Le rire à gauche du miroir, les larmes à droite,
Les mots déclamés à voix basse, chuchotés, lancés, chantés,
Le visage se tordant d'une douleur, fausse, ou exprimant jubilation et bonheur, toujours factices.
La bouche crachant des inepties, des mots de venin, des mots qui blessent ou choquent l'ignorant et font sourire narquoisement le bourgeois précieux, ou bien, de l'autre côté, les lèvres sucrant des mots de miel fait pour charmer et envoûter, des vers et des rimes qui réjouissent le coeur des demoiselles poudrées et des jeunes marquis qui guettent sous leurs perruques bouclées le coeur des demoiselles poudrées, pour me voler mes mots et mes douceurs et les rendre galamment à ces colombes effarouchées par tant de hardiesse pourtant si délicate.
Vêtue d'une simple robe sur la scène je m'avance, et les applaudissements des mains et des coeurs et des yeux qui pétillent me font sourire...
Extravagante, ainsi donc je les regarde une fraction de seconde avec affection, avant d'ouvrir mes bras pour déclamer mon texte, ces vers qui ne riment pas, simplement une grande gueule pour dire des choses qui feront rougir ou sourire, ou rire...
Mes mots s'éteignent, place à la magie, j'apprécie toujours ces cris lorsque j'effectue un gracieux demi-tour volé à un prestidigitateur, et qu'une fois de nouveau face au public, ma robe simple a disparu, laissant place à une complète tenue de guerrière...J'adore entendre les hurlements effrayés qui se muent en éclat de rire quand mon visage prend un air féroce et que je dégaine mon épée pour la pointer en montrant les dents sur la foule, provocant ainsi tour à tour chaque personne...
Epée rengainée, tours et mimes, et verbiages enflammés disparus et chansons paillardes hurlées éteintes, une dernière fois, des tentures noires sont tirées sur des tringles placées tout autour de nous, et au-dessus du public qui a bientôt l'impression d'être plongé dans un puit dans la nuit, dans la noirceur des abysses océaniques...Des murmures étouffés retentissent, inquiets...C'est alors que des chandelles s'allument, éclairants mon visage d'une paleur de mort...Ma voix résonne, profonde et inquiètante, faisant vibrer chaque coeur et emplissant de doute et de crainte chaque esprit...
- Que nul son ne retentisse. Que nul pleur, que nul cri de joie ou de peur ne résonne. Ecoutez, juste, et maudissez-moi de vous raconter pareille histoire...car en sortant de cette tente de tissu de ténèbres, le soleil brillera sur vos cheveux, et vous observerez le ciel le coeur plein d'espoir, alors qu'en vérité, vous serez changé....à jamais.
Mes paroles grondent, lourdes de menaces , et vrombissent sous la voûte ténébreuse, pourtant personne n'ose esquisser un geste, chuchoter un murmure...Je souris, mais personne ne vois mon sourire. Satisfaite de mon travail, dans un ultime moment de communion avec le public, je ferme les yeux, et commence mon histoire.
Dans une heure, je sortirai de la salle, et les spectateurs se croieront changés parce que je leur ai prédis qu'ils le seront. Et toujours ce refrain, qui est même à chaque fois, impérissable, inchangé, mon mode de jeu...
Le rire à gauche du miroir, les larmes à droite,
Les mots déclamés à voix basse, chuchotés, lancés, chantés,
Le visage se tordant d'une douleur, fausse, ou exprimant jubilation et bonheur, toujours factices.
A l'avant du théâtre.
![[Les Ithryn Luin]](https://i.servimg.com/u/f20/09/01/83/41/echiqu10.gif)
Sujet: Sur l'avant du théâtre...