Un titre, mais lequel...

Vague à l’âme ou la tête tout simplement ailleurs, je bouscule les pierres qui affrontent mes bottes, un chemin de Traverse, une route a l’issue hasardeuse, je marche les mains enfoncées dans les poches, la tête basculée sur ce chemin qui tend des embusques pour me faire tomber.
Je me demande ce que je fais ici, sans doute l’ennuie sur ces terres qui me désolent.

Un pas de plus, et c’est la compagnie du merle moqueur, ce bon vieux merle qui aime à me charrier, crier mes maladresses, réduire à néant toute tentative de changer l’ennuie par l’envie.
Il me suit depuis des lustres, un temps il m’a lâché attiré dans les filets d’une autre merle, une histoire de merles…
Je suis oisif son chant moqueur, narquois par essence, il est revenu hanter mes jour et me réveiller en carillonnant sur le carreau au petit matin.
Pourtant j’aime sa compagnie, cocasserie toute humaine.

Il vole et s’envole plus haut, sur une branche si haute que d’elle, on doit avoir le plus magique des panoramas.
Et je le suis.
Je grimpe les branches avec une certaines aisances, la force de l’habitude.
Je grimpe avec facilité dans les arbres, aussi facilement que j’en tombe…

Arrivée sur la branche, je m’installe confortablement, adossé au corps de l’arbre, et les jambes pendantes de chaque cotés de cette branche majestueuse.
Mais le merle est moqueur, et son cri tapageur, mes tympans le savent, moi je l’avais oublié.

S’il gueule c’est signe de faim, à moins que ça ne soit une envie de me casser les oreilles, mais pas cette fois…
Quelqu’un approche, et son ouie, non il est sourd comme un pot. Sa vue par contre elle, est de toute première instance et pour une fois ce charognard de mes maladresses me sert à quelque chose…

Ma qualité de prêtresse me vaut d'être sans cesse en quête d'herbes pour mes potions, mais ce n'est pas une peine pour moi, j'aime la forêt et ses habitants.
Je me déplace sans être vue ni entendue des prédateurs et les oiseaux ne signalent jamais ma présence qui leur est toujours familère mais il me préviennent lorsqu'un danger se présente.

J'ai été surprise du signal donné par ce merle de l'avancée d'un intrus dans la forêt et je me suis perchée dans un vieux sapin, munie de mon éternel arc en bois d'ent que j'ai toujours sur moi pour la chasse.
Quoi? Un humain dans notre forêt? Quel est ce prodige? Je ne me souviens pas avoir entendu raconter une avancée aussi poussée de cette race sur nos terres.
Que faire? Lui décocher une flèche en plein coeur? Mes soeurs n'auraient pas hésité, mais moi je suis une prêtresse, vouée aux soins et liée par serment à notre divinité.
Je me contente de le suivre, amusée de la difficulté qu'il éprouve à se déplacer dans la forêt, que c'est drôle! Les humains sont étranges.

Le merle signale soudain la venue d'un prédateur. C'est un Pancras, un singe tueur, eux aussi ne viennent jamais sur nos terres, que se passe-t-il aujourd'hui? L'humain va mourir, il ne pourra voir venir le singe à temps. La technique de ces monstres est terrible, ils attendent d'être suffisamment prêt de leurs proies et leur formidable détente les porte rapidement sur elles avant qu'elles n'aient le temps de réagir.
Je change d'arbre et je distingue bien le terrible Pancras prêt à bondir, l'humain ne regarde pas dans la bonne direction, le singe est rusé.
Dois-je le laisser mourir? Mes soeurs me reprocheront de l'avoir sauvé, mais j'ai prêté serment.

Ma flèche a frôlé l'humain qui a dû la sentir passer, puis elle s'est figée dans l'oeil du Pancras au moment où il bondissait. Il s'est effondré sur l'humain et ils ont roulé tous les deux dans les fougères.
Que dois-je faire à présent? M'enfuir? Le tuer? Le destin s'est joué de moi une fois de plus on dirait...

Le merle s’égosille et j’aperçois enfin une silhouette au travers des branchages, les bruits de feuilles me donnent raison, sauf que c’est un sifflement qui frôle mon oreille et manque sa cible…
Je râle, je peste contre ce qui a failli m’arracher une oreille et me rendre sourd pourquoi pas !
Dévisager mon teint pale pour lui donner une couleur carminé !
Et…

Tout ce qui monte, doit redescendre à un moment ou un autre, et comme d’un hasard sans surprise, il fallait que ça arrive maintenant.
C’est pas la première fois que je tombe d’un arbre, une sorte d’habitude, un rituel à ce niveau de répétition, et je tombe !
Au début, ça peut aller, les branches hautes sont plus souples, plus tendres avec les cotes, mais arrivé au bout du compte de résultat… passées ces branches plutôt caressantes en regard de celles plus basses, plus trapues, plus dures, plus assommantes, je me dis… foutue gravité.

Sur le sol, l’impact est sans surprise : douloureux.
Ce qui frappe, en plus des nombreuses branches qui ont déchiré mes vêtements sans jamais oublier de me racler la peau et de m’ouvrir le cuir jusqu’au sang, c’est cette espèce de singe que je me coltine en travers de la poitrine…

Cette puante chose qui s’offre le luxe de me pourrir le vêtement si blanc à l’ordinaire…
Ce singe qui pue et se vide de son sang sur moi, et qui m’énerve !
Ce singe que je dégage a grands coups de pieds, furieux, sale et sanguinolent.
Et toi la bas, planqué dans cet arbre si haut que tu crois passer inaperçu…

Je te vois…

Voila il est tombé et sans doute blessé, mais il se relève. Il regarde dans ma direction, je ne suis pas sure qu'il ait bien compris ce qui s'est passé, Flamina ma fille, tu t'es encore fourrée dans un drôle de pétrin.

Je vais me diriger vers lui, il va bien comprendre que je ne lui veut pas de mal, je vais porter mon arc à l'épaule en le passant sous le bras comme je fais d'habitude, il verra bien ainsi que je ne suis pas disposée à me battre.

Flamina, sans doute perturbée par la situation, dérape et glisse le long de l'arbre, mais l'arc s'accroche à une branche et elle reste suspendue à deux mètres du sol sans pouvoir se dégager.

Quelle gourde! Je suis suspendue et je n'arrive plus à me décrocher! Mais quelle idiote je fais! Je n'en rate pas une! Je ne peux plus bouger, ma main est prise dans ma ceinture, je suis coincée.
Il avance vers moi en souriant, tu peux te moquer!
Moi qui avais refusé une journée de cueuillette avec mes soeurs, j'aurais mieux fait de les accompagner, j'enrage!