Un oeil vert

Une larme est accrochée au coin de son oeil vert. J'essaye de la chasser, mais elle revient, la mégère, inlassablement, elle revient. Je l'essuie du bout du doigt, elle revient. Je l'assèche d'un souffle, elle revient. Je la mords, elle revient. Toujours. Il ne peux s'arrêter de pleurer, mon beau aux yeux verts. Et il tremble. C'est si dommage...Ses larmes altèrent tant son visage éperdu, et tracent la moue caractéristique du petit enfant égaré, au crayon grossier, large, sur ses traits qui ne sont pas fait pour la tristesse...

Pauvre homme aux yeux verts qui pleure doucement dans mes bras, comme un bébé pleurerait dans les bras de sa mère ! Pauvre petit bonhomme d'apparence si solide, si rieur, que la vie a tourmenté au point d'avoir parcheminé ses joues blafardes de perles salées ! Et comme je m'en veux...

Mon doux aux yeux verts, laisse-toi aller dans mes bras minces, laisse les sanglots te secouer, je ne saurai quel conseil de plus te prodiguer, je suis désolée, mais pleure, pleure dans mes bras pendant que je fixe d'un regard embué le plafond décrépi au-dessus de moi...Je n'ose baisser le regard, je n'ose croiser ton regard vert empli de larmes, ces yeux, ceux que je connaissent ne sont pas fait pour pleurer, je ne pourrai affronter cette vue...

Viens, viens, endors-toi, je m'occupe de tout, laisse-moi te soigner, laisse-moi panser tes blessures les plus profondes et appliquer du baume sur les plus secrètes, laisse-moi te bercer au creux de mes bras comme un tout petit enfant, laisse-moi caresser tes cheveux d'une main tendre et protectrice, laisse-moi prendre soin de toi et laisse-moi le bonheur de voir la première ton visage lorsque tu te réveilleras, heureux et apaisé, après t'être vidé de toutes ces peines futiles...

Laisse mes doigts voleter de part et d'autres de ton dos, sentir les cicatrices qui lacèrent encore ta chair sous le tissu fin de ta chemise, me dégoûter de cette injustice qui t'a frappée, à grand coups de fouet, lors de ta petite enfance...Laisse-moi je t'en prie, l'honneur d'aspirer le venin qui suinte de ces blessures depuis longtemps refermées en apparence, et qui font couler des larmes amères sur ton visage d'enfant torturé...

Garde les paupières closes, mon beau aux yeux verts, et laisse-moi commencer et achever mon oeuvre. Je veux t'exorciser de ce mal qui te ronge, je vais te soigner, je vais te libérer, sur ma vie, je le ferai, sur ma vie, sur et pour ma vie, pour ta vie, la notre, la tienne, sur terre, et la mienne, dans les étoiles mais le coeur dans tes yeux verts...

Que mes mains se posent sur ces cicatrices odieuses ! Qu'elles aspirent le poison qui en découle ! Je t'aiderai, tu m'entends, ami aux yeux verts, je t'aiderai comme je t'aimerai, tant qu'il me restera une goutte de vie, tant qu'il te restera une goutte de venin...Je boirai ce maudit nectar, ce fiel, à même tes cicatrices et par le bout de mes doigts, je te libèrerai de ce mal, je le prendrai pour moi et me chargerai de tes peines, en échange de ta joie, en échange de ton bonheur, ma vie, est-ce un bon paiement ? Je me sacrifie...

Et plus j'aspire ton venin destructeur, plus tes larmes se tarissent, et plus ma vie me quitte, et plus je suis heureuse de t'apporter la paix...J'y suis presque, la tête me tourne. Réveille-toi...Regarde-moi...Tes bras m'enserrent, tes lèvres supplient des mots que je refuse d'entendre. Tant pis. Je veux voir tes yeux, tes beaux yeux verts, si magiques...Je les veux pour moi toute seule...Regarde-moi...Ne pleure plus et sois heureux, petit prince, petit roi, regarde-moi, regarde-moi, regarde-moi...

Regarde-moi...


( une grosse vague d'inspiration et un mercredi soir, ça donne ça ! )