Retour au bercail

Cours, cours, vite, cours ! La porte n'est peut-être pas encore tout à fait fermée...Il reste sûrement encore un peu de place, un entrebâillement entre le mur et elle, et je me glisserai dedans ! Enfin !

Enfin, de retour à la maison ! Plus besoin de taper sur de pauvres et moins pauvres bestioles pour survivre, du confort, de l'amour, de la tranquilité !!! Je suis si pressée de revoir leurs visages, je me suis cassé la figure une ou deux fois, mais qu'importe, mes jambes avaient autant hâte que moi de rentrer au bercail.

N'empêche, ça m'a fait tout drôle de revenir dans ces terres bizarres...Avec toutes ces personnes qui te demandent de te rapporter ceci ou cela, de sauver Machin, de tuer Machine...D'autant plus qu'ils m'ont déjà fait le coup la dernière fois. La gamine aux cheveux vert, là, je me souviens comme si c'était hier de la première fois où elle m'a supplié de rapporter quelques ingrédients nécessaires prélevés sur la faune de ce Domaine Perdu, comme les gens aiment à l'appeler...pour pouvoir sauver son grand-père qui devait mourir. Et il a bien tenu, le pépère. Parce que là, deux fois qu'elle me fait le coup, la p'tite fille.

Il y a aussi ce vieux fou, qui traîne toujours la grolle du côté du lac au Sud du Domaine...Elfiro, qu'il s'appelait jadis...Maintenant, la population s'est surdéveloppé, et pas qu'avec des Oreiles Pointues, non, y'a aussi des centaures, des gens à la peau verte, des gens plus poilus que la moyenne, le museau félin...Bref, le vieux, là, Persiflon, qu'il s'appelle, un croûton en toge marron bouse, il m'a fait comprendre une fois de plus qu'il fallait que je lui rapporte le scalp d'un bison tout gris et bien féroce qu'il affirmait être UNIQUE, en un seul exemplaire, mesdames messieurs, sauf que l'UNIQUE bison solitaire, je l'ai déjà tué la dernière fois. Que d'l'arnaque, moi j'vous l'dis.

Mais maintenant, je suis là, enfin délivrée de ces fichues terres d'où j'étais enfermée, ces terres qui ont ramolli mon bras, tenez, par exemple, ce bison gris dont je parlai, je vous l'aurai aligné en un coup, avant...Là, j'ai dû y sacrifier la moitié de ma réserve de potions curatives, et deux où trois fois, j'ai bien failli finir empalée sur les cornes pourissantes de cette abomination de vache dégénérée.

Je cours, comme je n'ai jamais couru, le sourire aux lèvres, je retrace le chemin que j'ai fait en courant, il y a assez longtemps, sauf que à cette époque, j'avais du sang sur les mains...Maintenant, ça, c'est fini. Attendez-moi, attendez-moi, ne partez pas, pas encore ! Si vous devez le faire, alors je vous accompagnerai jusque dans la tombe, je vous en prie, attendez-moi, ne partez pas...

Les taches floutées des Montagnes Bleues, familières, apparaissent au loin et font bondir mon coeur. Puis, plus distinctement, c'est la vaste étendue verte de la forêt des Murmures qui entre dans mon champ de vision. Mon coeur a doublé de volume, il bat à tout rompre, dans ma gorge, je sens son fourmillement jusqu'au bout de mes doigts de pieds, une nouvelle énergie qui court de mes veines, oh, attendez-moi, je vous en prie, j'y suis presque, je vous vois presque...presque...

Ouais.
J'y suis.
Je suis sur le point de hurler de joie, alors que je foule à nouveau le sol de terre boueuse qui tapisse les bois aux arbres tordus et noueux qui entourent la ville. Je vais crier. En fait, oui, je crie...Pas pu m'en empêcher. C'était quelque chose comme " Je suis là ! " , ou bien, " Ouvrez les portes ! " ou peut-être même simplement un cri de joie triomphante, à la limite, ce cri, c'était peut-être le nom de ce clan que j'aime, hurlé et amplifié en une explosion de bonheur...

Je bondis jusqu'à la porte.
J'y suis...Ohlala...Oui ! J'y suis !
Ouvrez...Ouvrez...Ouvrez...
Vite, mais viiiiite ! Qu'attendez-vous ? Vous m'avez...vous m'avez...

Vous m'avez...

Vous m'avez quand même pas...oubliée ?
Hein ? Dites-moi que non, dites-moi que vous allez venir m'ouvrir...Moi j'attends là, même si l'envie de pousser la porte et de hurler dans les Faubourgs me brûle les tripes...

Chez moi...Je suis chez moi...