sa marche sur celle de l'encapuchonnée, bien décidée à ne pas la laisser filer.

Un imbécile la serre d'un peu trop prêt. Elle laisse sa main s'échapper sur la garde de son épée, la resserre sur la poignée sans vraiment la tirer...Elle espère que cette manoeuvre dissuadera le malheureux crétin. Mais il la colle d'encore plus prêt. Elle risque un coup d'oeil en arrière. Elle ne l'a jamais vu, cet homme. Mais c'est bien comme ça qu'elle l'imaginai. Râblé. Des vêtements sales et déchirés par endroit. Des dents qui font peur et qui donne la nausée qu'au premier regard. Elle sent son haleine qui empeste l'alcool sur sa nuque, un frisson de répugnance lui remonte des reins jusqu'aux omoplates, qu'il secoue discrètement. La traqueuse traquée. Si on peut appeler ça une traque.

Tout en prenant soin de ne pas perdre des yeux la marcheuse, la guerrière effectue un virage, feignant de contourner un présentoir de poissons séchés. Comme elle s'y attendait, l'autre surgit devant elle lorsqu'elle veut retourner sur ses pas. Elle veut passer à gauche. Il s'y porte. A droite. Il la coince contre le présentoir.

Elle n'a pas dit un mot. Sa main a fusé, invisible, précise et mortelle. S'abattant sur le côté du cou de l'homme. Un geste terriblement précis, terriblement invisible, terriblement mortel. Mais là, elle a dosé. Il s'effondre sur l'étalage de poissons. Il lui faudra une bonne dizaine de minutes pour reprendre ses esprits, à son réveil. L'assaut a duré le temps d'un soupir.

Mais il a suffit à ce qu'Alquäloth perde des yeux l'inconnue. Elle jure discrètement, entre ses dents. Cherche des yeux une personne, ou une ombre. Une ombre serait plus vraisemblable.

Elle s'engouffre dans une ruelle adjacente, en ressort aussitôt, après avoir mémorié le nom de la traboule, gravé sur une plaque de métal. " Impasse du pêcheur " Elle est déserte...Elle retourne se mêler à la foule colorée, mais ne trouve pas le capuchon d'ombre qui recouvre les cheveux de l'inconnue.
Elle réfléchit à toute vitesse...Ses yeux volent ça et là...pour s'arrêter à nouveau sur la plaque indiquant l'Impasse du Pêcheur. Une impasse ? Déserte ?

Alquäloth s'y engouffre sans hésiter. La main prête à tirer son épée, toujours. L'inconnue sera passée par-là. Dans une impasse, elle aurait sûrement trouvé une issue, afin de brouiller les pistes.

Je suis une ombre tapie dans l'obscurité.

Je vois pour la première fois la silhouette de celui qui me suit depuis l'auberge... de celle... une femme à en juger par sa taille et sa carure. Elle aussi se dissimule sous une cape. Elle scrute les sombres recoins, je vois ses yeux passer sur moi sans me regarder vraiment. Un sourire se forme sur mes lèvres.

Je la regarde s'éloigner vers la rue et revenir l'instant d'après, la main sur la garde. Mon sourire disparait.

J'attends qu'elle se tourne, qu'elle me présente son dos pour sortir de ma cachette. Je fais un pas en avant, silencieux, une main cachée dans les plis de ma cape, l'autre pendant le long de mon corps, sans arme.

Ma voix raisonne dans le silence de la ruelle, grave et profonde, comme étouffée pour ne produire que le minimum de son.

"Tu cherches quelque chose?"

D'un geste lent, ma main remonte vers mon visage et tire en arrière l'épaisse capuche, découvrant mon front marqué du double poignard. Un demi-sourire énigmatique orne ma bouge, tandis que mon regard la scrute, relevant chaque détail... Au cas où.

La tension s'installe, presque palpable.

Le tohu-bohu de la rue semble s'être étouffé. En tout cas, la guerrière n'entend plus un bruit. C'est peut-être la faute de son sang qui pulse contre ses tympans.

Les deux femmes se jaugent du regard, cherchant un point faible, un point fort, un détail, quelque chose...

Une phrase. Déstabilisante ? Peut-être...Ironique ? Sûrement.

En tout cas, c'est bien cette femme qu'Alquäloth suivait. Elle reconnait la cape. Elle dévoile son visage, délicatement. Alquäloth l'imite. Ce capuchon n'était que pour masquer ses cheveux lilas. Maintenant, elle n'en a plus besoin. A présent, chacune bserve le visage de l'autre.
Face à face.

Elle cherche ce qu'elle pourrait répondre afin de ne pas agraver la situation. De ne pas la tourner à l'avantage de l'autre, non plus. Elle aurait répondu quelque chose d'acerbe et de fourchu si elle ne se serait pas contrôlée. Mais elle n'est pas suicidaire, cette femme est une tueuse. Ses yeux s'attardent un instant sur son front marqué d'un étrange symbole.

Elle a le temps d'entrevoir un poignard briller sous les replis de la cape. Alors elle prononce une phrase, dominant à peine le bruit de la rue qui vient à nouveau de s'engouffrer dans l'Impasse du Pêcheur.

- Très belle arme. Ne me fais pas croire que tu ne m'a pas entendue arriver. Je ne te croierai pas.

Mon sourire s'aggrandit lorsque la jeune femme m'imite et découvre son visage. Un sourcil se lève à la vue de la chevelure violine et des traits presque enfantins.

Je capte son regard et ne lâche pas un seul instant ses yeux, suivant pas à pas son observation de ma personne. Elle relève ma main dissimulée. D'un geste lent et ample, j'écarte le pan de cape qui masque mon habit. Ma main est ouverte et nue et vient se placer comme l'autre le long de mon corps, bien visible.

A ma ceinture, pend le poignard que m'a donné mon maître quelque instant plus tôt, soigneusement rangée dans son fourreau. Ma tête se penche légèrement sur le côté, comme pour observer sous un nouvel angle la femme qui me fait face. Aucune tension n'est visible sur mon corps, je parais parfaitement détendue.

"Je n'ai pas dit une chose pareille. Je suis simplement curieuse..."

Je fais un pas vers elle et sors totalement de l'ombre.

"Pourquoi me suis-tu?"

Mon regard se durcit.
_________________

Aïe, la question piège...

Elle étudit les différentes possibilités de réponses, à cent à l'heure. Si elle lui dit la vraie raison, la femme la tuera. Elle n'a rien contre un combat. Elle n'a pas peur de la mort. Mais lorsqu'il y a une alternative...elle préfèrerai la saisir. Si elle lui ment ou qu'elle lui dit " pour rien " ou " je ne te suivais pas ", elle passera pour une abrutie tremblante. Et la femme la tuera quand même. Autant être franche dans ces cas là. Du moins...de pas mentir, enrober les détails, et laisser vaguer sa réponse...

- Ca ne t'apporteras rien de le savoir. Quand bien même, tu aurai besoin de connaître la vérité, je ne te la dirai pas.

Elle avait soigneusement contrôlé sa voix, le ton dégagé, une ombre de sourire qui plane sur ses lèvres, le regard déterminé, la légèreté dans la voix...tout était dosé, c'était fait à merveille.
Elle aimait à jouer du verbe et du ton autant que du sabre. Enfin, peut-être pas autant.

L'autre est détendue, n'esquisse même pas un geste en direction des nombreuses armes qu'Alquäloth soupçonne d'être cachées dans les replis de tissus de sa cape. Qu'importe. La guerrière aussi est armée jusqu'aux dents, même si ses vêtements de cuir souples et sa silhouette menue ne ressemblent pas tellement aux attributs d'une combattante. Mais elle a choisi la rapidité, la souplesse et la fluidité dans ses gestes, des coups de lames et de tranchants des mains plutôt que des fléaux et des armures. Elle n'est pas sans armes.
Son épée elfique, terriblement précise, Erendal, dort à son côté gauche, dans un fourreau qui pend de sa ceinture. Dans son dos, plaqué entre ses épaules, son fidèle sabre. Mortel et invisible. Sur chacune de ses cuisses, un étui abrite une fine et courte lame aiguisée. Et dans ses bottes sont logés quatre poignards, deux dans chaque, qu'elle tire lorsque le besoin s'en fait sentir. Sa cape dissimule aussi un autre fourreau de cuir simple contenant une longue lame, toutefois plus courte qu'Erendal et son sabre, mais dépassant toutefois d'une dizaine de centimètres les épées courtes qui attendent leur heure contre ses cuisses. Une pelote d'épines. Qui s'y frotte s'y pique...

Ses yeux s'attardent un peu plus que nécessaire sur la marque tatouée sur le front de la jeune femme. Et cette fois, elle l'a vu.

Mauvaise réponse.

Je soupire, lève un sourcil inquisiteur. Pourquoi est-elle là?

Mes mains remontent le long de mes cuisses pour venir se poser sur les haut de mes hanches, tapotant du bout des doigts l'épaisse ceinture de cuir.

Je perds un temps précieux.

Je fais un nouveau pas dans sa direction. Ca y est! Ces yeux ont capté la marque sur mon front. Si elle est ce que je soupçonne, elle devrait reconnaître le signe des assassins d'outremer, les sans-terre.

Oui, ses postures, ses gestes... cette fille a tout d'une mercenaire de l'ombre, ou du moins l'aura-t-elle été durant un temps de sa vie. Notre caste marque nos corps bien plus profondemment que la marque qui orne mon front.

Mes doigts cessent leur tapotement sourd.

"Ne me prends pas pour une idiote. Tu n'es pas ma cible, je n'ai plus rien à faire dans cette ville. Soit tu me laisses quitter cet endroit et tu continues ton chemin où bon te semblera, soit tu te mets en travers de ma route... et là, la solution est simple."

Je n'ai pas de temps à perder en babillage. Mon regard se fait pénétrant dans les yeux de l'inconnue. Si je parais détendue, je n'en ai pas moins placé mon corps avec beaucoup de soin. Au moindre geste...

Sa voix est sèche, cassante. Un piège à cons. Et elle y est rentré tout droit.
Comment se sortir d'une telle passe ? Elle n'a pas de raisons valables pour la provoquer en duel. Elle ne veut pas non plus tourner les talons comme une lâche. Elle n'en n'a pas l'intention. Que faire, donc...?

La solution vient, enfin, au bout de deux secondes qui paraissent durer une éternité. Alquäloth fait un pas sur le côté, flanc au mur. Un sourire gouailleur s'étire sur ses lèvres. Qu'elle s'en aille si elle le souhaite. De toute manière, elle a un avantage sur l'autre, la guerrière.

- Alors va-t-en.

Son sourire toujours collé aux lèvres, à toutes épreuves, elle attend que l'assassine fasse quelques pas en direction de la place bondée pour cracher :

- Mais maintenant je vais te donner une réponse ! Le tatouage, sur ton front ! Il représente quoi ?

Elle se fige.
Alquäloth, prévoyante, feint de se gratter la base de la nuque, mais en vérité, elle titille la poignée de son sabre pendu entre ses épaules. Au premier mouvement...

Sage décision.

Je la regarde s'écarter de mon chemin et passe devant elle. Le claquement de mes bottes raisonne dans l'impasse, volontairement. Je rabats ma cape sur mon visage et mes épaules. Mon esprit se tourne déjà vers ma prochaine cible quand la voix de la jeune femme claque en une phrase qui n'a aucun sens.

Je stoppe net ma marche et me retourne lentement, un demi-sourire aux lèvres.

"Ta réponse ressemble à une question, jeune fille."

Mon sourire disparait. Sous ma cape, ma main gauche enserre le poignard et le dégaine d'un geste vif. La brume s'échappe de la lame et vient rapidement m'entourer. Un petit couteau apparait dans ma main droite. Alors que je me fonds dans un nuage, la lame siffle et vient se planter dans le mur, à quelques centimètres du corps de la guerrière. Un avertissement.

Je ne suis déjà plus là, et lorsque le brouillard se dissipera, il ne restera que le couteau planté profondemment dans le mur. Pourtant, ma voix sonne dans l'impasse, semblant provenir de partout et nulle part à la fois.

"Il vaut mieux que tu ignores ce que signifie cette marque... Et prie pour ne jamais la recroiser..."

Ma voix se meurt, je suis déjà loin.

Orgueilleuse guerrière, tu m'as sous-estimé.