Fuite dans les ténèbres.

[ Ce rp relate les évènements survenus juste après mon départ de Satowa. Je sais...j'aurai du le faire avant les deux autres lancés sur le forum...Rhôô, j'ai honte là ]

Alquäloth court depuis l'aube, la plaine, les rochers, l'eau et le sable ont vu passer ses jambes et ses pieds galopant.
Elle voudrait lâcher définitivement ce qui la retient en arrière, briser et enfouir ces chaînes qui ramènent encore et toujours à son esprit une seule image, une image d'amour et de réconfort, une image qu'elle considérait comme un hâvre de bonheur, elle qui pensait être à jamais heureuse et libre, et en paix...Cette image, ce sont les grandes portes de la cité de Satowa qui se ferment derrière elle. Elle a creusé elle-même son souterrain dans l'abîme de l'ombre en les passant une dernière fois, ces portes.

Trop déchirée entre deux choses, deux clans opposés, elle croyait trouver son bonheur dans l'errance et la solitude, mais elle s'aperçoit à présent que c'est impossible.

Alors elle court, les semelles de ses solides bottes de guerrière sont râpées et filées à force du tranchant des rochers et des éléments, elle sent la plante de ses pieds la brûler, se déchirer, laisser couler son sang rouge, si rouge...

Des empreintes de pas rouges dans une plaine n'annoncent rien de réjouissant, tout le monde sait ça.
Elle ignore où aller, elle veut juste fuir, courir à toutes jambes jusqu'à ce que celle-ci ne puissent plus les porter...

Elle est harrassée, la guerrière. Elle aimerait tellement se laisser tomber à terre, et attendre...
Attendre...

Elle ignore où elle est. Mais une lumière pâle et tremblotante se dessine au loin. Une ville. Un échos très étouffé de musique rythmée lui parvient...On festoie dans la cité.
Ils pourront peut-être lui faire une place, juste lui donner une couche...Ce serait trop beau.
Car l'elfe n'arrive plus à trouver du bonheur où qu'il soit.

Les murailles de bois de la ville sont juste devant elle, elle la dominent. Elle rentre, une voix perchée au sommet d'un mirador crie quelque chose.
Personne ne se met en travers de sa route. Quelqu'un est là...Elle veut lui demander l'hospitalité.
Il a une chope de bière à la main. Il rit grassement en roulant des mécaniques au milieu d'une bande de donzelles roucoulantes.
Une fureur terrible s'empare d'Alquäloth.
Elle ne demandera pas quoi que ce soit à l'homme, ce soir.

Non, elle tire simplement son épée, la passe au travers du corps de l'infortuné villageois. Le sang coule, ça pue, ça pue la mort...
Les femmes échevelées courent tout autour, en poussant des cris stridents et inutiles qui ne font qu'accentuer la rage de sang de la guerrière. Elle tire sa deuxième épée, fait sauter la tête d'une des donzelles, ignore les suppliques de pitié d'une seconde et les embroche comme des dindes...

L'atmosphère de fête a cessée d'être. Dans la ville, on crie, on fuit, on pleure parfois, ça court dans tous les sens, bientôt ce n'est plus que cadavres ensanglantés et monceaux de membres disloqués.

Le sang a coulé à flots cette nuit-là. Alquäloth ne regrette pas, elle aimerait simplement savoir ce qui l'a poussée à commettre ces actes sanguinaires.
Elle réfléchit, longtemps...puis elle comprit qu'elle ne supportait plus de voir la joie, quel que soit le corps qu'elle revête.
Cette nuit, une ville a été saccagée par sa folie furieuse.
Et demain ? Que se passerait-il si un jour, elle apercevait les Satowa, ou les Ithryns Luin, festoyant gaiement ?

Elle eut peur de ne plus pouvoir se contrôler...
Alors elle décida quelque chose sur son avenir.
Elle deviendrait chasseresse de ces terres.
Elle traquerait celui qu'elle désirerait tuer, elle soignerait celui dont elle aura eut pitié...
Un jour, elle pourra s'occuper, en douce prêtresse, de quelqu'un blessé à mort, et le jour suivant, lui ôter la vie dans d'atroces souffrances.
A présent, le Mal, mot qui lui avait tant évoqué ving-quatre heures plus tôt, ne lui semblait n'être qu'un concept, un point de vue.
Pour elle, il n'y avait que ténèbres.

[HRP : Je m'incruste, j'efface si tu veux que quelqu'un d'autre réponde, ou si tu trouves mon post pas à ton gout Wink

]

Tiens tiens tiens...
Un meurtre de sang froid juste devant mes yeux.
En pleine rue... Voilà qui est peu méticuleux.
Qu'est ce que ceci ? Un chasseur traquant sur mon territoire ?
Hun hun hun...
Pauvre de vous, égaré votre ultime soupir est pour bientôt.
Vous vous êtes aventuré sur des terres maudites...
Là où les maîtres mots sont ruine et désespoir...
Profite encore un moment... Exprime tes derniers mots.
Je me découvre à ses yeux, c'est là, la limite...

Une femme.
L'odeur âcre du carnage embaume encore l'air...
Aujourd'hui il pleuvra du sang et des larmes.
Que vient t'elle chercher ici ?
Un asile, un espoir ? ou simplement un peu de chair...
Le capuchon rabattu sur le visage, je cache encore mes armes.
Quelques mots, brisant le silence apporté par celle ci :

- Il me semble que vous venez de commetre un crime...
Votre âme est donc châtiée pour les années à venir.
Montrez moi votre folie, faites moi voir le chaos qui vous habite.
Vous êtes sur le domaine de l'ombre et de la lune...
Les terres du magicien bleu... Ou Ithrin Luin dans votre language.
Vous êtes venue chercher un abri ?
N'avancez plus, là bas il n'y a que des ruines.
Vous êtes en quête de réponses ?
Nous n'avons que des questions...

J'ouvre mon manteau et me révèle enfin.
Son coeur est sombre, peiné par le chagrin.
Le mien n'est plus détruit par mes pêchés...
Mon âme tout entière n'est plus, elle a été fauchée.

- Partez au loin jeune guerrière si vous tenez à la vie...
Ne portez plus sur le monde un regard plein d'allégresse,
Maudissez avec moi ce jour ou vous sombrerez dans l'oubli,
Vous n'avez plus qu'a embrasser le démon et ses bassesses...
Vous n'avez plus qu'a faire un pas vers moi.

Sourire en coin, mes démons sont heureux.
Je lui ouvre la voie ou elle ne trouvera que sa mort.

[ HRP : C'est une bonne suite à mon post, on continue sur cette lancée alors ]

Alquäloth a rengainé ses épées souillées de sang poisseux, sans les essuyer. Ca va coller à son fourreau, mais elle s'en moque...Elle a entendu une présence derrière elle. Elle l'a entendu prononcer des mots, des phrases.
Elle a entendu le nom "Ithryn Luin ", et il a résonné dans son coeur.
Oui, elle savait ce que cela voulait dire dans sa langue, bien qu'elle s'était juré de ne plus la parler ouvertement.

Elle ne s'est pas retournée vers l'homme.
D'elle, il n'aperçoit qu'un dos aux contours brouillés par une cape couleur de nuit, deux talons encore moins discernables, et une maigre couleur violette profonde qui trône en guise de cheveux.
Elle incline légèrement la tête à droite...les paroles de l'inconnu ont ravivé toutes les douleurs qu'elle enfouissaient sous les coups d'épée.

Maudit ! Il lui a réouvert sa plaie, la plus douloureuse et la moins visible. Il n'est plus question de chair coupée et de sang coulant à flots, mais d'une blessure qu'on ne peux apercevoir que par les fenêtres de l'âme, les yeux.

Elle porte lentement la main à son fourreau gauche, ses doigts se referment, invisibles derrière les plis de sa cape, sur la poignée de son épée. Elle doit le connaître, savoir qui il est...Elle n'hésiteras pas à croiser le fer avec lui. Mais ses envies de meurtres se sont apaisées. Elle ne veut pas lui couper la gorge, pour le moment...

Juste découvrir son identité.
D'un mouvement ample de bras, elle dégaine et l'acier vient se placer juste sous la jugulaire de l'inconnu.
Il peut voir son visage.
Un visage fin, adolescent. Deux yeux bleus azur, un voile ombreux tiré dessus. Des pommettes hautes. Fières. Un beau maintien.
Elle n'est pas encore une femme, elle n'est plus une enfant. Quinze ou seize ans, c'est l'âge qu'on lui donne à première vue.

- Je ne vous veux pas de mal...

Une voix hésitante. Un peu trop aigüe. Elle a du mal à la contrôler.

- Vous me demandez de m'enfoncer dans l'Ombre avec ce qui reste de mon esprit...et vous me dites que mon âme est punie. Certes, je ne dormirai plus jamais la conscience tranquille après avoir été à l'origine de ce massacre mais j'apprendrai à me contrôler...Vous me proposez un chemin qui m'effraie, qu'y trouverais-je ? Pourquoi vous suivrais-je alors que je pourrai continuer comme j'ai commencé, en tuant ceux qui me déplaisent et soignant ceux dont le coeur m'est chaleureux ?
Donnez-moi une seule bonne raison de vous suivre...

Déjà, Alquäloth abaisse sa garde. Elle ne veut pas le tuer, non...

[HRP : Désolé pour le petit retard]

Voici donc une bien étrange jeune femme.
En ses yeux brûle une éternelle flamme.
Elle parvient à m'arracher un rire amusé,
La voilà bien naïve pour croire que je sois effrayé...

- Hun hun hun, vous ne me voulez aucun mal vous dîtes ?
L'idée de m'attaquer à une femme m'est impossible.
Vous savez donc que je ne vous prendrai pas pour cible.
Mais prenez garde, si vous désirez emprunter cette voie maudite.

La solitude n'apporte rien de bon, croyez en mon expérience.
Mais un autre choix s'offre à vous. Je peux être votre guide.
Là bas, vous pourrez trouver des réponses et une conscience,
Un espoir dans votre vie qui désormais sera froide et vide...

Fin de mes mots, je retire ma main de la garde de mon épée.
Un léger sourire et une révérence, puis je l'invite à s'avancer.
Qu'importe qu'elle ai tenté de le tuer, il faut rester courtois
Après tout qu'importe, la Mort je la mérite plus de cent fois.

Je me rend au sommet de la colline sur un chemin escarpé,
Nous nous rendons au coeur du domaine secret.
Arrivé à l'ombre d'un chêne millénaire je cesse mes pas.
Je me retourne lentement. M'a t'elle suivi dans le trépas ?

Etrange fatalité...
Elle s'échappait de Satowa pour devenir plus libre, solitaire, et voilà que des chaînes de nuit s'accrochent à elle.
L'éttouffent.
Et lui, il lui fait signe de sa main ouverte, une grande main, puissante et calleuse à force de manier l'épée. Un guerrier, pour sûr.
Il l'invite à le suivre...
Le bras de la guerrière mollit.
Son épée retombe contre son corps.
Elle ne la rengaine pas, non.
Elle croyait l'effrayer, lui faire peur, lui faire sentir l'odeur du sang qui caille sur sa lame, lui montrer que peut-être sa mort allait survenir, mais non...

Que de gestes bien dérisoires, elle, si petite, et frêle, à peine plus grande que son épée, menaçant d'une lame un guerrier surentraîné, un homme dans la force de l'âge, qui pourrait la mettre à terre d'une seule tape sur le crâne...

Méfiante, elle l'observe.
Il grimpe en haut d'une colline, plus un grand tertre en vérité, dont elle ne perçoit pas le sommet.
Un chemin serpente jusqu'au faîte de la bosse.
Il se retourne, un éclat brille dans ses yeux.

Alquäloth n'a pas bougé.
Elle l'a observé, immobile, petite mais droite forme dans la nuit mourrante.
La lune commence à disparaître au delà des montagnes, supplantée par le soleil dont les rayons d'or apparaissent faiblement derrière une colline, à l'est.
Alquäloth marche sur le sentier, déterminée.
Elle rejoint l'homme.
Elle arrive à sa hauteur.
Côte à côte, elle mesure bien deux têtes et demi de moins que lui.

- Qui êtes-vous ?

Bientôt, il fera jour...

Trois mots. Seuls Trois mots sont prononcés par cette inconnue.
Une question à laquelle moi même j'ai du mal à répondre.
Plus un pas. Plus aucun mouvement, l'immobilité d'une statue.
Le rire, froid, un ricanement qui ne pourrait jamais fondre.

- Hun hun hun, vraiment vous êtes adorable ma chère...
Tellement pure, vous osez poser des questions sans peur.
J'aime ça...
Mais revenons à votre requête.
En quoi mon nom vous servirait il ?
Vous n'avez aucunement besoin de la savoir...
Mais si vous y tenez...

Je me retourne et je lui fait à présent face. Un léger sourire se dessine.
Décidément, elle est pleine de surprises cette demoiselle, et de mystère...
Un long regard, les yeux dans les yeux. Nous quittons un instant la terre.
Ma voix rompt cet instant, et une nouvelle fois elle assassine.

- Erohir. Voici mon Nom. Maintenant, veuillez me suivre...
Vous savez, je me contrefiche de votre nom...
Il n'a aucune importance ici.
Soyez patiente encore un instant, nous arrivons à la forteresse des Hellequin...

Ce long et sinueux chemin, combien de fois l'ai je déjà parcouru ?
Trop de fois sans doute. Il est mon éternel chemin de croix.
Les derniers arbres font place au bois et à la pierre drue.
Cette fois nous sommes au centre de la place... Le coeur de l'effroi.

- Nous y sommes jeune épeiste... Vous savez il est encore temps de renoncer. Mais prenez garde, écoutez les murmures au loin.
Les Ithrins Luin arrivent, et ils viennent vous prendre.

[HRP: Tu peux répondre Aqualoth, mais je commence à manquer d'inspiration. Les autres, je vous encourage à l'acceuillir Wink

.
Sinon, j'ai bien une petite idée derrière la tête =)]

[ Alors je poste une dernière fois ici, en attendant les autres ]

Erohir...
Le guerrier invite Alquäloth à desendre la colline en direction de la forteresse des Ithryns Luin. Le duo dévale la pente abrupte avant de s'enfoncer dans un sous-bois qui semble vouloir grimper sur le versant de la colline.
Pierre et bois, bois et pierre, c'est tout.
Pas un brin d'herbe, pas une fleur, pas un chardon, pas un animal, rien.
Rien ne vient adoucir ce paysage ténébreux.
Ici, l'air est oppressant.
Les minces rayons de soleil ne pénètrent pas la forêt, les arbres sont trop serrés.
A tâtons, Alquäloth suit son guide.
Et bientôt, le bois s'ouvre sur une immense forteresse, hérissée de maintes et maintes tourelles, donjons, et crénaux.
Entourée d'épaisses courtines lisses et sans prises aucunes, elle domine, là, elle est maîtresse du lieu.
Un frisson désagréable parcourt le corps de la guerrière.
Pas très à l'aise, elle s'avance, légèrement...

La grande porte la surplombe.
Du bois épais, très résistant.
Elle l'effleure du bout des doigts.
Son destin se trouve derrière cette porte...

Elle se retourne, un petit regard sur Erohir.
Elle hésite, il est encore temps de s'en retourner...
Elle voudrait qu'il lui donne des conseils, des avis, quelque chose, ne serait-ce qu'un mot désagréable, mais non. Il reste, debout et droit. Muet.
Alors c'est elle qui parlera.

- Je...j'y...

Un petit sourire, sec et rapide. Juste le temps de faire apparaître deux fossettes au coin de ses lèvres. Puis, elle adresse un petit signe de tête en direction de la porte.

-J'y vais...

Alors, de ses doigts repliés, elle martèle la grande porte de quatre coups secs.
Le soleil se lève sur la forteresse des Hellequins.
Et bientôt, la porte s'ouvrira pour la mener vers une destinée qui l'inquiète...
Ithryn Luin.

Encore une insomnie...
Une de plus.
Ca fait plusieurs heures que je suis réveillée, mais je n'ai pas bougé.
Pas la force.
Pas l'envie.
Je suis bien, là, j'attends, le soleil finira bien se lever, et moi avec lui.
Je l'attends les yeux ouverts, comme souvent, couchée dans les coussins, les yeux fixés au-dehors, dans l'échancrure entre deux montagnes.
Il ne tardera plus, je connais ce gris perle du ciel, il ne tardera plus.

Je sursaute. Ce bruit... La porte. A cette heure ?
Etrange...
Enfin bon, tant pis pour le soleil, ils doivent tous dormir, et moi je veille, alors tant pis, il y aura un autre soleil demain.
Je descends dans le jardin, je le traverse, la rosée je mouille les jambes, c'est froid, c'est bon...
La cour sonne sous mes pieds durs, puis les dalles des couloirs, tantôt nues, tantôt revêtues de tapis profonds.
Puis la place devant la porte.
Voilà.
Il faut tirer fort, elle est lourde.
Mais une fois que l'inertie est vaincue, elle tourne sur ses gonds massifs, sans bruits ou presque.

Petite forme mince, cheveux d'ombre.
Je la connais.
Je me souviens d'elle...
Mais quel est donc son nom encore ?

Alquäloth ?...

Que fais tu ici, petite ?
Que fais-tu ici alors que la nuit finit à peine ?
Pourquoi la petite guerrière pleine de vie qui s'était un jour présentée aux portes, il y a si longtemps, porte-t-elle aujourd'hui ce masque sinistre ?
Que t'est-il arrivé, petite ?

Evidemment, aucune de ces questions ne franchit mes lèvres.

Je lève les yeux sur l'homme derrière elle.
Je ne l'ai plus vu depuis fort longtemps.
Et je ne le reconnais plus non plus.

Mais qu'est-ce qui leur arrive, à tous ?
Qu'est-ce qui nous arrive ?

Les portes s'ouvrent toutes grandes.
Derrière, une centauresse, très grande, très blanche.
Boadicea...

La première fois qu'elle l'a vue, c'était ici. A l'entrée de la forteresse des Ithryns Luin. Mais à ce moment là, Alquäloth était pleine d'assurance, elle était rentrée, presque en courant, elle avait franchi les portes, avait brandi son épée et défié les Hellequins...

La deuxième fois que le destin avait placé la centauresse sur sa route, c'était à Satowa. Devant un feu de camp. Elle et Arlequin avaient tous deux pris le risque de pénétrer dans le bastion des Satowa, alors que le clan de la guerrière était en guerre ouverte avec les Hellequins.

Et maintenant...
Maintenant, Alquäloth doutait d'avoir choisi la bonne issue.
Mais en voyant le regard que Boadicea porte sur elle, c'est impossible de reculer.
Un regard où se lisent mille questions. Un regard désoeuvré. Vieilli.

Elle prononce son nom.

Tétanisée, Alquäloth ne peut faire un pas.
Ni en avant, ni en arrière.
Elle a quelque chose de très gros coincé dans la gorge.
Quelque chose qui va exploser à tout moment.
Devant, son salut ou son tombeau.
Derrière, son salut ou son tombeau.
Rester là serait plus sage.
Ne pas bouger.
Attendre de moisir.
Elle le ferait, s'il n'y avait "elle".
"Elle" qui la regarde, qui demande...
Lentement, le pied d'Alquäloth se décolle du sol.
Se soulève.
Effectue un pas.
Deux pas.
Trois pas.
Elle a franchi les portes.
Devant elle, Boadicea.
Comme une lumière sur qui le soleil naissant a choisi de faire son nid.
Les lèvres d'Alquäloth tremblent.
Une voix étouffée parvient toutefois à sortir de sa gorge, une voix qu'elle-même ne reconnait pas.

- Je les ais tué. Il ne m'avaient rien fait et je les ait tué.

Les yeux d'Alquäloth implorent de l'aide.
Mais en attendant, ils déversent leurs larmes, refoulées depuis plus d'une journée.

Petite voix d'enfant perdue, enfant terrifiée, enfant brisée...
Les larmes lourdes, les lèvres qui tremblent...
La supplication dans les yeux...

Qu'es-tu venue chercher, petite ?
Ce que tu vis je l'ai vécu il y a bien longtemps.
J'ai combattu contre moi-même et j'ai perdu.
J'ai cru que c'était autre, que ce n'était pas moi, et on s'est chargé de me prouver le contraire.
J'ai couru, tué, je suis morte.
Tes larmes, je les ai pleurées, crachées, dégueulées tant de fois.

J'ai l'impression de me voir moi, telle que j'étais à la première aube.
Que veux-tu que je fasse, petite ?
Qu'est-ce que j'aurais voulu, à ta place ?
Le pardon ?
Il n'existe pas pour qui refuse de se pardonner à lui-même.
La réponse ?
Elle est en toi, chacun la sienne, et la mienne m'échappe, déjà...
Qu'est-ce que j'aurais demandé, si quelqu'un s'était dressé devant moi, en ce matin solitaire où je souhaitais mourir ?
Je lève les yeux, le soleil vient de passer les murs.
Je lui souris, comme tous les matins. Mon complice. Celui qui voit, qui est si loin qu'il ne juge jamais, qui donne sa chaleur à tous, sans distinction, au pur comme au souillé.
Au pur comme au souillé.
Voilà ce que j'aurais voulu.

Un geste simple, poser une main derrière ton épaule et faire volte-face.
T'emmener à l'intérieur.
Pas de longs discours, pas d'effusions inutiles.
Un seul mot, prononcé tout bas.

Viens.

Et c'est tout.
C'est déjà beaucoup.
Bien plus que ce que j'ai reçu...

La porte reste ouverte.
C'est bien ainsi.
Je m'en éloigne, le pas lent, égal.
Je t'entraîne, la main ferme sur ton épaule.
Le soleil est levé.
Pour tout le monde.

Une main sur son épaule meurtrie par l'effort et la lutte.
Une main, un contact doux, chaleureux, maternel.
Elle peut le sentir au travers de son armure de cuir.
Elle se laisse entraîner par la poigne de Boadicea.
Elle repense à cet unique mot : "Viens"
Un mot chuchoté, tout doux, comme une feuille de papier de soie, comme une peluche qu'on peut serrer, très très fort dans ses bras pour évacuer la douleur...
Un petit mot, si court, mais qui fait autant d'effet...

Où donc Boadicea l'entraîne ?
Elle l'ignore.
Elle s'en fout, en réalité.
Mais ça l'aide de marcher côte à côte avec une présence compréhensive et muette, quelqu'un qui n'a pas besoin de dire " je comprends ta douleur " alors que c'est faux, alors qu'il s'en fout complètement, alors qu'il n'a jamais eut l'impression d'étouffer partout où il va, alors qu'il n'a jamais eut à supporter le regard de personnes assistant à la mise à mot de leurs gosses, ne disant mot, tellement l'horreur les compriment...

Ca, elle l'a vécu, Boa.
Alquäloth y pense, et se dit qu'elle est comme elle, finalement.
Parce que la centauresse a vécu la même chose qu'elle.
Sauf qu'à présent, elle a grandi et assume.
L'étape qu'il reste encore à franchir pour Alquäloth.
Mais ce n'est pas le moment.
Trop tôt.
Elle se sent mieux.
Tourne la tête vers Boadicea.
Ses larmes se sont taries.
Ca ne sert à rien de pleurer.
Pleurer ne rescucite pas les morts.
Ca, il fallait y penser avant de leur ôter la vie.
Elle sourit.
Son sourire, léger et un peu crispé, tout fin, semble dire " Merci ".

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