Bagarre à la taverne

La soirée avait pourtant bien commencé...
J'avais entendu dire qu'un barde célèbre avait fait escale dans la ville. En auditrice captivée, je m'étais rendue à la taverne le soir tombé. Une bière mousseuse à la main, assise à une table, j'attendais que ledit barde se montre, la taverne étant le point de chute de n'importe quel étranger arrivant à la ville. Donc, j'attendais l'apparition de ce fameux barde aux complaintes si douces, sirotant ma bière d'un air évasif...
Je jetais de fréquents coups d'oeil un peu impatients à la porte qui s'ouvrait sans cesse sur de petits groupes d'autochtones ou d'étrangers. Peu à peu, la gargotte se remplit, sans qu'on aperçoive l'ombre de l'instrument d'un barde.

Deux heures de plaisanteries, rencontres fugitives, sourires échangés, coups d'oeil exaspérés et paroles en l'air plus tard, je me fis une raison : je ne profiterais pas de la voix du barde ce soir...Je terminai ma chope, l'abandonnait sur la table en la compagnie passionnante de deux pièces d'or. Mais comme les évènements les plus croustillants arrivent souvent aux moments les plus ennuyeux, j'entendis des vociférations venant de l'étage supérieur. Levant une paire d'yeux curieux, j'eus tout juste le temps d'apercevoir un grand corps vêtu de noir tomber en gesticulant par-dessus la balustrade où l'on voyait des demoiselles ac coudées, dominant l'étage inférieur où s'étalaient les tables.

Je plongeais à terre, évitant le tas de muscles précipité par-dessus la balustrade, renversant malencontreusement un tabouret. L'hôte de ce tabouret fut projeté cul par dessus tête, et se ramassa l'homme en noir sur l'échine. Le pauvre homme un peu aplati rejeta sa charge non consentante sur une table voisine, qui renversa la bouteille de vin d'un pochtron qui répliqua immédiatemment avec force jurons et coups de poings. Une bagarre monstre commença. La sortie était tout prêt, je pouvais sortir sans dégâts, mais je decidais finalement de me jeter dans la bataille.
Avec un sourire carnassier, je plongeais au milieu de l'attroupement qui grossissait peu à peu, évitant souplement les coups qui pleuvaient. J'attrappais un poignet gros comme un jambon qui se balançait vers moi, en, l'entraînant dans son élan, puis accompagnait le tout d'un fauchage aux niveau des jambes. Le gros s'étala sur un petit groupe devant moi. Striiiiike !!!! Rigolant, je me baissais pour éviter un poing, cognais, mordais, griffais, enchaînait les coups de talons et de poings, je m'amusais comme une folle, me mangeant de temps à autre des coups mais m'arrangeant toujours pour venger la partie qui avait été malmenée.

Je me sentis violemment poussée. Je m'écrasais gracieusement contre une table, me baissais pour éviter la charge d'un freluquet nerveux, mon pied décrivis une courbe, cogna une tempe, mon coude s'écrasa dans une figure, puis revint à l'assaut...pour s'arrêter à quelques centimètres du nez d'un Danahel à l'air un peu assomé !

pourquoi faut il que cela dégénére toujours en bataille ?
Une bouteille s'explosa a quelques centimétre de ma tête, éclaboussant ma table d'un liquide violassé.

Un gros, moche et plein de puce s'écroule sur ma table...
Je soupire, attrape son col plein de vin et d'un mouvement violent lui ecrase le nez d'un coup de poing. Je peux entendre le craquement de son cartilage... Ca dois faire mal.

Je le laisse tomber par terre pour m'occuper d'un autre cas. Un nain un peu trop sûr de lui.

Il vocifére quelque chose, mais je n'entend pas, occuper à lui enfoncer de la mie de pain dans la bouche pour le calmer. Nouvelle protestation, qui donna quelque chose comme "murpherfmerphhhh"....

Je suis sur le point de lui faire ravaler ses paroles quand un violent coup de coude m'interrompt.

J'attrape le coude, envois la personne dans les airs et lui saute dessus. Manque de chance, cette fameuse personne est apparement plus rapide et plus agile que moi : elle se baisse au dernier moment et son pied me frappe à la tempe.
Vu la position de son corps, comment a elle pu faire cela ? Pas humain, ca ! Nouveau coup de coude de sa pars, puis visage familier...
- Alqua ?

D'une main, j'essuya d'un revers le sang qui perlais sur mon visage...
- Et bien... T'est violente ce soir.... .... Attention ! La table !!

Voilà bien longtemps que je ne suis pas revenue en ces lieux qui pourtant de loin ont bercés mon enfance.
Je les revois tous dans mes souvenirs, entrer un par un dans la taverne, aussi sages que dégentés, en quête d'une bonne cause à défendre, ou simplement écouter ragoter en se délectant de sinistres brevages enivrants.
Jamais une fin de soirée ici ne ressemblait à une autre, mais c'est toujours avec le sourire que nous sortions d'ici, pour rentrer dans notre respectable campement, ou tout simplement s'écrouler à coté de la porte au bord du coma itilique.

J'ouvre méfiemment la porte, car je sais de quelles espèces de personnages regorge ce lieux.

Mes craintes fondées par une table qui s'écrase contre le mur à moins d'un mètre de moi, je décide de rapidement la refermer, comme si je craignais que l'hystérie collective regnant ici ne se sauve et n'aille envahir ces terres.

Je regarde autour de moi. Je reconnais deux amis, Ithryn Luin également mais que jusqu'ici je n'ai jamais cherché à connaitre d'avantage.
Ils se débattent encore, entourés de débris de bois, tandis que l'effervescence gagne chaque recoin de la taverne.

J'hésite! Indécise, je n'ai pas changé.
J'ignorerais volontier tout ce chahut pour querir le tavernier et lui demander ce somptueux et rare jus de pêche qu'il servait autrefois aux rares bonnes gens qui ne souhaitais pas s'imbiber d'alcool.
Je lancerais également volontier un sort à cette foule pour calmer et nettoyer tout ça et dissiper l'air malsaint qu'il y règne.

Finalement, je tourne la tête vers ces deux fêtards, dans une situation typiquement Ithrynienne, et leur lance déprimée

- Il se passe quoi ici ? ... je peux être utile ?

Tiens ça bastonne !
Enfin du spectacle, ici ça meurt depuis trop longtemps pour ne pas apprécier les coups de basse cour et les bouteilles cassées.

Je pointe mon petit cul blanc dans ce bouge et je grimpe sur le comptoir. D’ici, je vois tout et je jète ce que je veux. D’ailleurs, je chope une bouteille et la balance au travers de la salle.

HI HAAAAAAAAAAAAAAA

La poutre est repeinte couleur vinasse.
C’est toujours mieux que les toiles d’araignée et ça à la plaisir de la bonne odeur et si elle est de piquette, quelle importance, j’en connais qui lècheront la poutre même séchée d’un mois.

J’en saisie une autre et hop ! Le mur du fond cabossé à la sauce aigreur, de vin de mauvaise qualité pour un mur froid et au bois usé.

Encore une, mais que vais-je viser cette fois-ci..
Chimeric ? Hum, l’idée est séduisante, mais ça pourrait blesser son joli front. Mauvaise idée donc et mon choix se porte vers… un matou encapuchonné…

Mais je le reconnais ! Vegas ! Capitaine Vegas InLove !

Alors toi, je vais pas te louper…
Je saute, pieds joints sur le zinc du comptoir, je prends mon élan et je vise le sommet du crâne, là où ça fait ding et des bosses !

HI HAAAAAAAAAAAAAAA

POC…

Oups… peut-être un peu trop pleine la bouteille… je crois que j’ai tué le chat.

Aaaaaah, cette taverne, le bon temps, la ripaille, le chapardage, le rire et la chair fraîche.. Depuis que je ne suis plus un fantôme - quoi ? Oui j'ai été vivant, puis mort, puis spectre, puis à nouveau vivant, et je vous merde - je ne rêvais que d'une chose, aller m'y déguster un bon rhum arrangé aux fines herbes et à la liqueur de réglisse...

derrière ça gueule, comme antan, ça fait voler les chaises, tout ça, aaah, quelle chaleureuse atmosphère de franche camaraderie... tiens quand je serai bourré j'irai faire les poches de tout ce petit monde, comme dans le temps..

*POC*

Hein ?
Beuh... Pourquoi que mon rhum a soudain un foutu goût de poussière et de semelle, et pourquoi que j'ai déjà la migrainz, oh ? Y'a p't'être le droit d'être îvre avant d'avoir la gueule de bois non mais dites ??
ah !
Je réalise, je lèche le sol, affalé, comme ça, pof. à côté de ma tête, l'objet du délit, un projectile...

NOM DE NOM DE NOM DE NOM D'UNE FOUTUE GAGNEUSE À MOUSTACHES !!! Z'ALLEZ VOIR QUE J'AI D'BEAUX RESTES !!!
Au fond, là.. c'est lui le coupable, je le sais, petit sprint, petit bond, virevolté, hop hop hop, deux pieds dans le piano à queue qui file à fond les roulettes vers le pauvre type... Hé hé hé, ça sent la toile de maître cette affaire.. Oh ? tiens c'est Sin le centaure hé.. Juste le temps de le saluer avant le choc fatidique.. Bon, et ce rhum alors ?

Pétrifiée, là. Scotchée, désemparée, médusée, horrifiée, et toute la liste de synonymes correspondants.
Oh, Dana, j’te jure, j’ai pas fait exprès, je t’avais pas vu, quelle idée, aussi, de se planquer comme ça dans la foule…T’aurai pu venir me voir, on se serait amusés à taper sur les gens, pourquoi pas dans un concours de têtes assommées…Mais non, toi t’es resté là à me laisser te mettre des gnons dans la figure !!! Rhoo la la t’aurais pu protester, faire quelque chose !
Frisson quand je vois la jolie ecchymose assortie à mes cheveux qui s’étale sur sa tempe. Ah ouais, son arcade gauche est quand même bien explosée…Et là c’est fou mais je parviens à être fière de moi et à penser « bien visé » !! Rhââââ mais tais-toi sale gueuse, et vois ce que tu peux faire pour Dana.
Au même moment, une table s’écrase dans un joli bruit d’apocalypse à ma droite, et c’est le cri de Danahel qui m’en prévient. Réflexe stupide. Je m’aplatis au sol. Et crac, le nez. Dudjuü, ça à l’air plutôt moche quand je me redresse pour le tâter…Pas de sang, il a pas l’air cassé. Mais quand même bien amoché, ça fait un mal de chien quand j’appuie dessus, et demain matin, j’aurai l’arête nasale de la même couleur que mes yeux. Bleus. Quelle artiste…

Bon. Traînons d’abord Dana en dehors de la zone de combat. Mais je ne fais jamais rien à moitié. L’occasion est trop belle, je saisis une bouteille de la main d’une pochtron et lui écrase sur la tête. Allez, continuons notre route vers le couvert du comptoir, où nous sommes soudain accostés par une jeune femme qui nous propose son aide. Déjà vu cette tête là quelque part, moi…

- Oh, je crois que si vous avez un don pour réparer les arcades et les tempes amochées, mon ami vous devra une reconnaissance éternelle ! Heu…Au fait, excuse-moi vieux, j’te jure, je t’avais pas reconnu…C’est vrai…Ce…Ca va ?

Dehors, la bagarre fait rage. J’ai envie de retourner me jeter dedans, ça me démange. J’ai envie de taper sur Dana, mais ce serait déloyal. J’entends des cris, des voix que je connais. J’ai envie de sauter au milieu de tout ce beau monde, et me mettre à tailler dans le tas…Je trépigne littéralement, même si mon nez semble pulser de douleur au milieu de mon visage…Sourire carnassier…Mes doigts griffent le sol d’impatience…

La demoiselle me répond de façon désinvolte il me semble. Ce n'est peut-être qu'une très mauvaise interprétation, mais c'est ce que je crois à l'instant.
Faire croire qu'on se soucie de son prochain, et pourtant... je le ressens bien, elle ne souhaite pas manquer de lui tapper dessus!
Paradoxe? Pourquoi m'en soucier!
Son ami le bougre est bien amoché en effet, ... mais je le plaindrais plus tard.

- Mage Bleue ??! Pardieu, mais oui que je sais soigner !!!...
Pour qui me prenez-vous!

Mauvais reflexes, j'en ai pourtant bien envie, de lancer un sort de-ci de-là, jouer avec tout et tout le monde à distance, sans me salir les mains, sans m'approcher de ce liquide, ce brevage, plus ignoble encore que le sang, et qui se répand tout à coup comme peste dans les villages malade et mourant.

Je détourne la tête, juste le temps de croiser au retour, le regard d'Arlequin qui se pose à présent sur le chaton, avec lequel, j'ai encore de très vieux comptes à régler.

- Le cuistre !! Il ne veux pas jouer avec moi!

Certes, j'ai mes principes, mais là, il me vexe!
Sachant très bien que je n'ai aucune chance d'avoir le dessus sur lui, je me le reserve pour un moment où il sera fatigué, épuisé de ces exploits burelesque.

- Ben tu vas prendre cher mon chaton !

Je m'élance vers le matou qui me venge déjà. De par derrière, j'entoure son cou de mon bras droit, et de ma main gauche, je tente de lui chatouiller les cotelettes.

- Hum, quelle douce fourure !! Viens donc dans mes bras et laisses moi te faire un calin, petite peluche!

Et puis au passage je sais que ça en rendra un jaloux! Mais qu'importe, je sais ce que je vaux!

Ces lumières...les hallos dorés traversant les petites fenêtres scintillent dans la nuit froide qui m'entoure ; ce sont les premières traces de vie que je rencontre depuis bien longtemps.

Je franchis d'un pas alerte les derniers mètres me séparant de la civilisation. Le bourg ne m'est pas totalement inconnu, je sais d'après certains récits qu'il abrite une taverne et espère qu'elle m'offrira un semblant du confort que j'aspire à avoir, après tout ce temps d'errance sur des sentiers sans noms.

Les bottes de cuir épais, usées par le temps ; un lourd manteau sombre, autrefois richement orné, mais à présent taché et poussiéreux ; la capuche cachant dans l'ombre mon visage aux regards trop curieux...je devais offrir un étrange spectacle, planté ainsi devant la porte basse de la taverne. Je m'apprette à entrer mais quelque chose me retient, pas une vraie crainte, mais cette petite pointe d'apréhension qui s'impose à moi, comme il en a toujours été lorsque je me trouvais confronté à l'inconnu. Irrité contre moi-même par cette attitude que je m'efforce en permanence de surmonter, mais aussi poussé par le désir d'écouter à nouveau des voix humaines, je me décide brusquement et entre.

Accueilli par un scène de bagarre pour le moins saisissante, je ne perds pas de temps et me faufille le plus directement possible, chose peu aisée au vu des débris et corps affalés en travers du chemin, vers un coin sombre de la pièce, et m'accoude à l'une des dernières tables encore entière.
Conscient que je finirai par être remarqué tôt ou tard, je profite de ces instants pour observer la rixe d'un oeil amusé.

En attendant, résumons... motif de ma visite? Ah oui, le confort ; et bien il faudra se résigner. Mais ne nous plaignons pas et profitons car il semblerait que cette joyeuse bande de déjantés offre un spectacle plus que compensatoire !

Je ne sais plus depuis combien de temps j'erre dans ses montagnes, j'ai perdu la notion du temps. Ce que je sais c'est que je ne serais jamais assez loin pour leur échapper. Leur pestilence est partout. Sur mes vêtements en lambeaux, sur ma peau, dans ma chair. Je frissonne rien que d'y repenser ou alors c'est de marcher pieds nus dans la neige… Qui sait ?

…

Froid ...

Faim ...

Fatiguée…

Oui je suis fatiguée, fatiguée de marcher, fatiguée d’avoir froid, fatiguée d’avoir faim, fatiguée d’avoir peur au moindre bruit, fatiguée de m’arracher les pieds sur ces cailloux tranchants et fatiguée d’être fatiguée. C’est un cercle vicieux mais s’arrêter, se reposer, c’est mourir et je tiens encore à ma vie, pas pour être heureuse, ça je sais que c’est trop tard… Mais pour reprendre des forces, me refaire un stock de la parfaite petite empoisonneuse, retrouver ces porcs et leur faire payer cette année entière qu’ils m’ont prise ! Oui me venger c’est ça qui me fait tenir depuis que je leur ai échappé. C’est pour ça que de l’air circule encore dans mes poumons et je ne laisserais pas mon dernier souffle s’échapper avant que je n’y sois arrivée.

…

Un chemin…

Une route…

De la lumière…

Sauvée ? Oui peut être bien mais restons prudente. Je m’avance dans les rues, les commerces sont fermés, les volets des maisons clos, la nuit est déjà bien entamée mais la taverne éclaire encore la rue de ses lanternes. Pas un sou en poche et complètement dépenaillée je crains l’accueil…

J’ouvre la porte et m’écarte juste à temps pour laisser passer un client volant par l’entrebâillement. Une bagarre, je m’attendais pas à ça mais ça peut faire mes affaires. Je me dirige vers le pauvre homme inconscient dans le caniveau. Désolée mon vieux mais j’en ai plus besoin que toi ! Je prends sa bourse moyennement bien remplie et rentre dans la taverne.

Quel capharnaüm ! Y’a pas que les clients qui volent, les tables les chaises et les bouteilles aussi à ce qu’on dirait. Je distingue le gros de la mêlée et m’en écarte lentement mais sûrement pour me retrouver non loin du comptoir près d’un groupe qui semble avoir échappé depuis peu à la cohue à en juger par certaines tâches sombres qui apparaissent déjà sur leurs visages… Vu mon état, je passerais facilement pour quelqu’un qui sort aussi de la rixe.

Quelle soirée !