Le coin du feu

Ranger Shery...

Ma foi, si l'idée n'était pas irréalisable, je dirais qu'elle est très bonne.
Oui mais voilà... Ranger Shery, ça pourrait s'apparenter à faire entrer dans un sac en tissu les huit tentacules d'un poulpe récalcitrant : y'a toujours un morceau qui se sauve...

Sinon c'est vrai que c'est tentant !
Genre l'accrocher au mur, trop haut pour qu'elle se décroche, mais assez pour qu'on la voie, elle est si mignonne, elle décorerait pas mal... Oui bon, avec un baillon. Un solide baillon...

Non, je crois que dans l'immédiat il vaut mieux lui trouver un truc pour l'occuper. Elle aime pas la glace à la fraise, mais il y a peut-être autre chose qui...

Oh...
Merci...

Il est tout rouge notre visiteur.
Et ma petite tunique légère aussi...
Jolie tache, mélange de bave de mini-cataclysme et de sang.
MON sang.
Ca a l'air plus sérieux que je ne le croyais... Faut dire qu'il a tenu bon un moment, le bébé tigre.
Il va falloir que je jette un coup d'oeil là-dessus, et que j'arrête ça comme je peux...
Eh merde, voilà Ero qui embarque mon infirmière d'élection ! Ah ben merci, qu'est-ce que je deviens, moi ? Qui va me faire le vaccin antirabique ? Pfffff... Ces mecs. Ils pensent quand même jamais qu'à ce qui leur pendouille entre les jambes. Ou du moins ils cessent de pensent à l'instant où ça cesse de pendouiller. Oui, bon, je me comprends...

Bon, il faut tout faire soi-même, ici.
Heureusement que dans ma branche on apprend à se débrouiller seul dans la majorité des cas...
Oui je sais qu'il reste Egon mais je... Enfin quoi, Egon c'est un homme, quand même ! Je ne suis pas dans le genre pudique, ou du moins je ne l'étais pas et je suis en passe de re-perdre ces mauvaises habitudes de me cacher sous du tissu, mais de là à aller se faire soigner une morsure au sein par un de ces mecs ci-dessus décriés...
Non, je crois que je vais devoir m'occuper de moi-même...

Allez hop, debout !
Waow... ça tourne encore un peu, quand même...
Je glisse le bout de tissu blanc dans mon décolleté, entre la tunique et la peau, aïeuh, ça collait dessus, ça fait mal quand ça se décolle et ça saigne de plus belle... Petite grimace... Rhôôôô, affreux petit monstre plein de dents... T'as de la chance d'avoir un si joli sourire...

Un sourire pour mon invité... (quoi ? MON invité. A moi. Ben oui, je me permets un rien de possessivité, pour les réclamations, c'est au fond à droite, troisième porte après le placard à balais)

Je vous prie de m'excuser un instant. Je vais aller m'occuper de ça...
Vous pourreiz essayer de me garder un morceau de quelque chose de chaud ? Vous seriez un amour...

Hop, direction la porte.
Je crois que je vais faire un brin de pillage aussi dans la fameuse pièce aux vêtements... J'y trouverai bien un haut de quelque chose pour remplacer celui-ci... Mais d'abord essayer d'arrêter le flot qui mouille déjà la serviette blanche...

Rhâââ, Shery...
Tu l'aurais pas volée, la fessée cul tout nu.
D'ailleurs je vais me garder l'idée au chaud dans un coin de la tête.

Quelque chose de chaud, dit-elle.
Vue la fournaise à disposition, mes faibles talents culinaires devraient suffire.
J'inspecte le plateau couvert de glace, les pensées divaguant. Elle s'en est rendu compte, que j'étais gêné. Mais on le serait à moins, non ? Quoique. Il faudra que j'étudie plus précisément les us et coutumes de ces étranges autochtones, pour les cerner un peu mieux. Pour l'instant, la ligne directrice de leur clan m'échappe encore. Une archère centauresse au caractère caractériel, un beau cul belle gueule, deux ivrognes qu'on peut supposer être sorciers, une petite elfe, une encore plus petite peste. Et je suppose que d'autres phénomènes doivent trainer en coulisse.
Au moins, ils n'ont pas jugé bon d'évaluer mes compétences martiales avant de m'inviter dans leur foyer, comme font certains. "Si tu veux manger, touche la pierre, là-bas". Gna gna gna. Saletés d'élitistes. Me laissent le ventre vide.
Voyons, voyons. Du poulet, parfait, reste à le réchauffer. J'attrape le tisonnier, j'enfile six ou sept bouts de viande rafraîchie dessus, m'approche de l'âtre et commence à les faire lentement griller.

Parce que lui proposer de manger saignant pourrait la vexer.

Et elle me dirait plus "Vous serez un amour".
Je la soupçonne d'être pertinemment au courant qu'il est des déclarations faussement innocentes qui prennent tout à coup valeur d'ordre grâce à une formulation bien sentie.

Non loin de moi, la petite elfe semble avoir encaissé tant bien que mal l'aSheryssage.

Tu vas bien ? Rien de brisé ? Si tu veux une aile pour te requinquer, n'hésite pas.

En espérant que ce soit pas une foldingue végétaliste comme certains de ses congénères. N'importe quoi. Manger de la salade, des pommes et des carottes, je t'en ficherai.

Fini de manger, je repousse l'assiette récemment vidée à mes pieds, à côtés du pouf. Et je pique du nez.
Je crois que je vais m'endormir...
Non, c'est vrai, regardez, écoutez le feu comme il crépite...
Sentez un peu comme il est moelleux, ce fauteuil...
Une bonne odeur de fruits frais et de sucre monte du plateau, venant titiller vos narines...
Ecoutez ce chant d'oiseau qu'on entend faiblement, dehors, ainsi que la rumeur des conversations qui paraissent faiblirent de plus en plus, bien que les voix qui les alimente semblent à la fois distantes et toutes proches...
Ma propre respiration me berce, j'imagine que la fenêtre se tache de la buée de mon souffle pour ensuite s'étioler, puis apparaître encore une fois...Oui, je pense que si j'ouvrai les yeux, je verrai ce petit brouillard, semblable en tout points à celui que je déposai sur cette même vitre, il y a quelques temps...Mais là, j'avais les yeux ouverts. Et je ne pouvait les fermer. Parce que quand je les fermaient, des images de carnage me revenaient en tête. Mais le temps des remords est passé, et là, vous voyez, je crois que je vais me laisser aller à une petite sieste...

YAHAAAAAAA !!!!

Gné ?
On m'appelle ?
Qu'est-ce que...
Outch !!!

Shery ! T'aurai pas pu contrôler ton atterissage ? Rhaaa là je vais avoir un gros bleu sur les deux genoux pour un bout de temps !
C'est plutôt con mais je peux même pas lui dire " petite peste " vu que maintenant, elle a à peu près mon âge. Bizarre...

- Hu ! Sheryyyy......J'allai dormir môa.....

Et paf, un regard dardé sur moi, avec juste ce qu'il faut de malice ( c'est à dire beaucoup beaucoup ) qui veut très exactement dire " c'est bien pour ça que je t'ai sauter dessus..."
Avec un grognement digne des plus gros ours de Kedrok, je retombe dans mes coussins, mais impossible de me rendormir avec cette douleur pas possible aux genoux...L'à dû me les tordre, c'est moi qui te le dit !

Regard circulaire aux alentours.

Boa, estropiée, qui saigne, avec autour de la tache rouge qui s'agrandit sous sa tunique, des marques de dents caractéristiques. Shery...
Sinekein, qui a l'air toujours un peu secoué, comme si on venait de le soumettre - ou de lui faire regarder - une séance de chatouilles intensives. Shery...
Et moi, les deux genoux qui font un angle bizarre avec le reste des jambes. Je remonte un peu ma robe pour vérifier l'étendue des dégâts...Ouatch, elle m'a pas loupé...Y'a un joli bleu, et si j'appuie un peu ça fait maaaAAAAALLEUH !! Shery...

On a tout l'air d'un groupe de rescapés d'une tornade, avec un tourbillon de flammes qui essaye encore de nous mettre par terre.

Et voilà que Sinekein me demande si ça va. Heu...Oui, certes...Rien de cassé ??? T'as les yeux en face des trous, toi ? Enfin bon, il a l'air gentil, alors c'est de mon ton de voix le plus naturel ( j'essaye, hein ! ) que je lui répond :

- Mouais...Enfin y'a quand même des jours où je me suis sentie mieux que ça. ( Signe de tête de gauche à droite ) Non merci, j'ai déjà mangé...

Je lui désigne les restes de la caille et les miettes du pâté de légumes dans l'assiette qui repose à mes pieds. Par chance, elle a échappé au tourbillon Shery.

Bon, voyons voir...

La pièce à vêtements, c'est cette porte-là, celle d'à côté c'est la petite salle de bain. Pas du tout prévue pour les centaures, mais j'ai juste besoin du miroir et du lavabo. Je pousse la porte, les flambeaux grésillent et s'allument.
Même pas surprise...
Tout est comme ça ici...
Je crois que cette forteresse a été construite par un peuple de gros fainéants... et je dois dire que ça m'arrange.

Bon.
L'étendue des dégâts !
Je lève les bras pour passer la tunique au-dessus de ma tête et en fait non je ne lêve pas les bras... Aïe. Oh la vache... Rien que de tirer sur la peau, ça fait un mal pas possible. Elle m'a refilé un microbe cette petite furie ! Pfffffffouh, expire, ça va passer...
Coup d'oeil dans le miroir, la tache de sang qui semblait stabilisée s'élargit à nouveau.
Eh meeeeeerde !
Bon, plus qu'à découper tout ça...
La petite dague très affûtée dans son étui le long de mon antérieur droit.
Scriiiiiiitch...
Maintenant décoller le tissu imbibé, en maintenant la serviette, oh merde, qu'est-ce que je vais trouver là-dessous, ça doit ressembler à Bourgidus après un raid Symposium... Pas plus mal tout compte fait que j'aie pas eu le temps de manger, j'ai l'estomac qui regimbe, là...
La tunique flotte jusqu'à mes pieds, chiffon inutilisable.
Reste la serviette, anciennement blanche.
Courage Boa.
C'est qu'une morsure de petite peste, ça tue les trolls, oui, mais uniquement les trolls délicats.
Une, deux, trois.

Quatre.

Merde...
C'est nul, ça.

Rhââââ Shery, si je te tenais, là tout juste, je te ferais subir autre chose que des chatouilles. Allez... Pas d'avance. Décolle ce truc et soigne-toi, Boa, merde, t'es une rôdeuse ou la petite soeur de la princesse machin ? Allez ! C'est pas la première fois que tu te prends une plaie, agis, nom d'un treürk. C'est pas parce que c'est ton nichon gauche qui a trinqué, quand même ? Si ? Eh ben ça se soigne, c'est pas ça qui va te ruiner ta féminité, t'en a un autre de sein, plus les deux petites mamelles d'en-dessous, alors hein, suffit les frayeurs à la con.

Hop.

...

Glp...

Attends, retire-le de nouveau, t'as même pas eu le temps de voir.

...

Oh misère...

Shery, je crois bien que je te hais, en fait.

Soupir résigné... Serviette propre sur le côté du lavabo, eau fraîche, et allons-y... Aïeuuuuuh !
Ca saigne toujours, mais on dirait que ça commence à se calmer.
En plus, un peu nettoyé, c'est moins horrible que ça en a l'air... Juste une marque en ovale piquetée de rouge, un peu à côté de la pointe... Pas passé loin, quand même...
C'est le moment de mobiliser mes maigres dons de guérisseuse... Je laisse la serviette sur le bord du lavabo, pose ma paume en coupe sur la blessure, ferme les yeux, concentration, chaleur, ça pique, reste concentrée, oui mais ça pique, on s'en fout, continue, encore un peu...

Ca ne pique plus...
J'enlève ma main. Sourire... Encore une petite marque, mais la blessure est refermée, la peau rose, toute neuve... Je me regarde dans le miroir, de loin dans cette lumière-là, c'est à peine si on remarque.

...
Ils sont pas mal, quand même, mes seins...
Assez petits pour être bien ronds et fermes, assez gros pour avoir un beau galbé... et cette pointe sombre, un peu timide, là, discrète, mais j'aime pas les gros tétons, et puis ça se voit trop sous les vêtements. Non, ils sont très bien, les miens, là.
Et de trois quarts ? Mouiii, joli... C'est pas pour demain que je serai positive au test de la hampe de flèche...
En plus, si je mets les mains comme ça, ça devient carrément...

Carrément n'importe quoi.
Non mais Boa, c'est quoi cette crise de coquetterie, là ?
C'est ça tu glousses, et en plus t'es encore en train de regarder comment ça les fait osciller... Mais qu'est-ce que t'as dans le crâne pour le moment, toi ?

Allez, ça suffit comme ça...
Je quitte la pièce, en abandonnant mes chiffons souillés, je sais que dans quelques secondes, dans l'obscurité revenue, tout ça disparaîtra...
La porte suivante m'attend.
Et ce petit haut de soie noire, tout chatoyant, juste assez lâche pour ne pas frotter sur la peau encore sensible, et qui tient comme par miracle sur quelques volutes de métal... Ravissant.
Ravissant et à moi.
Miroir ?
Parfait... il vient onduler juste en-dessous du nombril, épouse la taille sans la serrer, et ces manches lâches, j'adore, c'est...

Boaaaaa ?
C'est tout.
Retourne dans la salle.
Mais t'es impossible ce soir, intenable, le coup de froid d'Erohir a dû te tordre un truc dans la tête.
Suffit, maintenant, ton invité t'attend, je te rappelle...
A partir du moment où tu en revendiques la propriété, il serait peut-être bon que tu évites de le laisser trop longtemps livré à lui-même...
Ou pire.
A Shery...

Bigre...
J'avais pas pensé à ça...
Le pauvre...

Je ne fais qu'un bond jusqu'à la salle commune. Coup d'oeil panoramique. Sin ? Vivant. Pas tordu gémissant de souffrance, pas assomé non plus, et il a encore tous ses cheveux et crins, à première vue du moins...
Ouf...
Grand sourire, donc.

Désolée... J'ai été un peu longue...

[et de fait, oui, j'ai été un peu longue ^^ je m'suis fait plaisir, c'pô un crime Razz

]

Ouuuh.

Bon sang, la centauresse.
Cette petite tunique de soie noire, c'est...wooow.

Bon, en-dessous, ça se gache un peu, mais bon...
Je l'ai toujours trouvé, élégante, noble, parfois même gracieuse, mais là...

Pourtant je l'ai déjà vue avec des vêtements plus...enfin moins, surtout. Parfois même avec aucun vêtement.
Là, je sais pas, c'est comme une femme qui serait attablée, et dont on ne verrait que le buste. Ca fait comme une interruption, cette tunique. Quand elle a rien sur elle, ben c'est un centaure, quoi, mais là,...là,...holala.

Parce que moi, tout ce qui s'éloigne un peu trop de l'humain, ben, c'est pas ça, j'ai rien contre, mais,...à part les elfettes...c'est un peu, je veux dire, pas...pas ce qu'il faut, quoi, voilà.
Je sais, d'habitude je suis plus clair, mais bon, ce soir, c'est relâche, un peu aussi, hein...

Alors Boa, je sais pas ce qui m'arrive, mais, c'est comme ça, tant pis, ben oui, je regarde, je m'en mets plein les yeux, même, rhôôôôôô.

Et je vois...héééé, je vois.... mais c'est que ça marche comme les humaines, question devanture, les centauresses. Elle peut plus avoir froid, il fait bien chaud ici. Hé hé hé héééé, mais qu'est-ce qu'elle est allée nous faire, là-bas à la salle de bains, cette coquinoutte?

C'est vrai qu'elle est restée un bout de temps, quand même...
Ou alors ce serait le frottement du tissu qui... c'est vrai que c'est doux, la soie...

Ah bon.
Pas de poulet alors.
C'est marrant, mais la petite, là, elle me paraît aussi dangereuse que celle qui court partout. Sauf qu'elle se contrôle.
Ou bien, ce soir, elle a pris sa piqûre. J'en sais rien.

Certes, mais comme on dit que l'appétit vient en mangeant...n'hésite pas (j'arrive pas à la vouloyer...j'espère qu'elle ne m'en tiendra pas rigueur...), le client est roi.

Et le meilleur client - moi - de se resservir un bon morceau de barbaque. Ca creuse, les courses. Encore, s'il n'y avait eu que ce troll, c'aurait été, j'aurais fini par m'en remettre sans débordements d'appétits intempestifs. Mais la galopade à travers bois derrière une centauresse qui avait le feu à la croupe, ça a été la goutte de vin qui a fait déborder la bouteille.

Vin...vin...j'ai soif, moi. Mais non, pas d'alcool, fais gentleman, type civilisé. Le thé, c'est très bien pour ça. Pour l'alcool, peut-être un petit verre, plus tard, en parlant. Mais...mais pas tiré de la même flasque que celle du sorcier avachi dans le sofa.
Quelque chose me dit que j'ai pas la carrure, ni les trous dans l'estomac assez larges. Rien qu'à voir l'aspect de la fiole (oui, pour les produits dangereux, on dit fiole), on comprend que la fermentation n'a pas été bien maîtrisée. Ils ont du arrêter la commercialisation. Certain que les gens devenaient aveugles, bien qu'au petit-déjeuner...

Bref.

Allez. Sois pas fine bouche. Prends quand même du vin. La bouteille te tend la culasse, interdiction de faire sa mijaurée.
Hop ! Une chope !
Et ça rime. La base de toute chanson paillarde naine.
Le plateau est retourné près du feu.
Je porte la coupe à mes lèvres (vous avez remarqué ? Lorsqu'on "porte à ses lèvres", même si on tient un vase, une tasse ou une bouteille, on dit la "coupe". Je sais pas ce que j'ai ce soir, avec les récipients, je me pose des tas de questions intéressantes).
Reprenons.
Je porte la coupe à mes lèvres...

Suspens...

Et je m'étrangle.
Vu que Boadicea est rentrée et que je l'ai vue.

Vite, on dissimule un avalement de travers.

Kof kof...

Faut que je vous détaille le pourquoi du comment ? Je crois que c'est clair. Détourne le regard, pauvre nouille, et médite. Elle était jolie tout à l'heure, et, clairement, même si elle s'est pas soignée et changée en trois secondes comme ferait un mec - on essuie, sans produit, parce que ça pique, et on colle un truc par-dessus - ben ça valait le coup d'attendre.

Elle est...

Elle est telle que je finis mon verre, histoire de reprendre une contenance. Pas une mauvaise idée, en fin de compte, le vin.

Je reprends le plateau, et l'air le plus faussement naturel du monde, je m'approche. Fais pas de remarques sur son physique, ce serait la caricature du dragueur de bas-étage. Retiens-toi. Fort.

Je vous ai gardé de la viande au chaud, charmante dame.

C'est pas ma faute ! C'est sorti tout seul...

Je ris...

Et pourquoi pas Milady ?
Je dois vous gronder ?
Je ne suis pas une Dame...

Regard incisif à Egon. Sourire aussi, quand même...
J'aime bien l'air qu'il a quand il se laisse un peu aller comme ça...

Sans commentaire, monsieur le cérémonieux.
D'ailleurs, la preuve...

Trois pas, une coupe, une bouteille de mon cru préféré, capiteux et velouté, une belle rasade, pas trop, lever de poignet (ooooh, l'immonde coquette, c'est quoi ce petit fléchissement de bras pour faire glisser ta manche, t'as pas honte, c'est scandaleux) et je me la descends en trois délicieuses gorgées...

Mmmmmh...
Je vous le conseille celui-là...
Il est miraculeux.

Je repose la coupe avec un petit clappement de langue.

Voilà. Convaincu ?
Boa tout court.

Et je me réinstalle sur mon divan à centaure... et comme l'autre divan est occupé par un sorcier vautré et un autre assis, je me pose tout au bout du mien, en laissant bien la place pour un autre, pas trop gros...

Alors là, l'artillerie lourde... Le regard innocent ET le sourire de malice, avec la fossette à droite. Boa tu es impardonnable.

Je peux quand même avoir un petit morceau de poulet ?

Cette fois c'est trop. Y'en a marre. C'pas croyable ça ! Je les entend jusque dans mon bosquet ! Peut même pas pioncer tranquille, c'est dire !

V'la la porte. Allez Rey', tu rentre, tu gueule, et avant qu'ils aient le temps de répondre, tu ressort. Ca les refroidit, et toi tu pionce.

Allez mon vieux, comme un taureau !

J'ouvre la porte, exécute une entrée fracassante et...fracassée.

Quel est le con qui a mit cette chaise ici ?

Ha heu...pardon...je...

Qui c'est celle là ? Bon Dieu ! Quelle croupe ! Merde, Bonn...boa, je crois...

Et moi qui suit tranquillement dans mon bosquet au lieu de reluquer ici ! Mais merde, mais ou est-ce que j'ai appris à vivre !

Et...Mince...Qui c'est l'autre ? Ho le plan vaseux quoi...incroyable...

N'empêche qu'il emballe...

Ta gueule, la voix...

Puis depuis quand j'entend des voix moi...c'est c'te divine pouliche qu'a fait ça j'suis sûr.

Bon, j'ai l'air con, les quatre fers en l'air...

Je...Comment...je...n'ai plus de vin dans ma 'chambre'...

Bien ! Très beau premier pas !

Mais t'as pas honte sal*perie ? Comment tu peux insinuer des trucs pareils !

P'tet depuis que j'ai croisé l'autre fée qui m'a dit d'être plus intelligent avant d'apprendre à me soigner seul...Ca doit être ça d'avoir un intellect surdéveloppé. Je sentais de toute façon que je devenais malin, rien qu'à voir comment j'ai réussit à négocier pour que l'autre prêtre à la "je saurai rester humble" accepte que je lui paie ses services ! Je l'ai bien eu d'ailleurs ! Ha, il croyait repartir sans rien le mec !

Tain j'm'égare ! Encore un effet de mon intellect.

Bref, l'autre a un peu de vin qui lui coule sur le menton, doit en rester pour moi donc.

Heu....c'est par où les chopines ?

Bien, bien, je vois.

Oh oui, je vois. Je vois même sans doute trop bien, et c'est pas le moment de se choper une crampe des muscles optiques. C'est symptômatique ; j'ai beau regarder partout ailleurs, impossible de voir autre chose.
Rosissement léger. Quinte de toux pour le cacher.

Boa. Boa tout court. Je m'en souviendrai.

Associé à un évènement inoubliable, des éléments restent gravés dans la mémoire. Là, c'était pas inoubliable - quand même...quoique...de si près... - mais ça marque. Bien.
C'est fou ce que tu radotes quand tu sais pas où te mettre. Naturel, rooh.

Malheureusement, je n'ai pas encore goûté d'autres v...

BAAAAAAAAAM !

(Un elfe aurait fait BAM !, Shery aurait fait Pif !, mais là c'est un centaure, alors ça fait un BAAM avec plein de A)
Donc un centaure déboule et s'écrase lamentablement derrière Boa et sur le sol. Après avoir repris mes esprits et une gorgée de vin (Zeugma !), je comprends qu'il est en rade de boissons alcoolisées. Je le plains.

Beeen...je ne peux décemment pas dire qu'il n'y en a plus ici. Faites votre choix parmi les bouteilles.

Maaaais je me réserve celle désigné par ma...par la belle, lapsus, d'un pas décalé d'une discrétion dont je me félicite. Non, pas pour toi celle-ci.

Si.

Ma belle, parce que visuellement, j'en profite.

D'ailleurs, est-elle à quelqu'un d'autre ?

Raah, Sin. T'es invité. Pas de pensées comme ça. Gourmand, va.
Le simple bonheur des yeux.

D'ailleurs, mon bonheur des yeux s'en est assis sur un sofa, avec la place qu'il faut pour qu'un centaure - type moi, exemple au hasard - la rejoigne.

Et avec le genre d'expression qui me ferait me rejeter dans la rivière de tout à l'heure, celle avec la cascade, sans hésitation et le sourire aux lèvres. D'ailleurs, le sourire joue aussi. La fossette, bien sûr. Un peu tout quand on regarde.
J'obéis. Euh...j'accepte. Quoique. Quand on a des arguments pareils, est-ce autre chose qu'un ordre ?

Le pas tranquille, point trop empressé, pour ne pas donner l'impression de se ruer sur la place. Mais déterminé quand même.

Mouais. Bilan : ridicule.
Sofa confortable.
Voisine à tomber.
Positif.

Te...tenez, c'est un peu plus cuit si vous allez vers la gauche du plat, mais vers la droite, je les ai laissées plus saignantes, je ne savais pas ce que vous préférez. Si vous voulez bleu, je peux me débrouiller aussi. La cuisine, je contrôle correctement, amateur, vous comprenez ?

Paf. La tirade. A toute allure.

C'est quoi ce vacarme ?

Quatre sabots qui s'agitent... Reyan ?
Probablement, oui...
Il y a un temps, j'aurais dit Aim, mais là, ça ne peut être que Reyan.

Je ne le connais pas bien, Reyan...
A peine si on s'est adressé la parole depuis qu'il est là...
C'est un peu ma faute, "avant" j'étais trop mal et cloîtrée dans mon jardin, et "après" j'étais souvent partie, et quand j'étais là, rebelote, cloîtrée dans mon jardin...
Etrange quand même, à quel point je me terre, moi, dès que j'ai quelque chose qui me tournmente... J'aime bien la compagnie des gens, pourtant, et je me sens souvent seule, mais alors, pourquoi est-ce que je me cache tout le temps comme ça ?
Encore une vieille habitude à changer, comme celle de porter des vêtements et de me sentir capable de monter un escalier... Question de réadaptation, rien de plus.
En attendant, je ne connais pas bien Reyan et je touve que c'est dommage.
Tout ce que je sais de lui, c'est qu'il est encore plus timide que moi. Et encore plus brusque en réaction de ça... Mais bon, c'est un mâle aussi, c'est pas pareil... La timidité à la limite, chez une fille, c'est mignon, chez un mâle, tout de suite, ça passe moins bien... pour la majorité des gens.

Je lui souris pendant qu'il se relève, gentiment, sans me moquer, manquerait plus qu'il le prenne mal, c'est que c'est chatouilleux de l'orgueil, les mâles, le plus souvent... Sin qui lui répond, sommes-nous de si mauvais hôtes qu'il faille qu'un invité lui-même fasse le boulot à notre place ? Regard alentour, Alquä somnole, Arl en écrase franchement (Max a mis la dose, cette fois, faudra que je lui en parle, il va finir par lui crâmer le cervelet, à force de l'envoyer dans ses mondes imaginaires à la pèche aux paysages...), Egon est en vrac dans un coussin à centaures, la pipe aux lèvres et les yeux brillants, Shery, aïe, ça c'est un peu angoissant, Shery est hors de vue. Conclusion, oui, nous sommes des hôtes immondes, des gros fainéants !

Je ris...
Et non content d'accueillir Reyan, Sin me tend de la volaille grillée, à divers degrés, s'il vous plaît, mais c'est une perle ce garçon ! Merveilleux ! Je m'empare d'un pilon, tout doré, et je m'en grignotte un morceau... Waooow...

J'adore...
Tout croustillant, c'est un délice...
Ah non franchement, vous êtes doué....
Faites attention, si je vous trouve trop indispensable, je risque de vous séquestrer...

Le tout entrecoupé de bouchées de poulet grillé...
Boa ? Tu te rends compte que tu flirtes, là ?
Et même pas discrètement en plus.
Ca doit être le vin.
Il me fait toujours tout chaud partout celui-là.
Le traître...
Et hop ! Les joues toutes rouges ! Ben oui, ça faisait longtemps...
Un regard de côté pour m'excuser, un petit rire gêné caché dans la serviette de lin avec laquelle je m'essuie le coin de la bouche.

Ne m'écoutez pas je dis plein de bêtises.
C'est le vin.

Changement de sujet. Mais j'arrive pas à m'arrêter de glousser, c'est une horreur.
Et puis tant pis. C'est bon. Je me sens bien.

Reyan, méfie-toi de celui-là, c'est le vin qui fait dire n'importe quoi !
Tu veux que je t'aide à virer ces bipèdes de l'autre coussin ?
Non mais c'est vrai, quoi, ils ont des dizaines de fauteuils et de sofas, il faut qu'ils piquent les nôtres !

Un regard faussement courroucé sur Egon.
Je le fais bien aussi, le regard faussement courroucé.
Surtout quand je rigole encore...

Bon, déjà c'est pas la honte totale, pas de grands sourires affichés, c'est toujours ça.

Reyan...méfie...vin...n'importe...........Bipèdes....canapé....

Putain c'est dingue....complêtement obnubilé, j'entend plus rien, j'y vois tout flou, à part son corps...mais l'autre est déjà dessus...enfin je me comprend.

Une fois bien campé sur mes sabots, je me colle une bonne baffe et là, illumination, ça va mieux. Je lui fait répèter ce qu'elle vient de me dire, ce qu'elle fait avec gentillesse...bon ok, pas spécialement, mais c'est pour la forme !

Et là...tain c'est royale quoi. Des canapés spéciaux pour nous, mi-humains, mi-équin, mi dégénérés ! J'avais jamais vu ça ! Moi qui me vautre comme une grosse loque dans mon parterre de mousse !

Alors évidemment, je vais pas dire non quoi !

Pourtant, mon regard croise une sacro-sainte fiole qui me parait aussitôt alléchante et s'impose comme objection.

Mais merde, je m'entraine pas pour des quenelles bon dieu ! Si je peux pas subtiliser cette fiole à un type complêtement cuit, j'ai plus rien à faire sur terre.

Avec plaisir ! Mais heuuuu méthode dure ou méthode féminine ?

Ha ! Et j'allais oublier, genre ! Comme si ça s'oubliait un truc comme ça !Serait-il possible de gouter au brevage contenu dans cette belle fiole ?

Je me dirige vers les sofas, puis m'arrête soudainement...quel point de vue...wow, jamais vu ça...merde, pas discret, j'arrête donc de mâter et vais me servir une petite coupette en attendant l'ascendant de la dame...que dis-je...ça suffira en fait...

Hmmm...

Ce type ne me dit rien qui vaille. Il a l'oeil tellement baladeur qu'il en est certainement pire que moi. Pour assurer ma position, je m'affale un peu plus sur le sofa.

Mon sofa. Enfin...le sofa où JE suis. Et où ELLE est. Et d'où je ne bougerai pas tant qu'elle y sera. Nom d'une pipe.

Non. Ca va pas. De la tenue, là on dirait un barbare qui lèverait sa coupe aux daims ou aux torts (je n'ai jamais trop compris ces manies...surtout quand ils commencent à se dire "Va là ! Là !", et qu'après ils se mettent des gnons parce qu'ils n'y vont pas).

Je me redresse. On me délogera pas comme ça, de toute façon. Surtout si je reprends une aile. Vous ne déplaceriez pas un type avec une aile de poulet dans la bouche, quand même ?

Me séquestrer ?

Je réponds quoi. Y'a trop d'hypothèses.
Primo : le couplet "Sinekein est le vent, Sinekein est l'air, il es volatil, et on ne peut le capturer". Mais la troisième personne, c'est pédant.
Deuxio : "Oh, oui, séquestrez-moi !", mais ça fait soumis.
Troisio : type galant.

Certains auront sans doute connu de moins charmants geôliers.

Impératif : remplacer dans ton vocabulaire "type galant" par "dragueur ridicule".
Pour être de bonne foi, à défaut d'être séduisant.
Cela pourra être une petite victoire au beau milieu d'une grande défaite.
M'enfin, comme elle rigole...
Elle doit être bien disposée.
Tarte mentale. T'es invité. Tu ne sais pas si elle est...enfin, voilà. Ca fait déjà trois fois que tu te le répètes, et autant que trente secondes après, tu joues le Roméo.
Soit tu as une mémoire instantanée de posson rouge, soit tu n'arrives pas à te retenir.
Ce qui signifierait que...
Que. Point.

Coup d'oeil à l'autre centaure qui veut tirer la fiole d'un des ivrognes.
En théorie, je devrais aller l'aider à déplacer les deux types, enfin surtout l'un qui est aussi actif qu'un sac de terreau, mais...
Mais si j'y vais, il peut me piquer ma place.
Alors non.
Pis c'est à moi d'agir et de donner des ordres dans cette baraque ? Certainement pas.
Mais il ne faut pas non plus que ce soit à D...
A Boa.
N'empêche, je lui envoie très fort un message mental - avec mes non-dons de télépathie - qui dit "Fauche-lui sa fiole, fauche-lui sa fiole, pis fous-les par terre si nécessaire".
En espérant que le sourire entendu que j'ai sur les lèvres soit assez explicite.

Ha, et bien il ne me semble pas me souvenir d'avoir vu autant de centaures réunis dans cette pièce... Ca fait plaisir, c'est varié, et cosmopolite... En plus, notre confrérie semble attirer les plus intéressents individus de la gent hexapode equanthrope...

Ha, Reyan! Vous allez bien? Auriez-vous croisé Miw, en venant nous rejoindre? Je me demandes où elle peut bien être...

Un goutte de ce flacon? Mais certainement! Encore que je vous conseillerais plutôt de commencer par manger quelque chose, accompagné d'un de ces vins si capiteux. Ma flasque est intarissable, mais elle contient une Uisge, délicieuse, mais plutôt forte. Je vous la recommende comme digestif plutôt que comme apéritif.

Vous cherchez à vous asseoir, sans doute?
Je vous cèderais volontiers ma place, mais Arlequin, comme vous le voyez, euh... et bien, est ... enfin, regardez comme il a l'air bien... auriez-vous le coeur à le déranger?

J'ai une meilleure idée.

Lectulus amplifica!

La formule à pein murmurée, le coussin à centaure déjà occupé par Boadicea et son invité s'allongea, ménageant une large place supplémentaire, tout-à-fait aux dimensions d'un troisième centaure, du côté de Boadicea.

J'envoyai à Reyan un regard un rien brillant, et m'installai plus confortablement encore dans le coussin à centaure que j'avais investi et qui venait de devenir surnuméraire, avec un sourire discrèt.

C'est mal, ça, d'ignorer ma petite remarque et de riposter par un compliment.
Très mal.
J'en rougis, tellement c'est mal.
Est-il permis de tourner d'aussi adroites phrases, et de les décocher avec ce petit reflet dans le regard, hein ?
Oui ?
Ah bon?
Ah... oui, c'est juste, j'admets, j'ai fait presque aussi fort dans le genre.
Bon.
Admettons que c'est permis, alors.
Mais je suis écarlate quand même.
Et j'adorerais pourvoir me cacher dans une seconde coupe de vin...

Egon détourne mon attention fort à propos ma foi.
Et c'est vrai que je n'ai pas revu Miw ! Où est-elle, la petite boutefeu ? J'espère que je ne lui ai pas fait peur avec mes démonstrations de rage intempestive...

Pas le temps de fouiller la pièce du regard que... héééééééééé !!!!
Mais Egon qu'est-ce que tu fous !
Déséquilibrée par un mouvement étrange autant qu'inattendu de mon coussin, je bascule légèrement, m'abattant sans douceur sur l'épaule de mon voisin.
Aïe.
Il est toujours torse nu.
Aïe.
Ca me fait tout bizarre derrière le sternum.
Aïe.
Je ne veux pas le savoir. Nan, c'est juste pasque j'ai encore soif, ça n'a rien, mais alors rien à voir.
Je retire ma main et me redresse, tout en passant d'écarlate à cerise. Si ça tombe j'ai même les joues qui brillent. Oh la vache... Egon, t'aurais pu prévenir, salopard...

Je regarde côté croupe, mais qu'est-ce qui s'est passé bon sang ?
Ah.
Oui, évidemment. Ca résout le problème de place...
Y'a moyen de mettre encore un bon centaure, là... pour autant que j'enlève ma queue.
Ben oui...
Le coussin s'est allongé, provoquant d'ailleurs le coup de roulis qui m'a jetée sur l'épaule nue et ferme, à la peau douce, chaude et parfumée, contre le corps discrètement mais élégamment musclé, contre...
Hum.
Reprenons.
...qui m'a fait perdre l'équilibre et heureusement que Sin était là sinon je m'étalais.
Et ma queue qui tombait au bas du coussin est à présent déployée sur une bonne moitié de la nouvelle surface disponible.

Un regard à la place, un regard à Reyan...
Un sourire à Reyan.
Tiens, le retour de l'attaque de la fossette tueuse...

Bon, voilà le marché.
Une coupe de ce vin contre la place libre.
Tope-là ?

Et un petit mouvement en vague pour éparpiller les crins un peu plus.

Boa tu es un monstre hideux.
Comment ça se fait que tu n'es plus que rose, d'ailleurs ?
Honte à toi.

Ho la claque !

Hooooo la claque !

Hooooooooooo la vilaine claque !

Passer de squatteur à larbin par un hideux chantage, c'est honteux !

Tain, d'un coup j'ai moins envie de boire, direct, avec c'te fille qui est un thermomètre ambulant, elle passe d'hyper-chaude à limite frigide ! J'hallucine !

L'orgueil en prend un vilain coup ! Mais c'toujours pareil, question d'habitude.

De principe.

Toi ta gueule.

Bref, après tout, c'normal, l'autre attise la flamme depuis qu'il est arrivé, il attend juste que la température soit bonne, alors regarde, admire, et prends de la graine vieux !

J'lui sers sa coupette, m'en sert une et lui donne, puis je m'affale à la place restante, usant de mon seul talent : celui de ne jamais renverser un verre, quoique je fasse.

Et là, d'un coup, j'ai envie de dire comme une envie de pisser, j'ai une méchante envie de bouffer, la sensation de m'autodigérer, donc je pioche dans le plat galament préparé par l'aut' guignol, en lui adressant un grand sourire d'encouragement.

Oui, je suis discret, depuis toujours.

Sur l'échelle d'estime, la seule, la vraie, la mienne, le nouveau il était parti de bien bas. 2/10 mettons. Hé, c'est un mec, et un centaure en plus. Bon, autant dire que pour les poilades entre potes, j'étais pas parti pour être sur la bonne longueur d'ondes.

Ensuite, malgré ses yeux baladeurs (1/10), j'ai vu que ce qu'il matait le plus ouvertement c'était une fiole, THE fiole, le débouche-canalisations d'Egon, aussi appelé "Mort au tout". 3,5/10. Pis ensuite, plutôt que de sortir le mot d'esprit qui me serait passé sous le nez histoire de me mettre dans la...enfin, de m'embarrasser, il m'adresse simplement un sourire avec autant de sous-entendus que ceux de Boa ont de fossettes. Tout plein, donc.

Là, je m'incline. 7/10. On va être copains, tous les deux.
Il serait monté à 8 ou 9 s'il avait eu le réflexe de m'apporter une coupe en sus, mais bon. On ne peut pas se plaindre de l'évolution, en toute franchise.

Pourquoi, juste ciel, est-ce que je raconte toutes ces salades, moi ? Hein ?

Ca doit être le choc.

Le fait de m'être retrouvé, sans préméditation et en toute surprise, avec Boa contre l'épaule, juste parce que le Merlin du coin, à défaut de les multiplier, agrandit les sofas.

Mauvaise idée sur le principe. Trèès mauvaise idée. Je l'ai pensé pendant...0,18 secondes.
Juste avant qu'elle ne vacille.
Et là, je me suis dit que le fait d'avoir un rival potentiel (et ceux qui ont suivi se souviennent que finalement, je l'apprécie) n'était que peu de choses comparé au fait d'avoir une si jolie centauresse contre l'épaule. C'est doux, c'est agréable.
C'est gêné, ensuite. Inévitablement. Moi aussi, du reste. Regard furtif, j'ai été vaincu à plate couture au concours du mûrissement le plus rapide. J'ai à faire à une championne.

Même si je me défends.

Hum...il est...impressionnant, cet homme. Il sait vraiment transformer n'importe quoi ?

Et puis, ses formules...on l'imaginerait presque avecc une baguette magique fabriquée avec...avec une plume de phénix, je sais pas trop pourquoi je dis ça, mais c'est l'impression que ça me fait.
L'imagination a des pouvoirs bizarres parfois.
Bref.
Tout ça pour dire que...que je sais pas trop quoi dire.
Vu qu'on est trois.
Faut imaginer une conversation sociable, politesse oblige.

J'ai trouvé !

Et hop ! Une nouvelle aile de poulet.
Ca me cache un peu les joues, tant que je l'ai devant la bouche. Pas super efficace. Mais on fait ce qu'on peut.

Glp...

Mais...

Euuuuh...

Ooooh....

Ca va pas du tout là, j'ai la tête qui tourne.
Pinard ?
Pas pinard.
Je sais pas mais c'est pas pareil, le pinard ne fait pas trembler les mains et il ne provoque pas de soubressauts du côté du palpitant.
Serait-ce possible que ce soit la proximité immédiate de deux mâles de mon espèce, proximité fort rare et inattendue, qui me fasse cet effet-là ?
J'ai l'impression d'être une souris installée entre deux matous affamés. En moins désagréable. Mais quand même. Ca me fait une drôle de vrille dans l'estomac, il faut que je bouge, je ne peux pas rester là.

Egon, tu me le paieras. Je suis sûre que tu ricanes derrière ta pipe.

Donc je me lève, le plus doucement possible pour ne pas déranger mes voisins. Un prétexte, vite... Grand sourire innocent, j'emplis une coupe de vin que je tends à Sin, j'approche la bouteille de celle de Reyan, des fois qu'elle serait vide, et je complète. Je repose la bouteille, et...

Et...

Et ?

Argh...

Vite...

Ayé !

Est-ce que je l'avais bien laissée là ?
Ouiiiiii, quel bol, elle est sur le grand meuble bas, sous la fenêtre.
TRois pas pour aller la chercher et je reviens devant le feu.
Voilà qui va m'occuper les mains, m'occuper la tête, et me calmer, comme ça me calme toujours...
On verra si ce trouble-ci est vraiment récalcitrant, ou si il passe aussi bien que tous les autres qui se sont écoulés hors de moi pas les cordes de cette petite harpe...
Petite, pas si petite que ça... C'est ce genre de harpe dont les humains jouent assis, en la coinçant entre leurs genoux. Je l'ai achetée à un troubadour de passage qui avait décidé de devenir barbare. Quelle bonne idée a eue là ce brave garçon. Il était à peu près aussi gros que Shery, et aussi grand que moi quand je suis déguisée en fille... Enfin, c'était son choix. Moi je prends soin de sa harpe... Ma harpe. Pas tout à fait adaptée, mais je m'y suis faite, et il se peut qu'elle se soit fait à moi, aussi...

Le feu éclaire encore assez bien, je vais m'agenouiller non loin de lui, pas assez experte, loin de là, pour pouvoir jouer dans le noir ou les yeux fermés. Je suis dans l'ombre, il est dans la, lumière, c'est parfait. Je cale l'instrument entre mes genoux. Idée saugrenue, cette petite chose-ci ne me mordra nulle part, elle, au moins... Je souris.

Frôlement de doigts sur les cordes...
Encore un frôlement...
J'attends qu'une mélodie décide d'émerger d'elle-même.
Et elle émerge. Elle est douce et légère, un peu piquante, pas trop rapide... Elle ressemble à une promenade dans un jardin magique, ou à une baignade dans un ruisseau. Elle ressemble à mon sourire de tout à l'heure, immédiat et qui se fout du lendemain, pour la première fois depuis longtemps. Léger, tendre et reconnaissant.

Sorcier de pacotille ! Merlin de bas-étage ! Enchanteur à la petite semaine ! Magicien bricoleur ! Dans la série égoïste…il n’aurait pas pu agrandir son propre divan ? Non ?
Pff…
En désespoir de cause, je finis ma viande.
Je manque d’esquisser un geste pour la retenir lorsqu’elle choisit de s’éloigner. Elle est chez elle. Elle n’est pas à moi. Elle fait ce qu’elle veut. Trois raisons qui auraient du éviter à cette pensée ne serait-ce que de s’immiscer dans mon esprit.
Mais voilà, je préférais lorsqu’elle était toute proche de moi, il y’a quelques secondes, lorsqu’elle avait glissé pour se coller contre mon épaule, lorsqu’elle avait rougi.
…
Je ne pensais pas que ce serait à ce point.
Le feu. Concentre-toi sur la cheminée, ne pense à rien d’autre. C’est beau, le feu, dangereux aussi. Mortel parfois.
Non.
Ca ne marche pas.
Le feu se teinte de blanc, lui aussi.

La dame va chercher un objet dans un coin de la pièce, puis au lieu de se rasseoir entre nous (non, Sin, ne prends pas la place du milieu), s’agenouille devant l’âtre, dans l’ombre.
Et commence à jouer, à tirer quelques notes douces de sa lyre, ou non, ce doit être une harpe.
Nous sommes spectateurs, et auditeurs.
Ce naze d’abracadateur nous laissant finalement un sofa trois-places pour deux, j’en profite pour prendre mes aises. Je me pose sur le flanc, confortablement, écoutant et admirant le récital.
D’où je suis, je vois à peine ses mains s’agiter, frôler délicatement une corde, en pincer une seconde, danser sur plusieurs successives pour en tirer une jolie gamme. Non, je ne vois que des reflets, plus ou moins sombres, agités par le feu qui crépite, des ombres sur son corps et sur son visage, donnant à la scène des relents mystiques.
Mes yeux se ferment à moitié. La mélodie commence à apparaître, simple et pure.
Je repars en arrière.
Je m’endors à moitié, sans perdre toutefois la moindre miette du concert de Boa.
Je retombe en enfance. Entre mon père et ma mère, dans notre plaine, dans mon village. Chez moi.
Chez le seul chez moi que j’aie jamais eu.
Je revois ma sœur, installée dans l’herbe, dehors. Le paysage est aussi lumineux que la salle ici est sombre. Ses cheveux aussi noirs que ceux de Boadicea son blancs. Seuls demeurent la position, l’instrument, et moi, admiratif, emporté par le tourbillon des notes, par les accords, qui reste béat, inutile et fixe, happant chaque son comme s’il était le dernier.
Ma sœur…
Ma famille. Ma faute, ma lâcheté.
Rien dans la ballade que me fait vivre ma belle amie n’est mélancolique. Ce qui est évoqué, c’est la nature, dans sa simplicité, la vie, il y’a des odeurs de printemps dans ses rythmes.
Et pourtant, ils m’évoquent tant de souvenirs, si beaux ou si atroces, que je n’arrive pas à retenir la larme qui coule sur ma joue. Un geste rapide de la main. Elle disparaît.
Comme mon passé doit s’enfouir.
Tout autant.
Il doit demeurer inexistant, dissimulé derrière une mélodie, par exemple.
Et si ce pouvait être celle-là…

ZICMU

Ah, oui, la harpe.

Je m'étonnai de ce que Boadicea en joue si bien. Oh certes, elle n'avait pas la virtuosité d'un ménestrel rompu à l'art, mais elle n'avait en rien à rougir de son talent. Peu de ménestrels, sans doute, peuvent tirer à l'arc aussi bien qu'elle joue de la harpe.
Après tout, un arc, ça rappelle un peu une harpe, d'une certaine façon.

Elle improvisait, en plus, signe d'inspiration et de liberté d'esprit. Les notes étaient déliées, et pourtant soeurs, gambadant à la surface de nos esprits, le pas assuré autant que léger, comme exécutant un ballet connu d'elles seules, surprenant à chaque instant, et pourtant parfaitement équilibré.

Une basse continue serait du plus bel effet. La mélodie était d'un exquise complexité, sans excès, mais la progression harmonique n'était pas très difficile à anticiper.

Je plongeai ma main dans une poche et la ressortis tenant un petit morceau de bois. Un petit rectangle d'érable ondé clair et blond, légèrement patiné.

Un passe de la main au-dessus de l'objet, et celui-ci s'allongea, se courba, se creusa, se dédoubla d'ébène, de palissandre, d'épicéa. En quelque instant, je tenais entre les mains un théorbe digne du plus émérite des luthiers.

Je me redressai un peu, m'assis en tailleur, la caisse du théorbe entre les cuisses, le coussin à centaure s'affaissant un peu sous moi, rendant ma position tout-à-fait confortable.

Un coup d'oeil à Boadicea, et j'entrepris de soutenir son improvisation, par un continuo sans prétention, basse, accords discrèts, avec de temps à autre une petite réponse à un de ses traits mélodiques.
Le plaisir que l'on éprouve dans ces moments est difficile à décrire. Il est purement intellectuel, et pourtant, dans l'instant, il est ressenti comme instinctif et primal , comme jaillissant du fond de notre nature animale.

Le centaure inconnu, invité de Boadicea, était manifestement sous le charme. Sa musique paraissait effeuiller les voiles légers sous lesquels il enfouissait ses douleurs obscures.

Je m'efforçais de teinter la musique, qui était la nôtre, à présent, à Boadicea et à moi, d'autant de légèreté et de bienveillance que mes quelques talents me permettait d'émettre.

Allons, jeune centaure, elle se cache derrière cette harpe, certes, car vous la troublez, mais sa musique est pour vous! Pas pour votre passé. Elle vous attends, mais n'ose pas se l'avouer.

Je formulai ces pensées en mon for intérieur, m'interdisant toute autre forme de suggestion que celle de l'harmonie. Je sentais bien, sans savoir pourquoi, que je n'avais aucun droit de faire plus...

Je ne l'entends pas tout de suite, absorbée que je suis dans la vibration de mes cordes. Ce qui n'est pas pris par la concentration qu'il me faut pour jouer est en voyage sur les ailes d'un accord... Ce n'est que quand une note plus intense s'échappe que je remarque que je ne suis plus seule au coeur de la musique. Le son chaud d'un autre instrument, tenu par d'autres mains. Surprise, je lève les yeux, sans laisser la mélodie s'éteindre, et c'est Egon dont je croise le regard un rien amusé.

Sourire... je ne vous pardonne pas pour autant, Professeur Balrogsen. Mais j'aime ce partage inattendu. Sa musique vient soutenir la mienne, aiguë et mobile, de ses sonorités graves, chaudes, plus pleines, plus fortes, la base ferme à l'envol de mes notes qui dansent. Et elles dansent plus vivement, maintenant qu'elles se savent assurées, plus audacieuses et plus folles, et je laisse sortir un peu de la sauvagerie de ma race dans l'ordre bien réglé de la musique... A lui la sûreté du rythme, la régularité lustrée, civilisée, sophistiquée... et à moi les sauts d'accord brusques et un rien chaotiques, les tourbillons imprévisibles et les courses rapides arrêtées net sur une note suspendue...

Je me laisse perdre conscience dans la communion étrange qui lie les musiciens... J'ai toujours joué seule et pour moi seule, et cette sensation m'enivre... Mes mains agissent seules, alors que je me plonge avec délice dans ce plaisir partagé, cet échange riche, tellement inattendu, avec cet homme que je ne connais si peu. Je ne le connaîtrai pas plus à l'issue de tout ceci, mais je saurai quelque chose de son âme...

La musique s'adoucit, je fatigue un peu... Je n'ai plus joué depuis tellement longtemps, j'ai les doigts douloureux, les cordes de métal m'ont échauffé la peau là où les cals auraient dû se trouver... Je ralentis le rythme, redescends sur terre, lentement, sur quelques accord plus doux, dont le dernier se perd et se fond dans le son du luth... J'abaisse les mains et relève le visage, un regard ravi pour mon partenaire insoupçonnable... Mes yeux glissent sur les corps endormis, les corps éveillés...

Je m'arrête.
Pourquoi ses yeux à lui sont-ils embués ?
Et pourquoi cette expression douloureuse mal dissimulée sur son visage ?
Mon sourire vacille...

Les deux mélodies se mêlent, la harpe et le luth, cordes pincées, frappées ou grattées, douceur à ma droite, rigueur à ma gauche, beauté dans l'ensemble. La musique se fait plus distante pour moi, elle m'implique moins, car celle de ma mémoire est différente.
Je tourne la tête vers l'improvisateur. Le sorcier, encore lui, qui semble capable de faire apparaître ce qu'il veut. Est-ce pour lui que mon regard quitte Boadicea ? Certes pas. Si je ne vois d'elle qu'un ensemble de reflets, d'ombres et de lumières, de blanc et de noir étroitement mêlés, elle me distingue parfaitement. Et je sais pertinemment que malgré mes efforts, mon visage doit être décomposé, mélancolique.
Quelques accords se détachent de la harpe, immédiatement les autres cordes lui répondent, un dialogue sans fin, grâce contre rythme, quintes et quartes se succèdent. Tourbillon d'émotions, et ce facétieux destin a fait que le remords est celle qui chez moi s'exprime le plus fort.
Je ne fais pas un public idéal. Les artistes préfèrent certainement que leurs sons amènent rires et sourires que larmes et regrets.
Mais elle me voit. Elle s'arrête de jouer. Sois maudit, Sinekein.

Ne vous inquiétez pas pour moi. Je ne sais pas ce qui me prend. Continuez, c'est si beau...

Point de vile flatterie dans mes mots, je ne dis que la plus pure et la plus exacte vérité. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pu ainsi m'abandonner face à un si magnifique spectacle, celui de deux personnes pratiquant doucement leur art devant l'âtre de leur foyer, presque exclusivement pour le ridicule aventurier que je suis.
Je tente d'esquisser un pauvre sourire d'encouragement, misérable car manquant singulièrement de volonté. Je n'y arrive pas. Elle est aussi différente de ma défunte soeur que ne le sont le jour et la nuit, et pourtant leurs images se mêlent. Je vois l'une, l'autre apparaît. Je pense à la première, la seconde s'affiche dans mon esprit.

Je suis confus. Ne vous occupez que de votre art, ne faites pas attention à moi.

Paroles futiles et inutiles. Je souhaite ardemment ne pas avoir brisé ses ardeurs musiciennes, mais peut-être est-ce le cas. Peut-être ai-je provoqué la fin de la plus belle scène qu'il m'est arrivé de voir depuis des lunes et des lunes.
Parce que mon passé me rattrape, et ma rapidité ne peut rien face à son inéluctabilité. Parce que je suis faible, et que je ne regarde pas en face. Parce que je suis lâche, parce que je n'ai plus de but dans mon existence depuis ce jour.
C'est trop. Je me lève, je sors à pas vifs de la pièce.
Si elle a vu une larme, nul besoin qu'elle n'assiste aux sanglots.

Je reste interdite.
Bouche bée.
Comme une idiote, les mains sur ma harpe muette.

En quelques secondes le charme s'est brisé, la chaleur tissée entre les occupants de la pièce, balayée par le courant d'air froid venu de la porte.
Je ne lui en veux pas, comment le pourrais-je ?
Combien de fois n'ais-je pas quitté moi-même un lieu peuplé pour courir seule noyer mes souffrances dans la nuit ? Je ne les compte plus, mes fuites. Et je sais aussi que fuir ne sert à rien, Sinekein, je le sais d'expérience. Quand la douleur est dedans, peu importe où on est, peu importe la vitesse du galop, elle reste et elle s'accroche, et elle vous suit partout.
Chaque fois j'ai fui seule. Et la seule fois où ma douleur s'est apaisée, c'est quand une jeune sorcière est venue me débusquer au fond de ma cachette.
Je m'en souviens comme si c'était hier.

Je ne sais pas quel démon notre musique a éveillé.
Je ne sais pas si j'y pourrais quelque chose.
Mais je t'ai vu t'enfuir et je ne peux rester immobile.
D'autres sont restés immobiles alors que je fuyais, et je sais que leur main tendue m'aurait épargné bien des tourments...
Et puis c'était notre musique.
C'est elle qui a fait ça.
Je ne peux pas ignorer le bruit qui s'éloigne de la porte mal refermée.
Non, je ne peux pas.

Je balbutie quelques mots d'excuse à Egon et à Reyan, je me lève et abandonne ma harpe par terre, devant le feu. En trois pas je suis à la porte. L'oreille tendue, je cherche le claquement des sabots sur la pierre...

Pas de claquement. Mais un souffle. Et une masse sombre et immobile, la tête courbée, là, à l'angle du couloir...

https://ithrynluin.1fr1.net/Autour-de-la-Ville-c7/La-Forteresse-abandonnee-f22/L-ancienne-Forteresse-des-Ithryn-Luin-c3/Le-rez-de-chaussee-f79/La-Salle-Commune-f78/Passe-decompose-t2711.htm

Et j'échoues...

Je dois être un bien piètre improvisateur, alors, me dis-je.

Il était ému, le centaure, comment ne pas l'être par Boa, elle est la grâce incarnée. Son trouble était perceptible quand elle a commencé à jouer de sa harpe. Je ne pus dire, sur le moment si mon intervention avait infléchi dans un sens ou dans l'autre l'état d'esprit de Sinkein, mais quoi qu'il en fut, la musique mit un terme à l'enjouement qu'il affichait depuis que nous étions entrés dans la salle commune pour partager le boire et le manger.

Je fus interdit devant la désolation que je pus lire sur ces traits, comme si la moindre de nos notes avait été lame acérée tailladant toute joie en lui. Le visage défait, il quitta la pièce, non sans tenter un mot d'excuse, aussitôt suivi par Boadicea. J'empochai mon istrument, déjà réduit à un petit rectangle de bois d'érable, et me levai pour éloigner la harpe du feu, qui l'aurait endommagé en faisant se fissurer le bois. Puis, je me retournai vers la porte, comme si les centaures devaient la franchire de suite.

Boadicea a un passé bien lourd elle aussi, elle saura trouver les mots, ou les gestes, me dis-je, en rallumant ma pipe d'un claquement de doigts. Reste à espérer que cet écorché vif ne tombe pas dans l'inepte caricature qui fait croire aux mâles que leurs larmes les dévalorisent aux yeux des belles, n'est-ce pas là une lourde injure pour elles?

Je poursuivis mes cogitations dans un vaste fauteuil de velour, dédaignant le coussin à centaure, où était encore vautré Arlequin, je n'avais plus du tout envie de m'y installer, allez savoir pourquoi...

Je crois bien que j'ai dormi.

Peut-être même rêvé, un rêve ponctué de la musique cristalline d'une harpe, et de diverses images que je n'ai pas compris. Mais je suis réveillée à présent, la salle du feu s'est vidée et semble tut à coup plus lugubre, voir plus triste.
Pourquoi....
J'étais bien, moi.
Et maintenant, que faire ?

M'occuper les mains, faire quelque chose, n'importe quoi...
Allez, force toi un peu ma grande...

...

Non, là, il n'y a vraiment rien qui vient. Je sais pas quoi faire. Peut-être faire semblant de ne pas m'être réveillée...Avec un peu de chance, les autres ne m'auront pas vu sortir de mon sommeil.
Je me pelotonne un peu mieux dans mon fauteuil, les yeux clos, la respiration régulière et profonde. On va faire semblant, ça je sais parfaitement le faire. Mais là, je ne fais pas exprès, et je me mets à fedonner, pardon, murmurer serait plus approprier, voir psamoldier, une chanson de chez moi. Quelques courts vers sur la tristesse de l'hiver et la lassitude d'attendre les beaux jours, va savoir pourquoi, je ne sais même pas s'il est réellement là, l'hiver.

Et à peine les premières syllabes déliées et ondulées du language elfiques sorties de mon coeur même, la magie opère...Les mots flottent dans l'air, et, clairs et doux à la fois, et semblent purifier et clafifier les esprits et les coeurs.

Ir i anor naant taen nedh i gwelwen
Man i sìr lìnnant, man i lyth edlotiant,
Man i salab galant, man linnànnen nuin i anor,
Ai! Man i lû naant ivren !

Sì i iavas na en,
Dartho man i laer na,
I sìr na dînenn, nîn lind u-na,
Dartho man laer na.

Et les souvenirs du rêve reviennent...

Au début, la Mer.

La grande Mer s'agitait furieusement et une odeur de sel parvenait à mes narines. Et sur cette Mer démontée voguait courageusement un bateau blanc à proue de cygne qui fendait les flots malgré les immenses vagues. En réalité, j'étais sur ce bateau. Mes cheveux étaient longs, ils battaient mon visage tiré par les embruns, et un éclair déchirait le ciel, illuminant ses alentours célestes d'un violet électrique. Un coup de tonnerre sourd et puissant retentit, ébranlant le bateau qui tressautait sur les remous. La Mer en furie, Ekkaia comme l'appelle les Elfes, cherchait à faire sombrer mon bateau dans les abysses mais la proue en forme de Cygne luttait tant et si bien qu'à un moment, je cru être tirée d'affaire...Mais un grondement retentit et une immense vague se formait derrière moi pour s'abattre sur le bateau...Ekkaia m'avait vaincue et la pression de l'eau m'écrasait...Une lumière rouge jaillissait soudain de sous les flots déchaînés, m'attirant irrésistiblement à elle. Et une voix en sortait, sortait de ce Rouge, disant des mots comme : ' ta fin est proche...votre fin est proche...à tous...seuls ceux qui demeurent à l'ouest d'Ekkaia seront sauvés. " Mais l'Ouest du Monde m'est interdit, protestais-je...Il m'est impossible de m'y rendre...Et j'appelai au secours...Au secours ! Et le Rouge se riait de moi...Et là, plus rien.

Mon rêve s'est éteint avec mon chant, bien qu'un murmure comme un échos persistât dans l'air de la pièce. Je me lève de mon fauteuil, m'étirant comme un chat, laissant échapper un grogement de fatigue, ou plutôt de flegme.

Au revoir.

Je pars chercher le Rouge.