Rencontre inattendue

J'aurais du me méfier. Le fils de chien!

Je lui ferais payer... il m'avait dit que l'autre serait ici, qu'il était venu pour ça. J'aurais du me méfier de son sourire avide. Mon maître lui fera payer, le rat! Je ferais bruler son bar sordide et tous ses clients avec!

Un bras s'écrase sur le sol, alors que ma lame siffle dans les airs. La lame travers la garde, longeant mon avant bras, dépasse mon coude pour s'enfoncer dans le corps qui se tient derrière moi.

J'ai attendu durant des heures. Je suis passée de toits en toits pour chercher le meilleur point d'observation. Le patron du bar m'avait indiqué l'emplacement de ce village abandonné. il m'avait certifié que le barbare y passerait, il me l'a assurer avant d'engouffrer une de mes pièces d'or dans sa poche. J'ai attendu des heures, allongée sur la chaume moisie, déplaçant nerveusement la garde de mon épée d'une extrémité à l'autre de sa lame. Le bruit infime de frottement du métal contre le métal couvrait à peine celui de la brise qui secouait paresseusement les branches mortes des derniers arbres debout. J'ai entendu un craquement, je me suis redressée, mais... rien. Puis un nouveau craquement sinistre avait déchiré le silence, le bruit d'un os qui sort de son emboitement naturel... et encore.

Ma lame traverse à nouveau la garde, faisant chanter l'acier dans la fente de la poignée. Je place ma main sur le manche et intérrompt la course de l'épée. Je me retourne et fait virevolter l'arme au dessus de la tête, celle de l'autre s'écroule sur le sol, grimaçant un dernier rictus mauvais. Je desserre mes doigts et sens vibrer la lame qui glisse à nouveau dans l'autre sens. Ma poigne se resserre, stoppant la lame au milieu de sa course, encadrant désormais la garde de deux lames courtes. Mon épée chante tandis que je la fais tournoyer, les membres pleuvent autour de moi, le sang gicle et pourtant... ils se relèvent.

Il m'avait dit que le barbare viendrait dans ce village... "pour faire le ménage". Ah! J'aurais du me douter de ce qui grouillait dans les vieilles batisses en ruine. Je me croyais en sécurité sur le toit, à l'abri dissimulée sous ma cape. J'étais loin de m'imaginer ce qui s'ammassait dans l'étage sous moi. Ils ont fracassé la poutre qui soutenait le pans de toit qui me servait de refuge. Je me suis écroulée à travers une pluie de gravas et j'ai découvert ce que le massacreur de démon devait venir nettoyer.

Je m'écroule sur le sol, mon dos frappe durement le sol. Je sens une main qui serre ma cheville, mais lorsque je me redresse, je ne vois aucun corps au bout de ce morceau de bras. J'écrase ma botte contre le bout de chair animé et l'envoie valdinguer plus loin. D'un geste souple, je me redresse sur mes deux jambes. Mon sang se glace, j'entends le chant du métal. Ma lame danse une fois de plus an centre de la garde et vient reformer l'épée que je découvre parfois à la vue des autres. Je transperce le corps le plus proche, je sens la puanteur de son haleine lorsqu'il s'écroule sur moi.

J'ai senti leur odeur autour de moi. Ces corps mutilés, décomposés, pourrissant n'auraient jamais du pouvoir tenir encore debout. Et encore moins se mouvoir. Ils ont tendu leurs mains décharnés vers moi. J'ai dégainé. Ce n'est que lorsque j'ai vu les mains tomber sur le sol et se mouvoir encore que j'ai réalisé dans quelle merde je m'étais fourrée. Mon maître m'avait pourtant assuré de la fiabilité de ce contact. C'est la première fois qu'il se trompe... à ma connaissance. Au prix que le renseignement m'a couté, il aurait du être parfaitement exact... pas juste une simple présomption.

Il me le payera, ce fils de chien!

Le sifflement de l'acier, je l'entends, je sens presque le déplacement de l'air. Vers moi... vers eux.

Plus d'hésitation, je ploie en arrière...

[HRP : Surprise! J'espère que ça te plaît]

Je découvre les étendues du village de Sarniath. Il ne reste que très peu de végétation alentours. Le sol est sec comme si il n'avait pas plu depuis des années. Un tas de toits en décomposition au milieu d'un amas de roches et de poussières dans une vallée encaissée en plein centre des carrières du l'Est.

Je m'agenouille et je prends une pincée de sable que je porte à hauteur de mon visage. Le vent soulève mes cheveux, je regarde le village en contrebas à moins d'une dizaine de minutes de marche. Je renifle l'odeur de la terre avant de la laisser choir à mes pieds dans une volute de fumée blanche. Je me redresse, je suis prêt à mettre un terme au règne de Sarniath.

Au loin, j'entends le coeur du village gronder. Plus je m'en approche et plus je sens sa présence. Plus je m'en approche et plus je suis persuadé qu'il ressent la mienne. Il sait pourquoi je suis ici, il sait que je viens le chercher pour lui offrir un ultime voyage sans escale en direction des porte du gouffre sans fond. Je sais qu'il ne se laissera pas faire et que le combat sera difficile, mais aucun des siens n'a encore réussit à me faire gouter à la terre. Je prie Arkimos de m'accompagner, je sens déjà sa lame qui pulse dans mon dos, prête à jaillir de son fourreau pour venir se loger entre mes mains.

Me voilà à l'entrée du village. Les portes des maisons battent dans le vent, un air glaciale glisse sur ma peau alors que le soleil écrasant réchauffe toute l'étendue des carrières. J'entends les souffles de sa cohorte de démons prêts à lui offrir leurs vies par peur de son chatiement.

Un combat. J'entends une lame glisser sur du métal et des hurlements de douleur stridents. Soit il s'agit d'une troupe de mercenaires, soit un autre massacreur a décidé d'en finir avec Sarniath avant moi. Je vais aller lui prêter main forte, après tout, tout ce qui compte pour moi c'est de voir la tête de cette créature plantée sur une pique à l'entrée de ce village démoniaque.

La batisse ne semble pas tenir debout. Son toit de chaume empreint d'une humidité chaude est rongé par la moisissure. Les montants de la portes branlantes sont vermoulus, les pilliers qui maintiennent les vestiges d'une pergola sont en décomposition. Le batiment ne resistera jamais au combat.

Je me rapproche de l'entrée et je saisie la lame d'Arkimos. Je la sens vibrer de plus belle au moment ou je passe la porte. Je reste alerte, la pièce est vaste, les meubles y sont brisés et répandus. J'entends l'autre qui se démène et qui renvoie les démons d'où ils viennent à grand coups puissants. Il n'y a que de la terre sur le sol de cette demeure. De la terre...

Un main décharnée grisâtre sort de la terre et s'aggrippe à ma cheville. J'envoie un coup transversal puissant dans son poigné et la coupe net. Dans la pièce d'à côté le combat fait rage, j'entends un pilier qui craque Je sens le sol qui gronde, féroce, il est temps.

Ils sortent de toutes parts, leurs visages d'effroie sont tournés vers moi et ils se rapprochent rapidement. Je fléchi sur mes jambes en tenant mon épée à deux mains, développant mes épaules puissantes, prêt à recevoir le premier qui entre dans ma zone vitale. Je me retourne et j'envoie un violent coup au milieu de son tronc, ma lame coupe son corp en deux dans un craquement d'os sinistre. Une griffe passe à quelques centimètres de mon visage, j'ai juste le temps de me pencher en arrière, je me vrille sur mes jambes et porte un coup horizontale à hauteur de ses jambes qui se brisent sous le choc. Je me redresse alors que l'un d'eux vient de sauter sur mon dos en hurlant. J'entends sa machoire s'ouvrir, aspirant de l'air dont il n'a pas besoin dans ses poumons morts depuis des siècles. Je lache mon arme et attrape sa tête par dessus mon épaule avant qu'il ne referme sa gueule sur ma gorge, puis je le projette de toutes mes forces en avant sans lacher sa tête. Ses cervicales sont rompues sur le coup, il reste au sol, inanimé.

Je jette un coup d'oeil en direction de la sortie, ils sont nombreux. Et derrière moi le massacre se poursuit. Il me semble entendre le teint clair d'une femme qui combat. Ils sont trop nombreux, je ramasse mon arme et je recule dans sa direction.

[HRP : Tu m'étonnes... ]

Je vois la tête d'une hache passer à quelques centimètres de mon visage et fendre l'air à l'endroit où se trouvait ma tête. Mes mains touchent le sol tandis que mes pieds le quittent et viennent s'écraser sur le crâne de la créature qui a failli me décapiter. La boîte crânienne se détache du cou dans un craquement sinistre, tandis que la chair putréfiée gicle sur le sol.

Mes pieds retrouvent le contact rassurant du sol alors que je me redresse, tenant fermement ma lame devant moi, la faisant virevolter pour découper tout ce qui ose s'approcher de moi. Je ne sais plus ce que je combats, les sons me viennent en écho, plus lourds, plus sourds. Quelqu'un se bat dans la pièce d'à côté…

Une des créatures agrippe ma cape et me tire en arrière, je pousse un hurlement rageur étranglé. Je change la position de mes doigts sur la garde et libère la lame mouvante vers l'autre extrémité. J'entends le craquement sec de la peau transpercée en un à-coup je ramène la lame vers l'avant et bloque sa position. Un bruit de chute derrière moi m'assure que mon agresseur est à terre… mais pour combien de temps.

Les damnés s'amoncellent face à moi, tandis que je recule vers l'unique porte que j'ai pu voir dans cette pièce. Les coups pleuvent et trouvent leur écho dans la salle voisine. Un goût de fer envahit ma langue. Le goût du sang.

Je dois me tirer de cet endroit maudit !

Je sens petit à petit mes muscles se raidir, alors que l'effort maintenu me fatigue. J'inspire si fort l'air dans mes poumons, que j'ai l'impression que l'on doit m'entendre depuis l'autre bout du monde. Mais je ne fléchis pas, je maintiens ma garde haute et accueille à grands coups d'épée tout ce qui passe à ma portée.

Soudain je sens un contact contre mon dos. Malgré la cape, je sens une omoplate contre ma nuque. Je ne dois pas les laisser me coincer !

Mon instinct réagit plus vite que moi. Ma main libre saisit le poignard passé dans ma ceinture et le dégaine d'un geste vif. Comme à chaque fois, des volutes de brumes s'en échappent, mais je n'ai pas le temps de m'attarder sur la singularité de l'arme que mon maître m'a confié.

Mon bras s'abat dans mon dos en direction de la cuisse de la créature, fendant l'air, tandis que je hurle de rage.

Le hurlement d'une femme, une lame pénètre dans la chaire de ma cuisse aisément, presque sans me faire de mal, aiguisée comme un scalpel de shaman. Je ne ressens pas de douleur, par contre je sens ma cuisse qui lache à l'instant même. J'exulte de rage sans même me retourner, j'amorce un violent coup d'épée horizontale, balayant les têtes qui dépassent devant moi. Je poursuis mon cercle destructeur par delà mon flanc, mon arme percute le mur qui sépare les deux pièce et le brise. Mon poing s'enfonce dans la boue séchée et une multitude de petits éclats de roche s'infiltre dans ma chaire réduite en bouillie. Je hurle de rage et de douleur, mon regard couroucé prend la forme de la folie.

Derrière moi se trouve une femme de petite taille à la musculature fuselée et au regard froid irrémédiablement résolu. Quelle tenacité dans ces yeux ! Je la bouscule d'un coup d'épaule dans la salle d'où elle tente de sortir et je me retourne vers mes démons dont je peux désormais voir le fond de la gorge. J'enfonce mon épée dans le corps de l'un d'eux et le repousse d'un coup de tête magistrale qui fend son crâne pourri. Il glisse sur ma lame et tombe sur le sol. J'essaie de lever la jambe pour repousser l'un d'eux en appuyant mon pied sur son torse mais une douleur fulgurante me monte au cerveau. Je tombe sur le dos, un coude replié dans les gravats. Je la regarde derrière moi et je lui hurle la bouche tordue :

"On doit se barricader dans cette pièce et percer un mur pour en sortir ! Ils sont trop nombreux et je sens leur Maître qui se rapproche ! Qui que tu sois, marche avec moi pour notre survie !"

La petite lame brumeuse s'enfonce dans la chair… trop tendre. Qu'ai-je fait? Je vois apparaître dans mon champ de vision un colosse aux muscles saillants. Ma cible sans aucun doute… Son épée énorme vient faire voler en éclat un pan de murs qui s'écroule dans un nuage de poussière. La blessure sur sa cuisse est profonde, pourtant ses coups s'abattent avec une puissance décuplée.

Il me bouscule sans ménagement, m'envoyant m'écraser contre le mur rescapé, dans cette pièce pleine de créature d'outre-tombe. J'hésite, je devrais me jeter sur lui, trancher sa gorge et répendre son sang sur la terre battue de la masure abandonnée. Peu importe les créature, peu importe le danger, je devrais accomplir ma mission… Au péril de ma vie.

Je bondis sur mes pieds au moment où lui s'écroule. Il est à ma merci, même une faible blessure pourrait suffir, les monstres feraient le reste. Pourtant, à mesure que je m'avance, ma lame danse et fait tomber les corps décharnés. Pour le moment, il est mon seul allié… pour le moment.

Mon épée s'abat sur les créatures qui me font face, créant un périmètre sauf autour de moi et du barbare. Je me retourne et lui tend ma main ridiculement petite. Un grognement attire mon attention. Par réflexe, ma main libre saisit un des poignards qui orne ma ceinture et le jette sur la créature. La lame transperse le front et fait reculer de trois pas le monstre. Malgré sa blessure mortelle, l'autre continue d'avancer en titubant, à peine affecté par le couteau qui le transperce.

Je reporte mon attention vers celui que je présume être Ark et hoche la tête en signe d'assentiment. J'improviserai pour la suite.

Le contrat est passé. Elle me tend sa main que je m'empresse de prendre dans la mienne. Ses doigts disparaissent sous mes premières phalanges, je m'aide de mon autre main pour me redresser et je récupère mon arme en lui faisant signe de la tête de reculer contre le mur du fond de la pièce ou elle se trouvait. Une partie du plafond est effondré, le soleil s'infiltre dans la demeure damnée et illumine les faisceaux de poussière que le combat soulève. Il doit bien rester une dizaine de démons morts-vivants devant nous et mon Épée s'affole, je ressens son excitation, elle pulse de plus en plus vite, Sarniath est entré.

Je m'adresse à elle tout en repoussant ce qu'il reste de la légion ténébreuse.

"On va avoir du mal à s'en sortir si il nous coince à l'intérieur. Il est venu pour moi, si tu veux fuir tu le peux encore, grimpe sur mon épaule et rejoins le toit !"

Je pose un genou à terre et je baisse mon torse pour qu'elle puisse grimper sur mon dos. Les créatures se sont calmés, Sarniath le leur a ordonné, il est là, je le sens. Ses démons s'écartent de la porte d'entrée de la pièce. Mon visage devient pâle.

Je recule d'un pas en direction du mur qu'il m'a indiqué et me place légèrement sur sa gauche, du côté du bouclier. Je protège son flanc à mesure qu'il abat les créatures. Je sourirai presque de la situation, tant elle me paraît ironique. Je protège l'homme que je dois abattre.

Ma lame file dans la garde et vient transpercer un des monstres décharnés. Sa voix raisonne avec pour écho le choc de nos armes. Il baisse sa garde et se penche en avant en m'invitant à monter sur le toit en prenant appui sur son dos.

"Hors de question!"

Ma voix n'appelle aucune discussion. J'ignore quel est le monstre qui est venu pour lui. Je pense à ma mission avant tout, à la preuve qu'il faudra que j'apporte de son succès. Je n'ai pas l'intention de le lâcher d'une semelle.

"Tu auras besoin de mon aide…"

Je raffermis ma poigne sur la garde de mon épée. Les créatures ont cessé d'attaquer et forme une haie d'honneur macabre. Ainsi, ces monstres ont un seigneur. Il ne me volera pas la tête de ma cible… parole d'ombre.

Ma main gauche quitte la garde et vient caresser l'épingle d'argent accrochée au revers de ma cape. Je vois le sourire de mon maître, plein de fierté envers sa meilleure élève. Je ne faillirai pas à ma réputation.

Je donne un dernier coup d'épée à pleine puissance. Je frappe de bas en haut et je sectionne la machoire de l'une des créatures qui est trop lente pour se reculer. J'adresse ces mots à ma compagne de fer.

"Alors bats toi et meurs à mes côtés mercenaire, je ne connais pas ton nom mais je suis fier de t'avoir connu !"

Un sourire forcé se dessine sur mon visage. J'arme l'épée d'Arkimos à la verticale le long de mon épaule puis je colle mon bras contre ma hanche et je jette un dernier regard à Keerah avant de me tourner vers l'entrée de la pièce.

J'entends un souffle grave et profond se diriger vers nous. Les démons se crispent, ils placent leurs mains sur leurs yeux en se recroquevillant, certains cherchent même à étouffer le son de la voix de leur maître tant il leur inspire la crainte.

J'arrive à percevoir l'échos d'un battement d'ailes puissant qui semble provenir des profondeurs infernales. Il est accompagné par une cohorte de voix terrifiantes qui hurlent de rage et de douleur. Ce sont ses anges damnés qui le suivent depuis l'autre plan en espérant qu'il pourra étancher sa soif de sang sur les mortels qu'il pourchasse.