En séjour chez mon voisin !

Qui aurait cru qu’un jour je partirai en séjour chez mon voisin le saurus !

Tout a commencé par une missive posée sur le pas de ma porte. Quelle ne fut pas ma surprise d’y trouver une invitation de la part de Deimos, l’écailleux ! Celui-ci m’invitait tout bonnement à passer quelques jours chez lui afin de faire mieux connaissance. Je le soupçonne d’avoir quelques idées crapuleuses derrière la tête, mais bon la curiosité a pris le pas sur la bienséance. Aussi lui écrivis-je en retour une lettre que je déposais près de l’arbre noueux, qui lui signifiait que j’acceptais sa proposition.

Le jour de mon départ est arrivé. Et me voilà entrain de faire mes bagages. Que prendre ? hum… vu que c’est un sorcier pas besoin de trimballer mon chaudron, mes fioles, mes diverses fournitures séchées. Quelques vêtement jetés dans une besace, quelques onguents pour ma peau d’albâtre ou bien.. la sienne ?. Hum… me manque quelque chose d’essentiel, mais quoi ? mon miroir pour sur !

Besace en bandoulière, miroir que j’hale à la force de mes bras grâce à deux cordes passées sur mes épaules et me voilà en marche vers le nid de mon voisin bien accueillant. Petit tour en barque et me voilà près de l’arbre noueux. Si je suis bien ses indications dans peu de temps je serais chez lui. Un pas ou deux dans la tourbe et me voilà entrain de m’enfoncer. Tant bien que mal, j’essaie de me désenliser mais rien n’y fait ! plus je bouge et plus je m’enfonce. Et même quand je ne bouge plus je continue à m’embourber de plus en plus. Prise jusqu’à la taille, je commence à paniquer, voyant la mort arriver à grand pas quand tout à coup…

SPLOUTCH

Me voilà soudainement attirée par le fond, mon miroir suivant de peu. Je m’attendais à suffoquer mais un courant d’air me fit ouvrir les yeux et là… surprise… me voilà dans un tunnel d’argile qui m’amène directement dans un havre de mousseline verte accueillant, apaisant avec cette fontaine naturelle . Didiou c’est qu’il est coquet ce saurus ! il cache bien son jeu sous ses airs bourrus. Je dépose mon miroir à terre de peur d’abîmer les murs.

Bon c’est pas tout mais il est où mon hôte ? j’aimerais bien savoir où déposer mes affaires. Par contre y a quelque chose qui me turlupine… Son nid n’est qu’une vaste pièce ! ! pas de moment d’intimité personnelle en vue ! catastrophe… ça sent l’arnaque à plein nez là !

Heeeeeu… youhou… Deimos ! t'es là ?

Bien sur qu'il est pas là.... vu qu'il n'existe aucun recoin où se cacher !

Décidée à jouer l'invitée patiente, je m'installe en tailleur sur le tapis de mousse en escomptant que mon hôte ne tarderait point à montrer le bout de son museau...

L'attente ne fut pas bien longue. Perdue dans mes pensées, en pensant à cette invitation inattendue, je me demandais bien ce que nous allions pouvoir nous, pouvoir apprendre l'un de l'autre et surtout ce qu'allait être notre quotidien.

Jusque là je m'étais toujours tenu à l'écart de Deimos. Pourquoi d'ailleurs ? Peut être parce qu'à sescôtés, je ne me sens pas à mon aise et que je n'ai tout simplement pas avant de l'avoir dans mes pattes à longueur de journée si nous faisions connaissance. Alors pourquoi maintenant ? Parce que la solitude commence à me peser... A longueur de journée, j'aperçois divers oiseaux passés au dessus des marécages. Oiseaux qui apportent des missives à la forteresse noire, pour les Hellequins.Et moi je n'en reçois jamais. Et à la longue, je peux vous dire que ça vous use même une personne sans âme.

Lasse de ressasser tout ceci, un infime raclement me sort avec plaisir de mes tribulations incessantes. Ma tête se tourne vers ce bruit, s'incline vers mon épaule, et c'est alors que je vois émerger Deimos dans toute sa splendeur par un passage qui avait été caché à mes yeux par l'abondante végétation qui règne en ses lieux.

Il faut bien avouer qu'il est différent des autres saurus. Ne serait-ce que par de ses écailles noires et lustrées et enfin de par son intelligence nettement plus développée chez lui que ces acolytes. Il s'avance en silence sur le tapis de mousse, sûr de lui, comme ce doit d'être le propriétaire des lieux. J'ai peut être mis le doigt sur ce qui me dérange chez lui. J'arrive pas à l'effrayer ou à le mettre mal à l'aise !

Il me parle de sa voix sifflante et grave. Et je le regarde les yeux grands ouverts, la bouche béante j'en suis sûre. Je m'attendais à des banalités d'usage bien sur mais pas à toute cette courtoisie qui émane de lui. Je n'y suis pas habituée et ça me fait un choc. Mais cette brève émotion se retrouve bien vite camoufflée par mon air d'indifférence habituelle.

Je me lève pour être à sa hauteur. Oui ! je n'aime pas être dominée. Et me place face à lui, décidée à être poli, aimable dans la limite de mes moyens. Je n'ai jamais été aussi proche de lui qu'à cet instant, même durant les courtes chasses, où chacun part de son côté, afin de recenser les proies et de prévenir les autres par un sifflement bien spécial. Je ne le voyais pas aussi grand, pas aussi large de carrure. Hum... Stop... je ne suis pas là pour le disséquer mais pour répondre à son invitation.

Salutations Deimos. Merci pour cette invitation plus qu'inattendue ! Une collation ? Och ! Oui... mais avant serait-il possible de faire quelques ablutions car malgré le fait que ton passage de tourbe est des plus astucieux il n'en demeure pas moins qu'il est bien salissant !

J'en profite pour lui montrer, en faisant des quarts de tours sur moi-même, les salissures séchées sur ma cape, qui s'émiettent à chaque mouvement de ma part pour venir se perdre sur le tapis mousseaux de son nid douillet.

Après nous aurons tout loisir de discutailler et tu auras tout le temps de répondre à certaines de mes questions. Mets toi en condition car elles pourraient te paraître bien embarrassantes.

Ce faisant, je ramasse ma besace à terre, et ma cape dans un mouvement involontaire, s'ouvre un peu plus qu'elle ne le devrait. Traitresse va ! De ma main libre, je la referme aussitôt afin de cacher mon anatomie qui ne regarde que moi et personne d'autre, tout en me redressant. Remise en place, besace sur l'épaule, je glisse mon bras sous le sien, tout comme j'avais vu certaines femme le faire. Quelle drôle d'impression de se sentir invitée et non sorcière rejetée !

Allons y ! dis-je en caressant du bout des doigts les écailles noires et lisses de son avant bras... par curiosité bien sur !

Lorsqu’il m’emmène vers une autre pièce, je le suis sans un mot et la surprise s’empare encore de moi. Dans sa chambre, végétation verdoyante et lourdes tentures pourpres se cotoient dans un ballet irisé par la lumière tamisée que diffuse des lanternes accrochées au plafond. Mon regard glisse sur les divers meubles mais c’est sur le lit circulaire qu’il s’attarde. Douillet. Coquet. Voluptueux.

Son antre intime m’ouvre un nouvel aspect de sa personnalité. Chaleureux. Je l’imagine sans peine inviter une autre saurus, et lui offrir la chaleur de son cœur, son âme, son corps. La honte m’empare au souvenir de mon antre. Tout n’y est que rocaille, inconfortable. Qui viendrait le visiter dirait de moi que j’ai un cœur de pierre et il n’aurait pas tort.

De minute en minute ce saurus m’intrigue, m’interpelle. Je l’observe pour essayer de le comprendre et son regard me fuit. Sa prestance se fait plus gauche. Aurais-je dû voir quelque chose que je n’aurai pas dû ? Je suis loin d’être une experte en relation humaine, mais je jurerai que l'expression furtive sur son visage était de la gêne. Etrange.

Bien trop vite, sa patte griffue se pose sur mon dos et me pousse délicatement vers la pièce principale. Pièce de notre première rencontre civilisée. Il en revient à mes ablutions et intérieurement je l’en remercie car je me sens bien poisseuse dans ce petit bijou de nid qu’il s’est créé. Le bassin ou le cabinet de toilette ? j’avoue que le choix est cornélien. Me rafraîchir derrière le paravent serait la plus convenable mais il semblerait que mon hôte ait envie de parler de suite. Et il serait désobligeant de ma part de le faire attendre… non ?

Et bien mon cher, tu as une demeure bien belle et bien confortable. Attention à toi que je ne t'en éjecte pas pour la garder pour moi ! Sinon pour ta proposition je choisirai le bain pour que nous puissions discuter. Et bien évidemment, j'escompte que tu restes le dos tourné afin que ma féminité puisse s'épanouir sans se soucier du regard d'un mâle sur elle !

Sans attendre de réponse de sa part, je pose mes deux mains sur ses fortes épaules, et d’une légère poussée l’oblige à se détourner du bassin. Ainsi fait, je me rapproche du bassin, tout en dénouant le cordon qui retient ma cape. Celle-ci dans un glissement léger effleure mon dos, mes bras et me fait frissonner d’un délicieux frisson. Frisson qui se renouvelle lorsque mon corps d’albâtre glisse dans l’eau chaude. Un soupire de bien être m’échappe. Retrouvant mon aplomb habituel, je me retourne vers mon voisin, croise mes bras sur le rebord du bassin, et y dépose mon menton, de fixant de mon regard sans pupille, prête à le mettre le plus mal à l’aise possible.

Alors Deimos ! pourquoi m'as-tu invitée et pas une autre ? Ah oui… serait-il possible que tu te retournes vers moi ? finalement parler à un dos, ce n'est pas très intéressant... !

Il se retourne enfin vers moi et laisse son regard, lentement, appréciateur, vagabonder sur les parties de mon corps émergées. Diverses émotions se trahissent sur son visage reptilien mais je ne saurais leur donner un nom.

Serait-il possible que deux races si différentes puissent éprouver un semblant d’attirance, aussi infime soit-il, l’un vers l’autre ? Une image de Boa avec Arl me vient en tête. Oui c’est possible, mais malgré ses pattes de canasson, Boa n’en a pas moins un buste et une tête humaine. Alors l’image d’une Miky resplendissante et du Baron se substitue à celle de Boa et d’Arl. Oui c’est indéniablement possible.

Je suis coupée dans mes réflexions, par ce regard à la pupille dorée, aussi fine, tranchante que la lame d’une dague, qui se plante dans mon regard sans vie et s’y accroche comme un naufragé à son morceau de bois.

Et lorsque que sa voix résonne dans la pièce, pour m’annoncer qu’il m’a invité parce que je l’attirais. J’ai dû mal à concevoir cet état de fait. Mais tout ceci n'est que passé d’après l’emploi du vous et de son mode passif. Donc je n’ai rien à craindre. Alors pourquoi mon ventre se serre-t-il ? pourquoi mon corps se raidit-il ?

Sans savoir ce qu’il se passe en moi, il continue à parler. Et moi d’être surprise mais aussi au plus mal. Et pourtant je ne le devrais pas. Comme il le dit si bien nous ne nous connaissons pas. Et ce qu’il me propose, ce pour quoi je suis ici aujourd’hui, c’est une simple amitié. Mon indifférence aura gelé ce semblant d’attirance qu’il aura eu à mon encontre.

Mais qu’est ce qu’il m’arrive… ce n’est pas parce qu’un mâle aussi écailleux soit-il se montre courtois, galant, qu’il s’est créé une antre à l’image de son jardin secret, que je devrais être en pamoison devant lui !

Soupirs.

Pourquoi je suis ici même en ta compagnie ? peut-être est-ce pour rompre cette monotonie dans laquelle je vis ? Peut être n’es-tu juste qu’un divertissement, un monstre de foire que l’on se plaît à contempler lorsque l’on se sent de la pire espèce ? Tu n’es qu’un jouet l’espace de quelques jours qui sera brisé par les mains d’une enfant capricieuse et sans cœur. Ne vous faites pas d’idée, je ne suis pas ici parce que vous m’attiriez.

Je me retrouve enfin dans mon état normal, prête à trancher avec les mots. M’amuser avec lui. Oui ça c’est possible. Et alors il s’éloignera de moi et je retrouverai enfin la paix intérieure, je n’aurai plus de questions à me poser. Juste une immense satisfaction à me sentir loin de toute tentative d’attrape coeur…

Je lui souris d’un air gouailleur, me laisse couler dans l’eau, loin de ses yeux afin que mes mots le travaillent, lui fassent comprendre qu’il n’a rien à attendre de ce séjour. Et quand enfin j’émerge, c’est pour qu’il se confronte au haut de mon dos, tandis que mes deux bras s’étendent sur le rebord du bassin pour y prendre appui.

Alors Deimos ! te sens-tu l’âme d’un jouet ?

Mes yeux ne peuvent le voir mais d’instinct je pressens que mes mots ont fait mouche. Une bouffée d’orgueil m’assaille vite fait écarter d’une main par un sentiment tout autre qui si je n’abuse ressemblerait à du remord. Suffit ! je balaie cet étrange soubresaut qui n’a pas sa place en mon être et écoute les paroles de Deimos, qui à mes oreilles sonnent comme un triomphe... au goût d’amertume… Assez !

Sa voix se fait fébrile, tremblote et j’en frémis d’aise mais aussi de dépit qu’il baisse si vite les armes. La mesquinerie est mon terrain mais point le sien apparemment et cela m’embête fortement. Ses assauts galants je peux les supporter, les retourner contre lui mais combien de temps vais-je tenir si cela perdure ? serais-je assez forte pour tenir tête à cet empressement qu’il a de me sortir des compliments voilés ?

Un frottement, et j’imagine qu’il s’est détourné. Ma tête pivote d’un quart de tour, s’étire vers l’arrière pour observer cette silhouette dorsale. Trop étrange pour moi tout ceci. Je le soupçonne de se jouer autant que je joue avec lui. Mais ça ne se passera ainsi éternellement…

Une mèche caresse mon visage et d’une main rageuse je la rejette en arrière. Décision prise, mon corps entier émerge de l’eau. Mes longues jambes fines enjambent le rebord du bassin , tandis que mes mains de mes cheveux font une torsade pour évacuer le trop plein d’eau.

La chaleur de l’eau remplacée par un filet d’air frais me fait frissonner, me donne la chair de poule. Mais je ne mettrai pas ma cape. Mue par un sentiment de défi, je m’avance vers le saurus mais ne m’arrête pas à ses côtés. Je continue tout droit, sans être gênée le moins du monde de ma nudité. Bizarre que tout ceci alors qu’il y a quelques minutes, j’aurai crié au scandale s’il m’avait vu ainsi.

Ce n’est pas la direction de la sortie que je prends, mais celle de mon miroir que j’attrape à deux mains pour le remettre sur pieds et le tirer jusqu’au pan du mur se trouvant en face de mon cher hôte, et l’y adosser afin qu’il reste debout. Mes gestes sont peu grâcieux, et les efforts déployés ne me mettent pas à mon avantage. Pourtant je sens le regard reptilien, suivre le moindre de mes gestes et je me retrouve avec une gorge nouée qui aurait bien du mal à laisser échapper un mot.

Mon regard s’accroche au sien. Mes pas se dirigent de nouveau vers lui et c’est à ses côtés que je me positionne. J’attrape sa main et côte à côte nous nous approchons du miroir. Dedans s’y reflètent nos double. L’un si sombre et l’autre si pâle.

Alors Deimos… que vois-tu dans ce miroir ? crois-tu que ces deux êtres puissent être liés par quelque lien que ce soit, arriveront à se comprendre sans s’entre déchirer et à devenir ami ? dis-je en plaçant ma main sur la poitrine de son reflet, à l’emplacement de son cœur.

Accepte.

Je baisse les yeux pour couper ce contact trop lourd de sens. Tout n’est que tumulte en moi. Un ouragan de sentiments contradictoires se déchaîne, arrachant mes dernières défenses. Le combat intérieur se termine. Et j’ai peur de ce qui va en découler. Peur d’avoir fait un choix qui dans l’avenir me sera néfaste, me fera souffrir bien plus qu’actuellement.

Sa main griffue légère et pourtant si insistante dans le creux de mes reins, la chaleur qui s’en dégage, ce sentiment d’être en sûreté à ses côtés, de savoir qu’il sera toujours là...

Ma tête se relève, mon regard accroche le sien au travers du miroir.

Qu’il est beau mon Deimos, d’une beauté sombre emplie de dignité, d’honneur à en faire pâlir ne serait-ce qu’un Héros ou un Anthropophage. Il a tort de se déprécier, il n’a rien à envier aux autres. Il a déjà tout pour lui.

Je n’ai pas la grâce d’une Miky, la volupté d’une Aénoria, le tempérament de feu d’une Boa, la joie de vivre d’une Aelis, le port digne et droit d’une Dragonnia, la sagesse d’une Pandora, la poésie d’une Aislin, ni la fougue d’une Alyssandre. Mais parmi toutes, c’est moi qu’il a choisi...

Son regard m’hypnotise, j’en suis captive comme je suis captive de ses deux mains sur ma peau nue. Mes résistances s’amenuisent telle une peau de chagrin laminée par les souhaits exaucés. Sans artifice aucun, sans calcul, je me laisse aller en arrière, me reposer sur ce large torse, tandis que la main sur le bas de mon dos glisse en un effleurement vers ma hanche orpheline.

Soupir. Me yeux ses ferment. J’apprécie enfin ce moment de plénitude que je n’osais croire arriver il y a quelques jours encore .

Dans un murmure...

J’accepte...

Alliance contre nature. Abomination. Sacrilège. Je vous entends déjà d’ici. Mais jetez nous la pierre et c’est la mort que je jetterai à vos trousses. Il a bien plus à offrir que vous sous vos beaux abords. Il y a bien plus d’humanité dans ce corps fait d’écailles et de chairs que dans le vôtre.

Observez bien ce qui va suivre. Poussez des cris d’horreur, crachez nous dessus si cela vous chante. Mais voyez bien au delà que vos préjugés qui vous étriquent. Cette aura lumineuse qui nous entoure, est le signe que les cieux approuvent notre attachement.

Il m’a repoussé pour mieux m’attirer, m’obligeant à me retrouver face à lui. Mon souffle se coupe. Mon coeur bat au rythme d’un tempo chaotique. Mon sang bouillonne dans mes veines. Bien pire que la torture physique, la torture des sens se met en marche.

Il se penche. Je me dresse sur la pointe des pieds. Il s’avance. Je noue mes bras autour de son cou. Son regard ardent. Mon regard quêteur. Le fin ourlet tissé de minuscules écailles sombres se pose sur mes lèvres en un baiser chaste.

Choc de deux races, scellé d’un amour inconventionnel. Mais de celà on en a cure à cet instant. Emportés par nos sens, notre passion, on a que faire de vos récriminations. On savoure ce que la vie nous apporte, on s'y perd, on s'en nourrit... alors que vous non, trop occupés à agonir ceux qui brisent vos tabous, abattent les frontières que vous avez érigées pour protéger votre petit monde de l'invasion contre nature.

Je sens ses doigts, légers, sur ma nuque, sa poitrine qui s'appuie contre mon torse, ses flancs palpitants entre mes mains et ses lèvres, si douces, si chaudes contre les miennes.

Et j'oublie.
Et je lâche enfin prise.

Je ne suis plus que pure sensation, entière émotion. Flux des sentiments, magies mélangées.

Souhait de lui montrer la puissance de ma vénération. Besoin toxicomaniaque de son corps et de son amour. Envie de me perdre en elle, de la posséder et de la servir.

Mon corps se tend, ma magie enfle et bouillonne, nous allons enfin nous dissoudre...

Divertissement.... Jouet ...qui sera brisé....

Tapis, silencieux, ils n'attendaient que le bon moment pour ressurgir : peur et doute, arrogants et ricanants.

Aussitôt ma magie vacille et se ternit. Oh, quasi rien, un léger fléchissement, une légère ombre... Mais suffisamment pour que les sens à vif de ma sorcière le perçoivent. Je la sens se tendre, je sens sa magie trembler.

Mes lèvres quittent les siennes et cette rupture me déchire. Son visage si proche du mien, la caresse de son souffle, le gout de sa bouche encore sur moi. Je plonge mon regard dans le sien.

Armide, belle Kaalith... J'ai tant envie de vous. Et si peur que vous ne me détruisiez.... Chut.... dis-je en frôlant ses lèvres de mon doigts alors qu'elle s'apprêtait à parler ... Venez....

Avec une fougue retenue, je l'entraine, la guidant jusqu'au seuil de la chambre. Je m'arrête alors, juste sous le feuillage...
Un pas en arrière et nous revenons dans le séjour. Un pas en avant en nous pénétrons dans la chambre.

Reculer...Avancer.... Rester sur la terre ferme... Sombrer.....

Enfiévré et glacé, je la libère, lui laissant le choix...

Les conséquences de cette situation, de ce que pourraient penser les autres lorsqu'ils apprendront cette liaison, je les oublie, préférant me perdre dans l'étreinte de ses bras que la passion durcit, me perdre dans cette caresse qu'est ce baiser.

Baiser par lequel tout passe. Désir, volupté, tendresse, amour mais aussi doute. Doute que je perçois chez lui et qui me vrille les entrailles car il est aussi indécis que moi. Et je n'ai pas envie que ce moment s'arrête, pas envie de le voir se détacher de moi, de me fuir. Déjà j'exècre ces paroles que j'ai pu dire, tout ça parce que je n'ai pas voulu m'avouer, pas voulu voir, ce pourquoi je suis venue ici.

Déjà ses lèvres quittent les miennes, et je me sens abandonnée. Je l'observe pour essayer de comprendre. Ses yeux brillants d'un éclat neuf, sa respiration rapide, cette légère teinte verdâtre sur ses écailles d'ébène. Tout me laisse croire que ce baiser si chaste pourtant à libérer des ardeurs similaires aux miennes.

Mais pourquoi s'arrête-t-il alors ? La réponse m'est donnée dans une voix rauque empreint de désir. Un appel de détresse à demi mot. Je ne laisserai pas s'éloigner de moi, je ne laisserai pas nos doutes nous séparer l'un de l'autre. Et tant pis s'il m'empêche de lui dire lorsqu'il dépose son doigt pour me faire taire. Je lui montrerai d'une autre manière s'il le faut, que je regrette tout ce que j'ai pu lui dire de si vil, de si mesquin.

Je le suis jusqu'au seuil de sa chambre. Mais il ne fait pas un pas de plus et me libère. Qu'attend-t-il ? Une approbation de moi ? Mais il l'a déjà toute entière. Ne la voit-il donc pas ? Ne voit-il pas ces regards fiévreux que je lui lance, mes joues rougies par un feu intérieur ?

Il me laisse le choix... Mais mon choix est déjà fait... Lui. Moi. Nous... Notre destin est déjà scellé...

Je pose mes deux mains sur son torse qui apprécient sa robustesse, les muscles qui s'y dessinent, et le pousse à reculer, à faire ses premiers pas dans cette chambre. Par ce geste lui donne mon assentiment, lui donne le plus beau cadeau que je puisse lui faire. M'offrir à lui au delà des apparences.

A mi-chemin entre le lit et le seuil. J'arrête notre ascension. Mes mains avides remontent le long de son torse, le bout de mes doigts effleurent son cou et se posent sur son visage que j'emprisonne maladroitement. Je le regarde, attendant cet accord tacite, tremblant de tous mes membres. A cet instant je me sens fébrile, envahis par la peur qu'il me dise non, qu'il me rejette...

Il se livre à moi enfin serein chassant par la même mes derniers doute, en m’enserrant de ses bras. Mon corps épouse le tien et le souffle me manque. Sous ses mains devenu velours, je me languis, me laisse peser de tout mon soûl sur lui, appréciant le contact de ma peau sur la sienne, pas aussi rugueuse que j’aurais pu le croire.

Frisson lorsque sa bouche effleure mon oreille, ma joue pour venir happer mes lèvres, libérer de son carcan cette langue par trop longtemps emprisonnée et qui savoure, goûte les délices qu’on lui apporte.

Mes mains posées sur ses joues glissent le long de son cou, le contournent en une caresse subtile pour venir titiler du bout des doigts sa nuque, s’y accrocher. Et lorque qu’il m’emprisonne la taille, me soulève pour m’amener jusqu’à son lit, je me laisse faire, calquant mes mouvements aux roulis de ses muscles.

A regret, l’union de nos lèvres cesse et il se redresse. Allongée sur le lit, je le regarde, lui, ses expressions, son corps d’ébène, d’un oeil pétillant. Dénudée face à lui, je ne ressens pas de gêne, je me sens bien. Je me sens femme et j'en frémis.

Mais mue parce un je ne sais quoi, j’attrape un coussin que je lui lance. Puis un deuxième. Un troisième... Et un rire cristallin fuse, un rire d’enfant qui s’achève par un hoquet de surprise. Ce rire c’est le mien. Un rire que je n’ai jamais entendu même étant petite.

Mes commissures de lèvres se relèvent. Je peux m’imaginer sourire en repensant à l’image que m’a renvoyé il y a peu mon miroir. Mon beau saurus en est le coupable et comme tout bon coupable, il se doit d’être châtier.

Un murmure. Un appel. Deimos...

Ils s'installe près de moi et je m'enivre de sa chaleur qui se veut communiquante, m'emprisonne les poignets me réduisant à l'état d'un sitar. Sitar qui vibre sous l'assaut de ses griffes qui caressent, agacent, taquinent. Sitar qui laisse échapper des soupirs de frustrations, des notes basses et rauques.

L'interlude musicale s'interrompt sous un baiser vorace, gourmand, entrecoupé de ses paroles défiantes, propice à l'amusement. Je veux lui rendre la pareil mais je sais que je serais incapable de le maintenir fermement en place sauf si...

D'un mouvement souple du bassin, d'une courte et autoritaire poussée sur ses épaules, il se retrouve sur le dos et moi à califourchon sur lui, évitant de penser à la proximité de ce mont sinaï pointant fièrement sous le pagne. Mes mains posées sur son torse pour le forcer à rester plaqué sur le lit, je me penche verse son oreille.

Tu veux jouer ? alors jouons mon beau deimos. Que dirais-tu de "gage ou révélation" ? lui dis-je d'une voix enrouée par bien des choses.

En attendant sa réponse, mes mains échappent à mon contrôle et se perdent en caresses graciles et aériennes sur son torse, en redessinant le moindre muscle, la moindre écaille....

Plus proche que jamais, partageant ce rare moment d’intensité et de complicité en même temps que nous, nos magies à tous deux en profitent pour prendre leurs aises, fusionner entre elles et nous envelopper de leur chaleur, de leur lueur ambrée.

Et quand la seule barrière à l’accomplissement de notre union ne se nomme plus que Tissu, telle la magie sylphe, elles se détachent l’une de l’autre, s’effleurent, se caressent en des volutes qui nous touchent par là même moi et mon compagnon.

Une légère brise se crée, soufflant sur les bougies brûlant dans les lanternes. Laissant pour seule lumière quelques rais ambrés qui tantôt deviennent plus vifs, tantôt se font plus faibles, réagissant au gré de nos envies, en réponse à nos agissements.

Amusée tant par le comportement de Deimos que par nos magies capricieuses, je répond à son gage en frottant mon nez contre son mufle, en caressant sa joue de la mienne, en laissant mes lèvres se poser sur les siennes pour m’abreuver à la source et tenter d’apaiser en moi ce feu grandissant qui ne souhaite pas s’éteindre.

L’étreinte de mes bras enlacés autour de son cou se resserre, ne laissant aucune requête de repli possible. Et ce n’est plus un coeur que j’entend battre la mesure mais deux. Un coeur aussi ému que le mien que j’en chavire, me laisse porter par la vague, et me met à onduler contre lui au rythme du ressac qui nous assaille, lui offrant ces caresses que je n’ai jamais prodiguées à ces autres mâles d’une nuit.

Sous ses caresses, sa magie, je ne suis plus qu'un pantin désarticulé qui demande grâce à chaque vague de plaisir qui affluent et refluent, supplie, gémit de frustration de ne pouvoir rien faire. Il m'a conquise. Il m'a domptée.

Je reste là pantelante, cambrée et frémissante, prise dans un cocon de pénombre et de brume. Corps douloureusement et si délicieusement ravagé. Esprit déconnecté de toute attraction extérieure, je ne suis plus en l'état de penser, d'agir.

Plus il s'échine à m'offrir ces délices de tourment et plus je m'évade vers une terre voluptueuse, de celle qu'on appelle la terre de tous les plaisirs.

Je me sens partir, quitter mon corps. Mon être spirituel quitte sa prison de chair et devient spectateur de ce spectacle à la fois tendre et lascif. Etre désincarné qui ne demande qu'à participer, je vole jusqu'à mon amant de chair et de sang et me colle à son dos le parcourant de mes mains éthérées. Si ce n'est pas mon corps de chair qui le fera frémir, mon essence brumeuse le fera à sa place.

Mes mains translucides quitte le dos, pour mieux glisser sur ses épaules et descendre sur son torse qu'elle effleure, et mon corps de suivre le chemin, de se coller un peu plus à son dos, lui faisant découvrir des carresses chargées d'électricité statiques. Une langue opaline taquine son oreille, la redessine et frémit lorsque Deimos réagit.

Je ne sais pas s'il se rend compte de ce qu'il se passe dans cette pénombre enivrante. Etrange expérience car je ressens à la fois les vibrations tumultueuses, grisantes de mon corps de chair mais aussi celles de mon compagnons. Et à tout ceci mon corps d'ether ne reste pas indifférent, tremblote, en veut plus.

Il glisse, se décale sur le flanc de son faiseur de plaisir, caresse d'une main le mufle. De son doigt redessine les lèvres. L'autre main plus conquérante, par à la découverte en en dessinant des ondes d'arabesque un plus plus bas, toujours plus, s'attardant sur le tissu, le contournant, s'insinuant sous lui pour rendre à Deimos la pareille.

Oeil pour oeil. Caresses pour caresses. Plaisir pour plaisir !

Mes deux corps frémissent à l'unisson. L'une de l'union tant attendue et l'autre de ce sorps éthéré qui l'a suivi, avide de caresses, de possession autant que son homologue de chair et de sang.

Union. Je me laisse happer par sa force et sa fougue qui nous amènent tous deux dans une sarabande infernale qui allie tour à tour temps mort et reprise. Je frémis, laissant s'échapper des plaintes rauques, m'agrippe de mes bras à son cou tendu, savoure le contact de ma peau contre la sienne, qui est bien plus douce qu'on ne pourrait le penser. J'ai envie de lui dire merci, pour tout ce qu'il m'apporte en ce moment, pour ce qu'il me fait découvrir, que l'acte sans passion, sans sentiment ne nous amène rien, est bien fade et sans saveur par rapport à ce que nous vivons à cet instant même.

Magie. Elles sillonnent en spirale autour de nos deux coprs de chair, s'insinuent entre chaque recoins de nos peaux qui dans un mouvement se séparent pour mieux se retrouver. Elles laissent leurs empreintes d'une caresses chaude, sensuelle, s'allient à nous pour nous emmener dans un état tel de volupté qu'il en devient difficile de respirer. Elles se servent de nous, s'amusent de nous mais nous donnent en retour un surplus de plaisir qu'il seraient difficile de leur en vouloir.

Souffle. Son corps éthéré contre le mien se fait plus hardi. Je ne sais pas comment il a su, mais il l'a fait me rejoignant dans cet état brumeux, sans consistance, qui ne consistent qu'en des effleurements qui se font plus prononcés lorsqu'il se presse contre la vallée de mes reins. Je frissonne, mon corps s'éparpille pour mieux se reconstituer, se cambre en arrière pour mieux goûter le contact de sa virilité, tandis que mes mains glissent sur le flanc de ses cuisses.

Don de soi. Don du corps. Don de l'esprit... deux corps pour quatre fois plus de plaisir...