Je suis née de la terre. J’ai attendu, attendu si longtemps que mes molécules croissent et embellissent.
Ah, que j’étais belle, brillante de mille feux. Protégée dans ma géode, je ne pouvais m’attendre à une telle agression.
Un pillard ! un assassin sans scrupule, avide de richesses, il brisa mon lit ainsi que certaines de mes sœurs
trop proches de sa pioche. Salie de terre, arrachée à ma mère il me mit dans un sac puant la charogne.
Je passais de mains en mains toujours pour quelques pièces en or. Moi, échangée contre du métal, quelle honte !
Ces êtres qui pourrissent dès leur naissance ne peuvent savoir ce qu’ils font. Comment en serrait-il autrement
alors que leur cerveau se liquéfie à chaque secondes ?
Un jour, on me sortie de ma prison afin de juger ma pureté. Un acquéreur, il me prit dans sa main et m’exposa
à la lumière du jour. Enfin un qui ose m’affronté me dis-je. Vindicative, je rosie furieusement et lui envoyai
un rayon de lumière plein oeil. « prends ça malotru! » Malheureuse, qu’avais-je donc fait là ! Sans commentaire inutile
on me vendit ( à bon prix) à mon dernier maître. Quelque fois les pierres peuvent être aussi sottes que des jeunes humaines.
Cet homme était un puissant prêtre, se targuant de laver les hommes de tous pêchés. Il me sertit sur un long
bout de bois impropre à ma condition et me bénit. Ainsi commença mon travail. Le prêtre commençait à prier,
un étranger s’agenouillait on me posait sur son front crasseux et… bon sang si j’avais pu m’attendre à ça.
Comment vous l’expliquer ?
Mon premier repas était un assassin. Tout jeune, il avait commencé sa besogne sur des lapins, des chatons
et autres petits animaux. Les hommes de sa contrée se sont vite aperçus de sa cruauté et le prenant pour fou,
ils l’expulsèrent de leur village. Il erra longtemps ne tuant que pour vivre des recettes de ses dépouilles.
Devenu adulte il travailla à son compte mais aussi pour quelques clients fortunés désirant spolier des places
sur l’héritage leurs grands oncles. Il devient si riche et si puissant qu’il put acheter comptant titres et seigneuries.
Toute sa vie fut filtrée en moi, sa noirceur me nourrit, accrut ma puissance. Quel sensation ! je vibrais de toute
mon âme mais jamais je ne pus assouvir ma faim. Plus mon maître me nourrissait plus j’en désirais encore.
Au bout d’un certain temps ma puissance fut assez forte pour créer un lien télépathique avec mon maître.
Oh pas assez fort pour qu’il me comprenne clairement mais suffisamment pour le pousser à quitter son église pour
« purifier » son prochain. Petit à petit le maître devient esclave, petite coque fragile trop fragile
pour m’y installer à mon aise. Il me fallait prendre forme humaine mais cela demanderait beaucoup d’énergies.
Je prenais aussi le risque de me briser et de tout perdre. Que se passerait-il si mon maître venait à mourir ?
il se faisait vieux et je ne voulais pas courir le risque de finir dans un coffre à bijoux d’un quelconque château ou pire
finir sur le doigt d’une galante. Non ! il me fallait agir et vite. J’entendis parler d’un être démoniaque et cupide.
Le client idéal ! Mon maître trépasserait de cet ouvrage mais cela m’éviterait de m’en occuper moi même.
Après tout il avait bien essayé de me soumettre, il devait le payer.
Mon gibier ne se laissa pas attraper comme ça. J’ai du contraindre mon prêtre à utiliser son influence
pour lever une armée de preux chevaliers. Les morts furent nombreux dans les deux camps,
j’en profitais pour me sustenter pendant l’extrême-onction des nôtres mais rien de bien copieux,
des amoureux trahis, quelques ragots ou petites omissions, c’était même plutôt écœurant.
Enfin « l’ennemi » fut affaibli suffisamment pour nous permettre de rentrer et d’acculer mon vicieux dans sa chambre.
Le repas fut pantagruélique. Je le vidai comme on vide un cochon. mon pouvoir m’irradiait tout en me consumant.
Il fallait agir et vite ! Je formais ma future enveloppe pensant à ses os, son sang, sa chair et organes.
J’y coulais mon esprit le réchauffant et insufflant la vie grâce à mon énergie. L’effort était si important
qu’une fois fini mon ancien corps explosa tuant tous ceux qui étaient à sa porté, y compris mon maître.
Mon apparence était enfin humaine mais l’expérience me laissa à moitié vidée. Ce corps était faible et il me restait très peu de pouvoir.
Bientôt la faim devrait m’assaillir à nouveau...