Une godasse

Fouinant dans les coins du château, du ré de chaussé jusqu’à la plus haute tours, forcément, j’arrive en haut.
Entre temps, j’ai trouvé une botte en cuir dans je ne sais plus quelle pièce. Elle est un peu usée et je n’ai pas vu sa jumelle gauche (peut-être parce que je n’ai pas beaucoup cherche).

J’arrive donc haut sommet avec, toujours à la main, cet objet qui sent les pieds. Les pieds de qui ? Ca, je ne sais pas et je préfère croire que ce n’est à personne : c’était dans un coin, j’ai pas vu l’autre et une botte toute seule, je ne vois pas à qui ça pourrais servir, à part à un unijambiste que je ne connais pas.
C’est donc armée d’un fond de curiosité, d’un peu de mauvaise fois et d’une vilaine envie sans queue ni tête mais néanmoins impulsive que je me suis emparée de la chose. Et du haut du donjon, la tête par la fenêtre et la botte sous le bras, je regarde dehors et en bas.

Les gens sont tout petits vus d’ici. Je saurais pas les reconnaître. J’en vois quelques uns qui s’agitent, occupés par je ne sais trop quoi, et d’autres, plus oisifs, qui n’animent pas beaucoup le paysage. Et plus loin, la forêt, les montagnes, la vallée… la nature paisible, en somme.
Je me penche de nouveau pour voir ce qui bouge ou ce qui ne bouge pas, au pied du château.
Je les regarde pis je regarde plus près, ce que j’ai dans la main : une botte, c’est peu de chose, mais c’est déjà quelque chose. Je tâte un peu le cuir plus ou moins usé, puis je regarde de nouveau en bas. Ca s’agite un peu autour de ceux qui ne s’agitent pas. Ces trucs qui bougent ça m’amuse, c’est comme ça. Sûrement un vielle instinct félin. Mes griffe se serrent et se desserrent sur la botte.
Pas longtemps. Je regarde à nouveau en bas. Puis la botte. Puis en bas. Puis re-la botte, puis re-en bas. Et là… ! Je sent à nouveau venir comme une envie. Un instinct peut-être ? Ca me démange.

Et si je faisais cramer un truc ? Non ! Ca, ça ne va pas ! va falloir freiner sur ces mauvaise habitudes. Le feu, c’est un échappatoire, un défouloir, mais c’est aussi très nocif… surtout si c’est pour me retrouvée coincée en haut d’un bâtiment en flamme.

Alors non, je revient à ma botte. Et en bas. Et la botte et en bas.
Mais alors là, je ne tiens pas ! Je sent l’énergie maligne qui monte dans mon bras, me chatouille l’épaule, me chiffonne les doigts et PAF, le mouvement se lance et la godasse vole par la fenêtre pour tomber je ne sais où, en bas.

C’est pas malin mais ça me fait rire, nerveusement ou d’amusement. C’est qu’elle me faisait limite tiquer de l’œil, celle-là, à vouloir que je m’en serve de projectile.

Vite, je me baisse pour pas qu’on me voit. Ils ne sauront pas que c’est moi. Et même, si j’ai beaucoup de chance, ils ne sauront pas que ça vient du haut du donjon et ils ne monteront pas. Peut-être même qu’ils penseront que ça tombe du ciel, envoyé par je ne sais quoi qui vivrait au dessus des nuages… Non, là quand même, faudrait pas les prendre pour des blobs ! je leur jurerais qu’il y a de la vie qui porte des bottes au delà du ciel qu’ils ne me croiraient pas. Alors de là à penser ça d’eux-mêmes…
Enfin, peu importe, je suis presque bien cachée.

Mais quand même, je suis curieuse de savoir où elle a atterrie. Alors je me relève un peu et écoute en bas. En générale, j’entends mieux que je ne vois.

Une petite bêtise au lieu d’une catastrophe. Un godillot au lieu d’un brasier. En somme, trois fois rien… Mais c’est parti vachement fort et de très haut. Pourvu que le croquenot n’ait fendu le crane de personne.

Il y a un dicton qui n’existe pas encore. Mais il faut le faire référencer dans le grand livre des dictons utiles. Reste ahuri au pied d’un donjon, à regarder pigeon qui chie, et tu te prendras une botte sur le coin de la tronche.

Mais tout le monde le sait, j’ai une chance de cocue. Et pourtant, je suis même pas maquée. Parce que la botte, quand ça tombe d’on ne sait où, si on se ramasse la semelle en bois, parce que c’est de la botte de qualité qui tombe du ciel, c’est bien connu, sur le sommet du crane, ça peut vous renvoyer les cheveux vers leur point de départ. Mais moi, petite tête toujours penchée de 23 degrés vers l’Ouest, j’ai évité le pire! Quoi que, c’est relatif.

Je suis aveugle!!! Les pigeons se sont vengés! Pourtant, je faisais que regarder leur croupion, c’est pas interdit que je sache!

C’est étrange. Ma voix résonne, comme si j’étais dans une pièce toute petite. Une pièce qui pue les pieds. J’ai compris! C’est la botte qui s’est enfilée sur ma tête! Vite, à moi mes bras! On m’enlève ça!

Pas moyen. Elle a du tomber de haut, la botte. Elle s’est enfilé avec volonté sur ma tête, et n’a pas l’air d’accord pour s’en libérer.

A l’aide!!!
...
Y'a quelqu’un?

Bon, ben y’a plus qu’à attendre.

Ben c'est...Un château quoi.

Un château tout ce qu'il y a de plus château.

Un tas de pierre froid et solide avec plein de cour extérieures, intérieures et des cours extérieures à l'intérieur des pièces, et encore d'autres cours intérieures à l'extérieur des murs...Mais comme le tout est entourée d'une grande palissade de pierre qui commence à s'emmousser, non non j'ai pas voulu dire " émousser " mais bien "emmousser" , vous savez, quand de la mousse, ce truc vert que certains disent que c'est de l'herbe, d'autres des champignons, pousse sur les murs...Comment ça, ça existe pas ? Mais je m'en fous ! Moi je dis " emmousser " et si z'êtes pas content, vous z'avez qu'à pas lire, na ! bref, comme je le disais, comme un mur de pierre EMMOUSSE fait le tour du château et qu'il y a encore des cours entre cette palissade et les premiers murs extérieurs du château, ben ça fait encore des cours-internes-externes...Bref.

C'est un château, quoi.

Un peu lugubre, ça caille, ben oui, que voulez-vous, le vent qui s'engouffre dans les cours des châteaux, il est toujours froid dans les histoires, c'est bien connu.

Et même que au milieu d'une des cours extérieures-intérieures-à l'intérieur-des-murs-extérieurs-de-la-cour-intérieure-elle-même-extérieure...Bref, au milieu d'un carré de pierre nue entourée par des murs ext...Rhâââ, ta gueule ! Dans une cour, il y a une forme debout. Alors je m'approche prudemment parce que cette chose un peu humaine à une tête très bizarre. Et ça crie, en plus, et fort. Je comprend que c'est une jeune fille, ou un jeune homme avec une voix de fille, mais plus vraisemblablement une fille à cause des...hum...baudruches dont on voit le relief sous sa tunique, coiffée d'une botte miteuse et pourrie qui sent pas bon.

Je m'approche et arrache la botte. Ca résiste...Gnnnn...Hûmpf..CrîîîkkKKRRR Shloup ! Ouais ! Victoire !

- Heu...Salut !
Dis, t'es qui toi ?

Oups ! Je crois que quelqu'un l'a reçut. A l'entendre, on dirait qu'elle parle dans un gobelet mais ça doit pas être ça. J'aimerais bien voir son état. Peut-être que deux étages plus bas, j'y verrais quelque chose.

Vite vite vite ! cavalcade dans les escaliers en colimaçon. Attention à pas louper une marche. J'ouvre une prote qui me parait bien orientée, déboule dans une chambre et ouvre la fenêtre.

La vache ! Faudrait lui déchausser la tête ! Oulà ! J'aimerais pas être à sa place. Et c'est sûrement parce que je ne suis pas à sa place que ça me fait rire.
Je devrais peut-être aller la tirer de la ? Ah non, pas la peine, cette elfe tombe à pique.

-Coucou Alquä !

Un grand geste de la main pour qu’elle me voit avec le sourire jusqu’aux oreilles. Allez ! Je suis très contente de la voir. Peux bien lui faire un signe en lui criant quelques mots. De toute façon, comment pourrait-elle m’accuser, puisqu’elle vient d’arriver. Mais quand même, un peu de politesse : je fais aussi un grand geste à celle qui aurait bien put être assomée.

-Coucou Aelis ! Ca va bien ?

Voilà, comme ça, l’air de rien. Elle ne verra même pas ce tic nerveux trahissant ma culpabilité (quand j’essaie de mentir ou que je ne suis pas claire, j’ai l’oreille droite qui penche).

Je penche un peu plus, prend appuis là où je p… merde, le géranium ! Attention en dessous ! Quelle maladroite !
Recroquevillée, les yeux fermés très fort, les oreilles rabattus, tout ça par réflexe, j’entend le pot de fleur prendre la même direction que la botte pour aller se fracasser en bas.
Là, je n’ose pas regarder l’ampleur des dégâts. J’ai peur pour elles.

Petite balade à pied. Bah, c'est joli la forêt...
Mais ces cri me poussent dans une direction donnée : celle ou miw et alqua hurlent à plein poumont pour se saluer.
Ralala, c'est étrange, à chaque fois que je vois alqua, elle est toujours en train de gueuler.... Je m'approche, puis, une fois arrivé sur le lieu des cris, j'apercois une sorte de peau explosée, boyaux dans tout les sens, et je pense qu'avant d'avoir cette allure, c'était un rat.
Je salue les filles, je souleve le pot de fleur qui a massacrer le pauvre animal, puis je le souleve par la queue, l'agite devant les autres, et pose la question d'un air surement stupide :

"Il vous a fait quelque chose, ce pauvre rat ? et c'est qui qui s'amuse à balancer des pots de fleur ? Miw ? Ralala, quel manque de sérieux les filles..."

Aïe ! Elle hurle. Elle a dû ce le recevoir... Ah non, c'est pour me féliciter qu'elle gueule. Je préfère ça.
J'ouvre les yeux sur la cour et constate que Danahel vient d'arrivé, tenant une sorte de... gibier, je suppose. Il le brandi et ce tourne vers moi. Un cadeau ? Il n'est pas très beau mais c'est l'intention qui compte.
Ah non, c'est pas ça. Vu la forme sur le dos du reste de bête, c'est bien ça qui a reçut le géranium. Heureusement que ce n'était pas Alquäloth.

Il râle et il m'accuse. Ca ne fait rien, je suis quand même contente de le voir, lui aussi.

-Moi ?! Je balance rien moi. Ce pot de fleur est tombé tout seul. Comme si j'avais l'habitude de lancer des choses comme des géraniums ou des vielles bottes !

J'ai dit "vieille botte" ? Bof, ils vont pas faire le rapprochement... si ?
Bon, faut pas leur laisser le temps de réfléchir. Je suis contente de le voir et je vais lui montrer mon affection pour qu'il ne soit plus faché.
Je monte sur le rebord de la fenêtre, me comprime sur mes jambes pour pousser plus fort et je fais le saut de l'ange en direction de mon ami.
Sauf que je ne me suis pas laisser le temps de réfléchir à moi non plus. J'ai des attributs félins mais j'ai aussi une masse assez humaine. Résultat, au lieu d'attérire avec légèreté sur son épaule, au creux de son cou comme pourrait le faire un innocent petit chat, je lui tombe dessus et l'écrase au sol comme une catcheuse.

Je m'en tire sans le moindre mal, mais lui, vu la tête qu'il fait et le bruit de cracquement, j'ai bien peur qu'il n'apprécie pas ma marque d'affection.
Oups ! Re-boulette. Oreille droite qui penche, grand yeux brilants et ronronnant histoire qu'il n'aille pas imaginer que je souhaitais lui casser quelque chose.

Elan. Saut de l'ange.
Non, c'est pas sur moi... SI !

*BAM*

craquement sinistre.
Miw me regarde les yeux pétillant de joie.
Je tente de me relever, et je me rend compte que le cadavre de rat qui se tenait dans ma main quelques instant plus tard n'y est plus. Mais où est il alors ?

- HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

Alqua commence soudain une étrange danse, mélange exotique mélant la danse de la pluie et la polka du diable. Le rat aurait il traversé les air avant de retomber dans sa tunique ? sûrement...

Bon, je vais arrêter d'écraser Danahel et je vais donner un coup de main à Alquä dont les cris sont insupportables.

Comment cette grosse charogne a-t-elle réussi à attérir dans sa tunique ? C'est vraiment pas de chance !

-Attend. Arrête de bouger !

Je ne sais pas trop par où passer pour lui extirper la barbaque. Euh... par là. J'arrive l'empècher de bouger en lui tenant fermement la manche et je plonge mon bras dans son décolté pour attrapper la chose.

Et CRAC.
Rereboulette, la tunique est déchirée.
Mais mais le rat est dans ma main et plus dans ses habits. Je l'ai sauvé.

J'ai pas tout compris, là...

J'étais en train de féliciter Miw pour son joli tir ( décidemment TROP joli, en plein sur le crâne !!! ) après avoir enlevé la botte qui coiffait une Aelis apparemment désorientée, et puis d'un coup, je vois :
1) un Danahel en train de nous apostropher gentiment en me secouant sous le nez le cadavre du mustélidé atrophié,
2) une boule de poils couleur fauve à pattes qui tombe du ciel,
3) le rat en question ou plutôt ce qu'il reste du rat, coincé dans ma tunique ( pervers !! ) et une infime fraction de seconde plus tard, grâce à un sixième sens infaillible qui déclenche chez moi un réflexe pré-démolisseur de cellules cillés*, je lance vers les cieux attentifs un HIIIIIIIIIIIIIIIIII à réveiller les morts enterrés sous ce vénérable château.


Y'aurait-il une âme charitable pour...?
Oh merci Miw, j'te revaudrait ça.
Quoi que...

S'en suit un deuxième HIIIIIIIIIIIIIII plus provoqué par la colère que la trouille, parce que, bon, moi, j'ai pas peur de mes propres nibs, mais quand même, quand ils se retrouvent comme ça à l'air à dire bonjour aux papillons, qu'il y a un certain monsieur à côté et quand le monsieur est plus particulièrement Danahel, là, j'ai quand même de bonnes raisons de crier.

Miw, je sais pas comment tu fais pour te balader 24h/24 à poil.

* les cellules des oreilles, bande de bananes !

Je ne voulais pas avoir l'air coupable (une fois de plus), mais ce second crie à fait que je me suis caché avec mon bras comme pour éviter une ratatouille. Pourtant, elle ne lèverait pas la main sur moi ? De toute façon, c'était un réflexe. Et puis, j'ai rien à me reprocher, c'était pour l'aider !

Mais pourquoi elle crie comme ça ? Elle est pas contente ?

D'un air perplexe, je regarde Danahel. Peut-être qu'il saura m'expliquer.
Et qu'est-ce que je vois ?
Mais il bave, ma parole !

Je comprend mieux. J'avais oublier ce petit détaille très important pour la plupart de ceux qui ne sont pas moi : la pudeur vestimentaire.

Pourtant, je ne vois pas ce qu'elle a à caché. Elle est très jolie comme ça. Elle serait couverte de furoncles, je comprendrais qu'elle veuile se cacher. Enfin, si je n'avais pas renié ce principe depuis ma tendre enfance...

En tout cas, il faudrait arranger ça... pour son confort et pour mes oreilles et avant qu'elle ne se venge sur quelqu'un.
Comment faire ? Je commence par me placer entre les deux, bras écartés, pour la dissimuler de mon corps menu mais il bave encore, ça ne suffit pas à bien la cacher.
Ce cris me rend nerveuse ! Vite, une solution ! Il ne faut pas qu'il la voit !
Cacher ses yeux !
Et paf, je lui lance le rat en pleine tête, comme ça il ne regarde plus.

Est-ce que c'était vraiment la bonne solution ?
Un rat géant lancé aussi fort, ça fait des dégats. Je m'en mord les doigts.
Ca doit être le karma... On me punit d'avoir jouer un vilain tour comme le lancé de godasse.
Aïeaïeaïe ! J'aurais peut-être dû préférer la sièste aujourd'hui. Je crains pour la suite des évènements.