Chez moi.

Sale bête Nombre de messages : 147 Age : 34 Date d'inscription : 30/04/2007

Oui.
Parce que j'en ai décidé ainsi.

Quoi ?
Oh non, ça va, pas toutes les ruines, évidemment !
J'ai pas besoin de tout ça.
Pas envie de tout ça non plus.
Mais à tout hasard, c'est à moi, si ça peut décourager les voisins, ça m'arrange.

Moi, j'ai choisi la sacristie.
Il y a des fenêtres avec des vitres, une cheminée qui fonctionne, c'est chaud en hiver et frais en été. Et y'a pas de rats. Je hais les rats.
Evidemment, il y avait plein d'autres pièces, mais les cuisines sont humides, la chambre du prieur est pleine d'échos, les écuries n'ont plus de mur ouest...
Et puis moi j'aime la sacristie.
Les sculptures en bas-relief que je suis du doigt, en creux, pendant des heures... Les madones au sourire doux... Les saints bienveillants avec leurs airs de grands-pères... Il n'y a qu'une sculpture que je n'aime pas, celle de l'homme supplicié avec son visage tout tordu, je l'ai masquée derrière une vieille tenture. Ca a beau être un homme, je ne supporte pas de la voir, elle me rappelle... Rien. C'est passé, fini, enterré.

Quand il fait nuit les bruits me bercent... je suis seule et c'est quand on est seule qu'on est en sécurité. Les autres sont une menace. Tous les autres. Mais je préfère les jours ensoleillés... Je peux passer une journée entière pelotonnée sous le figuier dans la petite cour, adossée au mur, à absorber le soleil, somnolente. De là d'où je viens le soleil, on ne le voyait jamais. voilé par les nuages de pollution. Même la pluie était sale. Ici parfois je reste sous la pluie, pour le plaisir, sauf si elle est trop froide.

Mais aujourd'hui il fait beau.
Je suis comme souvent, la joue sur les genoux, les bras noués autour des jambes repliées et le cul sur la pierre. Je profite. Je me nourris. Je songe...

[ouvert... mais c'est pas obligé ^^]

Alors c'est ici qu'elle se cache au monde ?
Sérénité et calme...
Je découvre une autre facette de sa personnalité.

Je m'asseois discretement, à l'abri de son regard, et je la contemple.
Pourquoi ce mur de solitude ?
Pourquoi se cacher alors que de la compagnie a du bon de temps à autres...

Je m'allonge, loin d'elle, à l'abri du soleil sous un arbre. Je ne m'approcherait pas d'elle, pour ne pas la déranger. De toute maniére, elle ne m'a pas vu, autant en profiter.
Je ferme les yeux, et je prend conscience d'etre encore en vie, malgrés toutes les epreuves endurées.

J'espere que la vie continuera longtemps...

Sale bête Nombre de messages : 147 Age : 34 Date d'inscription : 30/04/2007

Je rêve...
C'est toujours le même rêve...
Je suis enfant, je joue avec un morceau de chiffon qui a sans doute été une poupée il y a très longtemps, dans un jardin cerné de murs, et je suis bien. Il fait doux, il ne pleut pas, et l'air est presque clair. J'entends maman qui chante. Je chante la même chanson qu'elle à la poupée. C'est agréable, et pourtant j'ai peur parce que je sais que le rêve va changer, il change toujours.

Et justement, maman ne chante plus, elle tousse... Alors je fais boire du sirop à la poupée, mais maman tousse toujours. Et puis maman pleure. Et moi aussi je pleure. Et Oncle Korl vient et prend ma poupée et il me regarde avec des yeux méchants, et il donne la poupée à un autre homme aux mains molles et l'homme poignarde la poupée en me regardant moi, et je pleure, et j'entends maman qui pleure, mais de plus en plus loin... Puis l'homme s'en va et Oncle Korl me rend la poupée déchirée et je pleure parce qu'elle est tachée de sang, et Oncle Korl me gifle en me disant de me taire, et je me tais, mais maman pleure toujours, je l'entends encore, elle tousse et elle pleure...

Et puis je cours dans le jardin et je cherche, un endroit, n'importe quel endroit pour cacher la poupée, parce qu'un autre homme aux mains molles est arrivé et qu'Oncle Korl va encore me la prendre, mais je ne trouve pas d'endroit, aucun endroit, et j'ai peur, et je pleure, et maman tousse encore et elle ne pleure plus, j'ai encore plus peur parce que je ne l'entends pas et que j'entends juste les pas d'Oncle Korl derrière moi et son ombre m'enveloppe et c'est trop tard.

Sursaut.
Eveil.
Je tremble comme une feuille, je suis trempée de sueur.
Comme à chaque fois.
A chaque fois...
Je reste immobile, couchée en chien de fusil, recroquevillée dans la lumière chaude, dans l'air transparent, loin de tout ça, si loin, mais on ne fuit jamais son enfer intérieur, et je sais que ça me suivra, ça continuera à me suivre...
J'ai envie de pleurer.
Mais je suis trop déssechée pour ça.
Soif...

Je me lève, chancelante.
Migraine.
Nausée.
Le puits est tout proche, je descends le seau. La louche dans l'eau fraîche, si douce dans ma gorge nouée... Mes mains tremblent, je renverse de l'eau sur moi, c'est froid, c'est bon. J'attrape le seau, me le renverse sur la tête.
Puis je le laisse retomber.
Les mains à plat sur la margelle, les bras tendus, la tête pendante, je laisse l'eau ruisseler de moi. Je laisse le rêve se dissoudre.
Jusqu'à la prochaine fois.

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