Année 3054. Aase

1026° étage de l'immeuble Albena Palazio dans la capitale de Aase.
La grande ville de Calpiode, capitale des capitales étend ses bâtiments miroitants sous un magnifique ciel bleu qui laisse apparaître les cinq satellites de la planète.
Un ciel sans un seul nuage qui ne laisse aucunement présager de l'orage qui se prépare sur terre...

Nej admire le ciel, profitant de cet instant de calme avant que cela ne commence.
Elle observe les mini-mondes qui ornent sa chambre et tout son appartement ultra-protégé du 1026° étage, des minis écosystèmes utopiques disposés entre ses trophées, armes et instruments de protection.
Un étage rien qu'à elle, dans le plus bel immeuble. Signe de richesse et de pouvoir.

Elle serre ses mains l'une dans l'autre, les faisant tourner sur elles-même et les fermant jusqu'à se faire mal, un geste à la fois plein de rage et d'angoisse, un geste représentatif de toute la folie qui s'empare de son être.
Elle, Nej, surnommée la paranoïde, la psychotic, la sanguinolante... et pire encore, serait bientôt la numéro 2.
Dans quelques instants, ils viendraient la chercher pour prendre le pouvoir, et c'en serait fini de cette république complètement bloquée et qui ne fonctionne plus.
Et elle, elle serait la deuxième personne la plus importante de la planète, la vice...
Elle assurerait sa protection, s'occuperait de la corruption et de l'espionnage comme elle avait déjà commencé à le faire.

Elle revêt maintenant ses vêtements et armures dernières technologies, avale de nombreuses substances protectrices et anti-poisons.
Elle se prépare, se fait belle, comme il lui avait demandé... « Fait en sorte de paraître plus normal, moins effrayante s'il te plait ! ».
Bientôt le « nouveau gouvernement » arriverait à son appartement pour une dernière réunion, puis ils partiront tous ensemble vers le parlement...

Et s'il échoue, je disparaitrais...

Il aurait du se coucher plus tôt, mais comme chaque soir, il a filé dans le premier troquet puant et aussi sale que la flotte qui tombe sans arrêt sur la cité d’ Aase. Faut dire que depuis la dernière invasion des droïdes de la flotte subpériale, c’est pas les jour heureux pour l’intégrité des systèmes écologiques, la santé du coin est plutôt du genre peste bubonique que paradis au ciel bleu et en porte jarretelles sous le nuage.
Comme tous les soirs, il a bu, ivre et au fond du bouge, il a vidé sa tournée plus qu’hier et s’est pas contenté de reluquer les cuisses des dindes qui trônaient leur derrière sur les tabourets.

Au réveil, c’est mal de crane assuré, aspro triple dose, et oreiller sur la tête. Pour sur, si la sonnerie déclenche, il va encore péter un truc dans l’appartement taudis qu’il occupe. Pas le sien, un emprunt, un gage gagné sur une affaire pas nette, d’ailleurs rien n’est net ici.
Plus rien depuis longtemps, plus rien ne brille, sauf la ferraille de son laser. Pas le dernier cri, non, de la vieille carrosserie désuète diront certains. Lui, il dit que ça dégomme une oreille à deux cent mètres, et ça lui suffit.

Ce matin, il a la gueule de bois, la langue pâteuse et l’haleine d’un cheval qu’il ravale avec un sirop anti-tartre.
Haleine retapée, il se remet la coiffure comme il faut malgré le trait un peu raide, ce matin le réveil est dur.
Un passage du plat de la main sur le haut du crane pour redresser le cheveu. Pour les balafres et les cicatrices, on dira « remis à plus tard ».

Il est temps, temps de rejoindre les factions du gouvernement. C’est son job, assurer le bien-être de ces gens bien mis malgré la pourriture qui ronge chacun d’eux, mais c’est la règle, son boulot et ça nourrit, alors il prend le pli, il fait ce qu’on lui demande et s’il doit sortir son laser et dégarnir une tempe, c’est pas ce qui va déranger sa petite vie pépère. Non, il astiquera sa crosse et fera ce qu’il faut.

Les bruits du pass qui glisse dans l'appareil de reconnaissance et des machines qui s'affèrent à la reconnaissance de la pupille d'un, du doigt d'un autre retentissent.
Les rouages de la porte blindée s'enclenchent jusqu'à son ouverture.

Nej est prête, juste le temps de vérifier une dernière fois la position de ses armes : couteaux, dagues, mini katana, laser...
Une dizaine d'hommes politiques pénètre dans le salon, la porte se referme derrière eux, laissant apparaitre le temps de quelques secondes un escadron de soldats d'élites, richissimemment équipés.
Ils s'installent sur les fauteuils, un robot d'appartement leur sert un verre.
Il va falloir régler les derniers détails.
Nej les rejoins, le commandeur s'avance vers elle, dégage une mèche qui cache son visage farouche.
« J'apprécie l'effort »
Il lui sourit et l'emmène avec lui sur le sofa, calée sur ses genoux, son bras entourant sa hanche et caressant sa cuisse pendant qu'avec l'autre main il sirote son whisky.

- Tu ne prend rien ma belle ?
- Mai-tresse... dé-si-re... quel-que... cho-se... ?
- A part te cour-circuiter je ne vois rien.
- Bien... Mai-tresse
- Commandeur, si je dois vous sauver la vie, je préfère être sobre.

Son ton à lui est léger, joyeux, comme si cette journée était comme les autres, elle, elle est sèche, sombre, sarcastique.

- Commandeur, si vous permettez, nous avons assez rigolé maintenant, passons aux choses sérieuses.
Tout est normalement réglé, nous avons juste un point à faire sur les probabilités de réussites et la sécurité.

- Oui, tu as raison Trend. Sherian, tu as la parole

- Commandeur, votre côte de populariiité est au plus haut, le peuple vous a-doooo-re, depuis plusiiieurs jours déjà les écrans géants de la viiiille fonctionnent en propagande.
Et personne ne semble y prêter attentiiiion au parlement.
Aujooouuurd'hui paraît bien être le joouur i-dé-al, Commandeur. Le peuple a beeesoin d'un chef quiii le sorte de sa décrépiiiitude et de sa morosiiiité. Depuis que vous êtes la crimiiinalité est en chute liiiibre. Le peuple n'attend que ça, vous voir commandeur suprême.

Lui, c'est le genre voix grinçante, dégoulinante et insupportable comme la bave au coin de ses lèvres.
La criminalité est en chute libre, certes, mais elle reste extrêmement élevée.

- Lèche...

- Merci Sherian, je t'écoute Nej.

- Il y a 328 gardes au sein du parlement, la plupart font ce métier par défaut et sont donc facile à corrompre. 247 sont ainsi à notre service. J'ai du en tuer ou en faire tuer une quarantaine qui posait problème, ils ont été remplacé par vos soldats. 6 ont posé leur arrêt maladie. Il en reste 32. J'ai choisi de ne pas les contacter, car je savais qu'ils ne se laisseraient pas corrompre, je ne voulais pas prendre ce risque, la majorité sont d'anciens soldats ou chasseurs de primes, il faudra se méfier d'eux.

- Ils te faisaient trop peur ?

- On ne peut pas tuer tout le monde...
[...]
Quoi ? Ça te fait rire Sherian ? Une troisième remarque de ce genre et tu ne seras pas là pour voir la naissance du Commandeur suprême...
J'ai la liste des 32 à surveiller, certains ne vous seront pas inconnus vous verrez.
Pour finir, les gardes conjugués à nos soldats d'élites mettront la pression aux sénateurs, qui n'auront d'autres choix que de vous donner les pleins pouvoirs, même les plus réticents.

Alors, allons-y !
Nej toujours près de moi, s'il te plait.
Je veux aussi les noms des 32 pendant que nous avançons.

[...]
Le « nouveau gouvernement » comme ils se nomment entre eux se dirigent maintenant vers le parlement, situé juste à côté de l'Albena Palazio, le plus grand et le plus beau bâtiment de la ville. Quelques drones les accompagnent en plus des unités d'élites. Leur ambition crève les yeux désormais.

« Anieg, Asha, Breez, Crief, Draenei, Drinssed, Elenis, Farned, Fief, Filo, Grieg, Gynt, Helf, Ingram, Inormen, Kvaaked, Kevken, Latis, Lifaased, Luenois, Minded, Nametar, Pitossled, Ritonmed, Sassure, Sied, Syrine, Thierson, Tomin, Vaas, Vielamen, Wardig.
Nos meilleurs soldats veilleront à ce qu'ils ne posent pas de problème.»

« Effectivement certains ne me sont clairement pas inconnus, je suis parfois étonné, parfois déçu, ou alors aucune des deux.
J'ai confiance en tes choix.»

Ils entrent dans le parlement, armés, sans problèmes, Nej et tous ceux de la sécurité ont accroché leur fine et invisible micro-oreillette. Elle leur donne ordre de se mettre en place.
Ils entrent dans la grande salle où tous les sénateurs sont disposés, le président au centre est en train de discourir, le parlement le hue. Le commandeur, contrairement à son habitude ne rejoins pas sa loge mais file vers la place du président, le coupant brutalement et entammant son long discours de prise du pouvoir...
Un grand silence règne maintenant, hormis la voix charismatique du commandeur, il n'y a pas un bruit.
Nej, postée à côté de lui, légèrement en retrait observe chaque « cage », à la recherche de la moindre agitation suspecte...
Elle écoute les rapports de chacun des chefs de groupe : pour l'instant, aucun problème...