Barnabée, future poissonnière, non soumise

Barnabée est officiellement reconnue dans tout le Nord-Est comme l’idiote du village. Il paraît même que sa renommée a traversé les frontières, et que les autres lignées connaissent son existence. Mais qui est elle vraiment?

Tout commence pendant la petite enfance. Dans la garderie collective du village, là où toute bonne mère abandonne son enfant dès l’aube pour tenter de convaincre sa voisine que sa vision nocturne est une preuve qu’elle est une élue, les races se mêlent. Humains, elfes et nains évoluent ensemble. Mais une petite chose semble avoir plus de difficultés. Elle a deux ans déjà, et ne tient toujours pas sur ses jambes. La loi de la nature étant ce qu’elle est, la petite Barnabée devient évidemment la risée de ses petits camarades. Pourtant, quand elle pousse sur ses pieds, qu’elle contracte ses mollets, elle y met toute son énergie. Peut être trop, d’ailleurs, vu qu’elle finie souvent la tête contre les murs. Son petit nez n’a pas le temps de se remettre d’un choc qu’il en prend déjà un autre. Ses narines épousent sans grâce ses pommettes, lui donnant un air de famille avec le vieux Plurkch, l’animal mascotte du village à la race indéterminée et indéterminable. D’où son surnom, tronche à Plurkch, ou Plurkchy.

Quelques années plus tard, lorsqu’elle était en classe, Barnabée n’obtint pas plus de succès auprès de ses camarades. Elle comprenait vite, pourtant, quand on lui expliquait longtemps. Et l’attitude de ses parents, qui criaient à qui voulaient l’entendre que leur fille était un génie non reconnu, n’arrangeait rien. Car si les illuminés parmi les illuminés passent inaperçus, les présomptueux ne sont pas appréciés. Pourtant, même si elle avait sa place réservée en fond de classe, dans l’arrière cuisine de la cantine, ou suspendue à l’horloge de la battisse principale, elle ne baissait pas les bras. Elle insistait, dévisageant tout et tous de son regard niais, la bouche entrouverte, comme si elle n’avait pas assimilé qu’on pouvait cligner des yeux et fermer la bouche en même temps.

Oublions de conter les années suivantes. Celles où Barnabée ne devient pas la jeune naine à forte poitrine qu’elle aurait du être. Passons sur le dénis de ses parents, forcés de reconnaître qu’ils n'auront jamais une fille mage à la renommée intercontinentale, mais qu'ils ont vraiment engendré une telle tare.

Et si… Et si c’était vrai. Barnabée est différente, elle dérange, certes. Mais imaginons une seconde que ce retard d’apprentissage n’en soit pas un. Admettons qu’elle engrangeait toutes les informations qui lui parvenaient, qu’elle les analysait et les retenait. Ça fait beaucoup pour un cerveau de naine, il serait logique que certains développements soient plus long que la normale. Plurkchy n’est peut être pas si simplette. Qu’elle dommage qu’elle ne soit plus au village, nous aurions pu aller frapper à la porte de la grange où elle dormait, pour voir si elle avait finalement décidé de dormir du coté de la tête de son poney, et pas du coté de la queue…