Le choc des minis titans, Echiquier vs FSMD [round ONE]

Ca y est, je suis fin prêt.

J’avance, lentement, résolument dans la vallée de Ceth. Les pans de ma cape volent avec classe sous l’effet de la brise à chacun de mes pas. Mon regard est dur, grave mais déterminé. Le vent soulève quelques mèches rebelles qui encombrent mon visage et barrent mon regard.

La forêt s’est figée, les oiseaux ont arrêté de piailler, les pintades du bourg aussi. Les grenouilles si bruyantes et désagréables d'habitude s’arrêtent et observent mon passage dans un silence religieux.

Le Seigneur est avec moi, il guidera mon bras. Je n’ai pas peur, je ne crains rien et je l’aurai. Je vaincrai le mal, je ramènerai la paix, les hommes m’acclameront, se prosterneront à mes pieds, me vénèreront jusqu’à la fin des temps. Car le mal que je m’apprête à affronter est le plus vicieux, retord, acariâtre et mesquin que cette terre aie jamais accueilli en son sein. Un monstre issu des tréfonds du plus putride des marais, issu de l’alliance du sang des damnés et de la fange que l’on y trouve. Le plus terrible de nos cauchemars.

Mais je n’ai pas peur… je me suis entraîné, durement, jour après jour, j’ai appris les plus grandes arcanes, auprès des plus grands maîtres. J’ai passé cent jours et cent nuits dans la montagne, à méditer sous une cascade glacée, sans boire ni manger. Sain de corps et d'esprit.

Mon cœur est sans peur, mon courage est sans faille, mon allure est fière, je marche la tête haute vers l’enfer.




…




Bon, d’accord.

La préparation, c’est surtout une dizaine de bière ingurgitées avant de partir, histoire de donner du courage. Courage qui s’est d'ailleurs fait la malle depuis un petit moment déjà. L’allure est tout sauf fière, ma cape est trouée, mon regard plutôt hagard et les grenouilles en ont rien à foutre.

Mais c’est pas une raison pour pas m’encourager.

Parce qu’en face, c’est vraiment un truc horrible qui m’attend. Un truc avec des ailes et qui vole, dans un « bzzzzzz ! » à vous rendre dingue. Nan ! pas un moustique, pire ! Une dryade.

J'vous vois pas convaincu là... genre vous êtes pas plus avancé que moi sur ce coup… je continue et je vous fais le topo.
Une dryade, donc.

Des ailes pour faire « bzzzzzz » dans vos oreilles et voleter sans que vous puissiez l’écraser contre le mur avec votre gazette. Pourtant, vous en avez vraiment envie.
Des boules de feu pour vous ruiner la permanente et la garde robe, quand je disais qu'elle était mesquine... Et, comble de l’horreur, elle a la forme, le caractère, la voix stridente et la nervosité si propres aux femelles de n’importe quelle espèce… le tout condensé dans vingt quatre centimètres de pur sadisme.

Comme quoi j’ai des raisons de m’inquiéter.

Mais je vaincrai ! Elle n’aura pas mes bières, elle n’aura pas ma robe. Jamais !

Ce matin, un lapin, va se faire bouffer par un chasseur. Parce que les lapins qui tuent les chasseurs, ça ne peut qu’exister dans l’imaginaire complètement délabré d’une bécasse qui croit être amie avec des souris et d’autres animaux du style. Et ce matin, je ne suis pas le lapin. Enfin, faut que je fasse gaffe à mes fesses, parce que si je m’entrave le string dans une branche, je redeviendrai lapin.

Laaaaapin ! Nt nt ! Laaaaapin ! Nt nt !

Si vous ne connaissez pas le jeu du lapin, vous ne pouvez pas comprendre, laissez tomber.

Donc, ce matin, je pars à la chasse au lapin. Non, pas aux lapins, au lapin. Parce que non Monsieur, surtout pas Madame, ce n’est pas la quantité qui compte, mais la qualité. Et mon lapin du jour, il est pure race Fésémeudé. Tiens, ça me fait penser à un truc, ça. Vous vous êtes déjà penché sur la question de l’origine des mots? Un exemple, avec les couleurs. Un matin, non, pas un lapin, un gars, a décidé que ça, là, ça serait orange. Et pourquoi? Pourquoi il n’a pas donné le nom «bleu» à la couleur orange? Ah ah ! Vous voyez le monde bien différemment, maintenant, avouez! C’était l’aparté question existentielle.

Revenons en à nos moutons. Ou plutôt à mon lapin. Pourquoi je vais à la chasse au lapin, d’ailleurs? Vous ne savez pas?!? Mais si, voyons, c’est une évidence! Les raisons sont multiples. De un, y’a un gars de ma Guilde, Trapp qu’on l’appelle, parce que quand il me lance des trucs, sachant très bien que je ne suis pas agile dans la réception d'ovni, il me gueule « ‘trapp’ ! ». Rien à voir en fait. Mais ça pourrait. Et en fait on s’en fout. En tout cas moi je m’en fous. Alors vous, je suppose que c’est encore pire. Donc, Trapp, il nous a dit « on va faire la bagarre aux Féméseudé parce qu’ils puent et qu’ils partagent pas la bière ». Raison valable, me direz vous. Mais! Moi je ne vais pas faire la bagarre au Féméseudé, là, je vais chasser un lapin! Pourquoi? Parce que! Il veut pas me prêter sa robe, sous prétexte qu’elle est à lui (oui oui, la ROBE est à LUI) et qu’elle me serait trop grande.

Thèse, synthèse, et foutaises avancées, me voilà sur les traces de mon lapin. Premier soucis. Je sais pas où qu’il est mon lapin. Peut être que si je crie fort, et qu’il me répond en criant fort, je pourrai suivre le son de sa voix.

Liolioth bordel j’me suis paumée!!!

Raaaaah ! mais qu’est ce qu’elle fout? C’est bien les bonnes femmes ça, même en modèle réduit elles sont toujours à la bourre.

Quand est-ce qu’elle va se décider à arriver ? Je m’emmerde moi… j’ai plus de bières, et l’effet des précédentes a disparu depuis un bon moment. Je m’emmerde tellement que j’ai commencé à dresser une grenouille.

C’est sympa une grenouille en fait. On s’en rend pas vraiment compte quand on laisse les guerriers faire mumuse avec en leur arrachant la tête à grands coups d’épée. Carrément plus causant et réactif qu’un baveux. Plus propre aussi.

Je m’ennuyais, elle s’ennuyait, on a sympathisé. Simple comme bonjour, mais début d’une grande amitié. Rigolez pas, ça vaut bien un crétin de chat.

J’lui ai appris quelques tours. «"Donne la papalme ", "fait la belle", "triple saut périlleux arrière vrillé "… elle est super douée. On a beaucoup discuté aussi.. ho, pas une discussion normale, un "croaa " pour oui, deux pour non, et un coup de palme quand je sors trop de conneries.
J’suis pas un expert en langue batracienne, mais y a pas de raison que j’arrive pas à la maîtriser un de ces jours, je désespère pas … j’ai bien réussi à comprendre les puants….

C’est une femelle, je crois, adorable comme tout, de grands yeux verts globuleux et vifs, une jolie peau kaki, régulièrement entretenue par un mélange de bain de boue et de crème de nénuphars… recette de grande-grenouille, l’équivalent de nos grand-mamans. Apparemment elle a perdu le reste de sa famille, massacrée par un abruti d’archer. C’est toujours idiot un archer, on est parfaitement d’accord sur ce point.

J’lui ai aussi appris "attaque". Ca peut paraître étrange, mais ça pourrait être utile… surtout face à la dryade narcoleptique à la bourre. Parce qu’on est bien d’accord, avec ma force de frappe de vixencre asthmatique, j’suis pas prêt d’y arriver tout seul…

"Liolioth bordel j’me suis paumée!!! "

Ha ! Quand je parlais de voix criarde tout à l’heure…

" Allez viens Bernadette, on va voir la Luciolle… "

Haaaa ! Regardez la sautiller de joie. Elle est vraiment trop choupy ma Berny. Faudra que je lui trouve une p'tite mare pour la ramener à la maison...


CroooOOOOOaa !

Oui oui, on y va, on y va….

Je crois que j’arrive à Bomport. Pendant longtemps, j’ai demandé aux gens où c’était, Bomport, parce qu’ils avaient l’air si contents d’y arriver que moi aussi je voulais y aller. Et vu leur réponse, j’avais encore plus envie. Parce qu’ils me répondaient tous « ben, c’est où tu veux aller! ». Avec une réponse aussi mystérieuse, c’était évident que cet endroit était si chouette qu’ils ne voulaient pas dire où il se trouve. Il fallait que je sache, alors j’ai cherché. Puis un jour, grosse déception, j’ai appris qu’il ne s’agissait pas d’un endroit, mais d’une expression. Donc du coup, à chaque fois que je vais quelque part, je dis que je vais à Bomport. C’est ma façon à moi de détourner mon immense désillusion.

C’est lui, là, droit devant. Il avance avec grâce, dans sa si jolie robe. Tout se passe au ralenti, les oiseaux viennent danser avec ses bras qui se balancent avec légèreté dans les airs. Les arbres écartent leurs branches sur son passage, pour que le soleil le fasse briller. Il m’éblouit, je suis obligée de protéger mes yeux de la main. Il est si parfait que NevSina, ma préférée, vient me taquiner le bout du nez pour me demander de partir avec lui. Non pas elle… Pas…

Effectivement, NevSina est sur le bout de mon nez. Mais elle ne me parle pas. Elle ne sait pas parler. Par contre, elle sait me piquer, ça je lui ai appris. Et heureusement. Parce que sinon, allez savoir combien de temps je serai restée là, endormie, accrochée à une branche par mon string (pourquoi croyez-vous que je me ballade en string? C’est pour ma sécurité, et oui !), à faire ce cauchemar terrible de Liolioth qui commençait à se déshabiller et à me faire des avances que je ne peux divulguer sous peine de nouvelle crise narcoleptique.

L’air de rien, je me détache, et reprends mon vol pour aller à sa rencontre. Mais que vois-je? Il a une grenouille qui le suit, en faisant des pirouettes, des pas de valses, et autres prouesses artistiques! Nev! Pique moi je rêve encore. Non, tout cela est réel. C’est, c’est…

Liolioth ! Elle est trop géniale ta grenouille! Dis, tu veux pas qu’on lui apprenne à jongler avec mes puces?