Une Ombre passe...

Juste deux yeux dans l'obscurité. Deux yeux de braises ardentes courbées vers l'intérieur. Deux yeux défiants mortels et immortels, sans crainte, couroucés.

Une volonté venue d'ailleurs me ramène à la réalité. Le Twärvalyen m'envoie sa requête toujours plus forte, gémissante, à l'agonie.

Je ne veux pas les rejoindre. Je sais pourquoi notre Mère me rappel. Elle me réserve le même sort que celui que mes frères ont subit.

Mère n'est pas celle que je croyais. Mère, mère du Nïhilyen, mère du Twärvalyen. Les Ombres ressemblent-elles au néant ?

Je suis un Seigneur privé de sa terre et de son pouvoir, les muscles gainés et les griffes prêtes à arracher la chaire.

Au sommet de la chaîne alimentaire, les prédateurs.

Les prédateurs s'écartent au passage du Seigneur des Cendres. Ils fuient, ils se bousculent, ils abandonnent la viande à contre-instinct pour survivre.

Je suis désormais seul, accompagné parfois d'un humain dont je ferai bien mon Heraut après lui avoir confié quelques pouvoirs. Il utilise leur langue avec beaucoup d'aisance et pourrait facilement créer des groupes de prière. Combien de temps avant qu'il ne se rende compte de sa véritable nature ?

Ceux seuls qui comptaient et me donnaient une raison de vivre sont partis en un autre ailleurs, ma bénédiction rachetant mes fautes à l'appuie.

Seul, je suis seul. Plus de Cercle, plus de Guerre, plus de Conquêtes.

L'Ombre passe et l'instant d'après, l'Ombre est passée.


Le Ténébreux Twärvalien survole les plateaux eneigés des hauts-cols du Särwyen. Une partie de lui est resté enfermée, ailleurs. Derrière lui une multitude d'Ombres aux profils acérés déposent leurs sillons noirs dans les nuages.

Arkör ralenti et ferme les yeux. Sa masse de muscles tend son corps vers le sol. Ses ailes déployées en grand battent l'air lourdement pour le maintenir en suspension. Les poings et la machoire serrés le Troisième Fils de Gendräzeth s'aprête à accueillir à bras ouverts les envoyés de sa mère.

Un pétal gris se détache du ciel.

La partie s'engage.

Dans l'oeil du Twärvalien il ne reste qu'un abîme de Ténèbres aspirant le mouvement. La courbe de temps se rassemble sur elle-même pour mêler la création à l'aboutissement. Le Seigneur des Cendres absorbe les vagues de sa propre vie, il ramasse sa propre masse pour donner naissance à un bloc compact et indestructible avec sa rage démente pour mortier. Sa chaire gronde et son instinct de prédateur explose dans ses veines. Il est prêt à mener son dernier combat, déterminé à emporter les siens avec lui au coeur du Nihïlyen.

Le pétal de Cendre chute lentement alors que l'Ombre affamée se répand en longue ligne droite devant lui.

Les Ombres du Cercle viennent le chercher depuis les Limbes du Twärvalyen...

Mais l'esprit du Primesautier est ailleurs.

C'est alors qu'un halô de lumière blanche apparait sous son corps, une lumière si puissante qu'elle le fait disparaître au milieu de ses faisceaux, une lumière si vive qu'elle semble provenir d'un autre lieu et se diriger vers d'autres cieux, comme si elle s'était détournée de sa trajectoire pour venir le prendre elle aussi. Le spectre de couleurs valse sous ses griffes, ses ailes baignent dans une note puissante qui lui est familière. La teinte suffit à l'apaiser, il sent son esprit divaguer. Il n'existe qu'une seule force dans l'univers des Treize Mondes succeptible de le hâper et de le priver de son propre contrôle. Ses muscles se détendent alors qu'il voudrait lutter, les braises qui luisent au fond de son regard s'étouffent alors qu'il voudrait consummer son âme.

Il ne contrôle plus rien.

Sa voix s'élève alors dispersant la lumière, sombre, puissante, luttant contre une onde de psyché qu'il ne voit pas et contre laquelle il ne peut rien.

Tu as refusé mes Ténèbres, tu as refusé de prendre mes dernières forces, tu as refusé mon enseignement, tu as refusé ma main, tu as refusé de voir ce nouvel idéal que je te proposais, tu as refusé de reconnaître ma magnanimité envers ton peuple, tu as refusé l'unique pardon que j'ai su formuler durant ma longue vie de Destruction, tu as refusé de t'en rappeler, laissant amants après amants laver la symbiose salissante envers ton peuple, de deux esprits métissés par erreur pour qui ne résonne qu'une seule note dans tout l'Univers.

Seul, je suis seul.

Je suis seul et prêt à t'affronter selon tes règles car je ne doute pas qu'après que je vous ai laissé retrouver votre essence, l'Osëfyen, touché par le Tahäl, désire prendre sa revanche en prenant ma vie bien plus encore que les miens.

N'oublie pas que la flamme qui brille au fond de mes yeux est tienne et que ni toi ni moi ne savons ce qu'il pourrait arriver si elle venait à s'éteindre. Tu existe par le Tahäl mais le Tahäl vit au travers de toi, tu es sa défense, son immunité, son bras armé et vindicateur et par la même je fais partie de sa force et ce, malgrès moi.

Je voudrais m'arracher à la création et disparaître sans avoir jamais existé, n'être plus que néant sans victoire et sans gloire ou bien...être au centre de la plus grande vague de destruction que l'univers ai connu, balayant tout sur mon passage, ravageant les efforts de milliers de peuples, m'étendant sans frontière et sans fin.

Et je sais que j'en ai encore la force.

Me saouler d'oubli juste pour tout recommencer sans la seule note de tendresse qui sut m'atteindre.

Si tu ressens encore la moindre de ces choses qui bouilonnent en mon coeur, renvoie moi d'ou je viens, laisse moi finir dans l'honneur en combattant les miens.

Une ombre passe sur le visage du démon, maculée de tâches lumineuses qui virevolte autour de lui. Un soupir raisonne dans l'air, empli de mélancolie, tremblant de tristesse.

Une main de brume apparait de nulle part, et vient se poser sur l'épaule tannée. A peine plus lourde qu'un souffle, elle s'aggrippe à la peau, la serre sans la blesser. Le bras se dessine peu à peu, prolongement d'un poignet dont les détails se font de plus en plus précis. Les veines saillantes apparaissent, les muscles noueux qui roulent sous la peau d'illusion, l'épaule aux angles aigus.

Un corps apparait à son tour, drappé de brume, de lumière et de flamme. Un visage au menton volontaire et au regard d'acier se dessine dans le dos du Primsautier.

Un murmure secoue l'air, un appel...

"Arkör"

La silhouette se déplace lentement, sa main abandonnant l'épaule du Seigneur des cendres, jusqu'à lui faire face. Aucune arme ne pend à sa ceinture, même la lance du Tahäl n'apparait pas. Seul demeure le petit poignard qui longe sa cuisse.

"Je ne suis pas venue pour t'affronter. Pourquoi voudrais-je te tuer alors que mon peuple est en train de renaître. Nous ne sommes pas ingrats. Nous... Je sais ce que tu as fait pour nous... pour moi."

Alessa du Tahäl déglutit comme si son corps pouvait vraiment le faire. Son regard se détourne puis replonge dans celui du Démon.

"Ta mère... Je sais qu'elle t'appelle. Sa soif est trop forte pour que nous, Osëfiens, puissions l'ignorer. Nous savons tous les deux ce qui se passera si tu pars la retrouver. Une seconde fois, tu nous as épargnés, la place qui t'avait été offerte existe toujours. Vient parmi nous... deviens ce que tu as désiré."

Les lèvres tremblent pour la première fois sur le visage de l'Osëfienne, puis le visage se durcit. Alessa s'approche de celui qui fut son reflet, tendant les bras pour saisir ses poignets.

"Laisse nous te donner notre force. Laisse nous te protéger comme tu l'a fait jadis pour nous. Arkör... ne refuse pas mon aide"

Des flammes naissent sur l'acier glacial, projetant des reflets ardents sur le visage du Primesautier.

Un soupire, une note de mélancolie.

Alessa.

Sa mélancolie me broie.

"Arkör"

"Alessa"

Je tourne la tête dans sa direction alors qu'elle vient prendre place devant moi. Mon visage est fermé, mes sourcils sont froncés, ma bouche est maugréante. Je vis ma tourmente sans pouvoir la contrôler, je sens que je vais déchainer ma colère en Osëfyen une dernière fois.

Elle n'est pas armée. Elle ne me veut pas de mal. Et quand bien même, sans être livré je suis à sa merci en ce monde.

"Je ne suis pas venue pour t'affronter. Pourquoi voudrais-je te tuer alors que mon peuple est en train de renaître. Nous ne sommes pas ingrats. Nous... Je sais ce que tu as fait pour nous... pour moi."

Ma tête bascule d'avant en arrière au rythme de mon souffle, je sens mon sang qui bouillone et qui frappe mes temps avec violence. Elle est en train de m'apaiser, de m'amadouer.

"Ta mère... Je sais qu'elle t'appelle. Sa soif est trop forte pour que nous, Osëfiens, puissions l'ignorer. Nous savons tous les deux ce qui se passera si tu pars la retrouver. Une seconde fois, tu nous as épargnés, la place qui t'avait été offerte existe toujours. Vient parmi nous... deviens ce que tu as désiré."

Je ressens ma nuque qui se raidit et mes épaules qui se crispent. Un frisson s'étale lentement le long des arcades de mes ailes. Ma gorge se coupe en deux, comme si une seconde tête venait prendre place au côtés de la première. Mon être tout entier se scinde, ma volonté redouble. Une partie de moi se redresse et se tend, nuque rigide, regard tourné vers le ciel. Elle laisse exploser un hurlement de rage incontenable qui réveil les esprits Osëfiens les plus éloignés. Ceux qui vivent en dans d'autres mondes peuvent en entendre l'échos lointain. L'autre partie de moi, presque transparente, n'a pas bougé d'un pouce, nuque baissée, regard ténébreux, perdue dans ses pensées.

L'Osëfienne saisie les poignée de mon être pensant.

"Laisse nous te donner notre force. Laisse nous te protéger comme tu l'a fait jadis pour nous. Arkör... ne refuse pas mon aide"

Mon être combatif s'étend vers le ciel dans de longues bandes de lumières rouges et orangées, il s'étire à perte de vue, il devient de plus en plus translucide. Plus qu'une esquisse. Il se résorbe et reprend sa place sur son modèle quasiment immobile.

Je me redresse en joignant mes mains pour qu'elle me lâche et je saisie ses poignés à mon tour sans la quitter des yeux. Sous mes arcades brousailleuses de Démon s'allume une flamme que personne n'a jamais vu, un feu d'une blancheur aveuglante pour qui ne peut surmonter mon regard.

"Je n'ai pas besoin de votre protection Alessa, et je n'ai jamais rien demandé en l'échange...Si ce n'est peut être votre pardon ou à défaut votre compréhension.

Aujourd'hui plus rien ne pourra arrêter la Mère des Ombres lancée à la poursuite de son fils Primesautier au travers des Mondes. Lorsqu'ils auront traversé le Särwyen, ils se dirigeront vers un autre monde. Et si il posent le pied en Osëfyen ils briseront ce que je me suis efforcé de protéger.

Si je reste en ces lieux vous êtes perdus Alessa. A peine ai-je retrouvé ces psychés que déjà je ressens leurs somnolence. Le Grand Hellequin lui même est venu y chercher le repos après tant de combats menés. Il n'existe en ce monde que deux êtres capables de combattre, encore suffisement éveillés pour tenir tête au Cercle des Ombres.

Toi et moi.

Et j'ai beau posséder une puissance démesurément grande à tes côtés, je ne pourrais pas rivaliser contre mes deux frères et leur armée d'Ombres. Je ne pourrais pas te protéger dans la bataille, je n'en aurai pas la force.

Mon combat a démarré bien avant que je ne décide de m'enfermer en Särwyen, bien avant que je désobéïsse à notre Mère. Mon combat a démarré le jour ou j'ai ressenti le sentiment que je hais le plus, la compassion. Il fut le premier d'une longue liste qui m'a affaiblit. Il a fait basculer les ordres du Cercle des Ombres, il a fait chuter notre empire, il est le plus malin de tous les esprits Osëfiens. Et ton ami aussi comme je le conçois."

Je serre un peu plus les poignés de l'Osëfienne.

"Je n'ai jamais voulu devenir l'un des votre..."

Je ne termine pas ma phrase, les mots ne sortent pas de ma bouche comme je le voudrais. Déjà au loin j'entends le cor de Bralthörn qui résonne.

Sa poigne enserre mes bras avec la dureté d'un étau. Pourtant, je ne cherche à échapper à sa rude étreinte. Je le vois lutter contre lui-même, lutter contre moi. Mon être se brouille, l'expression de mon visage se teinte de tristesse.

"Alors je t'aiderai malgré toi..."

Mes mains redeviennent brumes, je m'éloigne du Primesautier, vague sillhouette de brouillard et de flamme. Mon corps reprend sa consistance quelque mètres plus loin, je tourne le dos à mon ennemi... et mon plus fidèle ami.

L'une de mes mains descend jusqu'à ma cuisse et saisit le petit poignard qui s'y accroche si fidèlement. Avec la douceur d'une amante, je saisis la garde et le sort de son étui. Mon autre main saisit la cheveulre flamboyante qui danse autour de mon visage.

L'acier fend l'air, tandis que des boucles courte viennent jouer devant mes yeux. Dans ma paume serrée, l'abondante masse rousse semble étrangement inanimée. Lentement, je desserre mes doigts et laisse échapper chaque fil ardant qui se dissout en volutes rougeâtres, messagers de mes derniers mots...

"Je vous aime... Pardonnez-moi."

Ma lame disparait à son tour, j'ignore moi-même où elle tombera... cela m'importe peu. Avec une lenteur extrême, je me retourne face à Arkör. Mon visage n'exprime rien d'autre que ma détermination.

Je m'élance, bondissant sur le Primesautier avec la rapidité de ceux de mon peuple.

Elle s'élance vers moi. Je recule l'un de mes pied en bombant le torse pour receptionner l'impacte et j'écarte les bras pour la repousser. Traitresse. Tu es pire que moi. Je comprends désormais ou mon enseignement est passé.

Le temps se fige. Mon corps rouge sombre éclate en des milliers de minuscules volcans lumineux dirigés vers Alessa. Mon visage immuable affiche une expression de colère, le nez et les lèvres retroussés. Mon souffle stagne dans ma gorge, prêt à pousser un long hurlement de rage primesautière. Mon image se brouille au moment du contact. Je disparais un instant alors que j'étais prêt à la recevoir, elle passe au travers de moi.

Je jette mes bras de chaque côtés de mon bassin en me hissant sur la pointe de mes pieds à l'aide de mes ailes de Seigneur Twärvalien. Le son sort de ma bouche, je hurle de toutes mes forces, je veux que tout l'Osëfyen se retourne vers nous pour savourer cet instant tant attendu.

Je porte les mains sur la garde de mon Épée Sacrée d'Éxecution et l'extirpe de mon dos pour la placer droit devant moi. Je plonge mon regard dans celui d'Alessa, mélant dans son expression la rage de perdre ce que j'ai de plus chère et la fière intention de combattre jusqu'à mon dernier souffle.

"Alessa je ne te permets pas ! Je t'ai offert ma vie, je ne t'offrirai pas ma mort."

Un sourire se dessine sur mes lèvres, je n'en attendais pas moins de lui. Je pensais le frapper durement, mais il a trop bien retenu nos leçons. Son corps se fait air et laisse passer mon être au travers de lui. Je m'écroule quelques mètres plus loin.

Mon visage est serein alors que le hurlement assourdissant fait trembler le ciel et la terre. Je n'aurais pu rêver d'une meilleure mélopée funèbre.

L'acier de la lame sacrée renvoie les éclats des flammes de nos corps. Je sais les regards des mondes tournés vers nous. Une larme de brume roule sur ma joue tandis que je me redresse.

Je ne détourne pas les yeux du regard qu'il me jette, je me contente de serrer les points et de ravaler le point qui retient mon être.

J'avance, mue par une volonté implaccable, je cours, de toute la force de mon essence, je file droit devant.

"Alors offre-moi la mienne..."

... Le silence...

Puis le long déchirement de la chair sur l'acier... Mon ventre en fourreau de la lame du primesautier, jamais elle n'aura eu si parfait écrin.

Le temps s'arrête, je plonge une dernière fois mon regard dans celui d'Arkör, un regard serein à l'éclat sans pareil. Le sourire ne quitte pas mes lèvres.

Un flot de brume écarlate s'échappe de la plaie béante et commence à tourner autour des deux corps. Je lève leentement deux mains tremblante et les pose de chaque côté du visage du démon.

Mon sang vaporeux s'enroule autour de la lame sacrée d'exécution, la teintant de reflets chatoyant.

"Je ne pouvais te laisser combattre seul... si tu échoues qu'adviendra-til de mon peuple. Je ne veux pas laisser une telle menace..."

Je suffoque, un nuage rouge s'échappe d'entre mes lèvres.

"Mon frère et ma soeur veilleront sur les miens. L'heure est venue maintenant Arkör."

Mes mains passent derrière la nuque du démon, tandis que mon corps se presse contre l'épée qui le transperce. MOn regard n'a pas quitter celui du Twärvalien, tandis que son visage s'approche du sien.

Le flot de ma propre vie danse autour de nous, je serre jusqu'à défaillir son cou. je sens sous mes mains la naissance de ses ailes, le pouls qui pulse de plus en plus fort contre ma poitrine et le mien de plus en plus faible.

Le sourire ne quitte pas mes lèvres, même lorsqu'elles viennent frôler celles d'Arkör.

"Que ma force soit tienne... à jamais..."

Ma bouche s'empare de la tienne en un baiser affamé tandis qu'un vent de folie s'acharne contre nos corps et vient faire danser les cheveux contre ma nuque découverte. Ma vie s'insinue en toi par tous les pores de ta peau. Je pâlis peu à peu. Dans un dernier élan, je t'enserre contre mon corps fragile...

Puis mon souffle s'envole, mon corps retombe comme un pantin privé de son marionnetiste.

Alessa a disparu, son essence enlaçant l'être du Primesautier comme une ultime armure.

Alyssandre vient de s'éteindre, son visage éclairé par un ultime sourire.

Ailleurs, plusieur verront apparaitre un cheveu de cuivre rouge au creux de leur main. Chaque Ithryn Luin, chaque Hellequin, chaque ami... un dernier vestige de la guerrière.

Certains entendront peut-être même un chant d'Althonie porté par la voix grave de la princesse déchue, d'autres sentiront sur leur joue le contact doux de la main caleuse de la farouche.

Quelque par un barbare trouvera sur son arme un mince reflet de flamme qui ne la quittera jamais.

Dans les yeux de la guerrière, privé de l'éclat de métal qui ne la quittait jamais, une larme de brume vient naître et couler le long de sa joue, suivant l'arrête de son menton pour s'écraser sur le sol...

La flamme s'est éteinte.

Mélodie mélancolique

L'Osëfienne s'élance décidée, elle fonce droit sur ma lame, le temps qui a si peu d'importance en ce monde s'arrête une nouvelle fois de tourner. Je vois les esprits des siens ouvrir leurs yeux et leurs bouches pour lui hurler d'arrêter sa course. Je voudrais déplacer mon arme pour la recevoir dans mes bras mais je ne contrôle plus mes gestes. Ma Lame Sacrée d'Execution pénètre son corps de brume, elle s'effondre dans mes bras. Je retrouve le contrôle de mes membres. Je plaque immédiatement ma main derrière sa nuque et la fait basculer en arrière en la soutenant. Je ne quitte son regard qu'un court instant, subjugué par son sourire. Il est tourné vers moi. Je plie sous nos poids, sous le poids du chagrin qui jamais ne m'a atteind.

"Je ne pouvais te laisser combattre seul... si tu échoues qu'adviendra-til de mon peuple. Je ne veux pas laisser une telle menace..."

Je voudrais lui répondre.

"Que ma force soit tienne... à jamais..."

J'observe une dernière fois ses lèvres, elle est en train de s'élever, elle entre en moi et s'insinue en plein centre de ce que je suis. Mon être tout entier est en train de dégénérer. La force qui s'insuffle inonde mon âme d'Ombre, la violence du flot me fait perdre la raison, je ne sais plus qui je suis ni ou je me trouve. Elle m'offre une partie de la puissance de l'Osëfyen dans un ultime baiser.

Ma main se serre sur sa nuque, son esprit est enfin libéré. Je plaque son corps contre le mien et enfouie délicatement son visage contre ma gorge en me redressant au milieu des centaines de millier d'Osëfiens qui l'observe. J'avance droit devant, mon regard se porte de l'autre côté du monde, mon visage est figé. Les âmes des Osëfiens se rapprochent de nous, ils prennent une teinte rousse et dansante. Ils ne la quittent pas des yeux, un barrage de larme vient de céder en Osëfyen.

Je les observe tous, un par un, je leur accorde pour la première fois mon regard véritable, celui qui prit leur défense en plus haut lieu par le passé par amour de leur nature si frêle et si forte. Je suis incapable de prononcer le moindre mot et pourtant des sons sortent de mes lèvres.

"Elle était votre âme protectrice Osëfiens."

Mon regard poursuit sa course parmi eux.

"M'entendez-vous ? Elle était votre lame et votre bouclier. Elle vous aimais plus que tout et a donné sa vie pour vous. Osëfiens m'entendez vous ?!"

Les êtres de brumes s'écartent sentant monter la colère et la rage du Primesautier.

Je m'effondre à genoux sans jamais lacher la tête de cet être qui m'était si chère. Mon poing se referme dans son dos, je sers les dents. Ma voix se transforme, grave et cisaillante, la voix du Seigneur des Cendres.

"Gendrazëth, entends les paroles de ton fils ! Je jure sur tout ce qu'elle était pour moi de te perdre à jamais si tu approche de l'Osëfyen. Je jure de te faire périr sous nos coups. Si le Cercle des Ombres prend notre direction il sera balayé par un souffle d'une force qui vous est inconnu, un sentiment que vous ne connaissez pas et que vous ne saurez dompter, celui d'où peut naître l'union métissée de deux êtres différents. Vous vous écraserez contre notre barrière sans même avoir pu porter le moindre coup. Ta volonté de reigner sur le Treizième Monde disparait à l'instant, je te prive de ton privilège, je te prive de tes droits de Mère et de Générale de nos armées, je te renie, je te hais. Tu ne peux désormais plus rien contre nous."

Tels sont mes derniers mots.

Je l'allonge sur le sol de brume et dépose délicatement sa tête sur le sol de brume Osëfien. Mon buste bascule en avant et je dépose un dernier baiser sur ses lèvres. Des cerceaux de lumière d'ocre naissent sous mon corps et remonte le long de mon être. Leurs ascensions sont de plus en plus rapide. Je me redresse au milieu de ce halo de puissance jusqu'alors jamais atteind dans l'univers des Treize Mondes, capable de tout. Je baisse ma nuque et sers les poings, mes ailes disparaissent au milieu des lumières rougeoyantes qui ondoient de toute part autours de moi. Je sens son âme embrasser la mienne.

Hurlement.

Ma bouche se tourne vers le ciel de l'Osëfyen, mon cri se métérialise par un faisceau brun et les cercles de force qui m'enveloppent s'écartent progressivement de moi. Des vens violents s'élèvent et emportent mes cheveux, mon corps laissent passer la lumière, deux braises luisent plus que jamais au fond de mes yeux. Le sol tremble, une sphère de puissance se détache du centre de mon abdomen et grossit, balayant tout sur son passage, elle enfle et apporte avec elle la chaleur de la Guerrière aux Cheveux de Feu à jamais unie à la mienne.

Dôme de protection impénétrable doué de volonté et de force.

Il est ainsi que les âmes d'Alessa du Tahäl et d'Arkör le Primesautier furent offerte à l'Osëfyen pour l'éternité.


L'hsitoire raconte que chaque année, à la même période et dans chacun des douzes mondes de l'Univers du Treizième, s'abat une pluie de fils de cuivre et de cendre mélés.

Je l’ai ressenti dans mon âme écorchée, là où sombre les vestiges des temps révolus qui s’éteignent par certaines maladresses, par la conviction des hasards douloureux, en l’instant j’ai mal à l’âme, Ayssandre sœur ou amie, d’un monde à l’autre, comme le balancier d’un pendule qui hésite à s’arrêter sur l’un.. ou sur l’autre.

Elle s’est éteinte la guerrière fougueuse à la chevelure de flammes rouges et étincelantes.
Et je pleure dans mon cœur sans oser l’avouer par une pudeur idiote et pourtant il s’agit de ma sœur, mon amie, ma sœur, petite reine.

J’ai perdu la foi, les hasards douloureux m’ont fait trébucher, je rebondis difficilement sur la caillasse, je perds le sens des valeurs, j’oublie de me retourner sur ceux qui sont la, ceux qui ont toujours été la, ceux avec qui j’ai ri et souri ! Ceux avec qui j’ai pleuré, toi ma sœur, amie, petite reine, princesse au regard terni usé par l’écueil d’un passé révolu.
Toi qui vient une fois encore chercher la larme au coin de l’œil.

Mon âme saigne des larmes de regrets éphémères, je n’ai plus la foi, mais de joies aussi et qui elles ne s’éteindront jamais, ces joies qui ont fait battre mon cœur, celui de toutes ces personnes qui ont aimé te croiser, lire dans tes yeux les étoiles d’un ciel un peu particulier, tout à toi et que tu as partagé un peu.

Par deux fois, j’ai tourné le dos à l’Osëfyen, par deux fois j’ai trahi ta confiance, mais je n’ai que ce regret là, rien de plus. J’ai fait ce choix d’être libre, un choix sans doute égoïste, mais sans la foi, avais-je réellement ce choix…

Mais je mens. C’est un corbeau cendré qui a poussé son cri roque et sa voix m’a porté ce message d’une fin, la tienne.

Je ne réalise pas encore, peut-être plus tard.
J’ai un peu froid.

Je sais où trouver ton corps, le corbeau persifleur aujourd’hui triste, guidera mes pas près de ta dépouille.

Montres-moi le chemin, corbeau cendré…

...n'ayant pour limite que leur imagination.

Le sillon noir vint se poser au pied de leurs dépouilles marqués par une lame aux reflets de flammes.

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Je n’ai que ce dégoût pour se joindre à la valse des pas, mes pas incertains avec pourtant la certitude de la fin.

Maudit corbeau cendré.

J’arpente ces chemins escarpés, repousse machinalement ces branches qui voudraient freiner ma course vers la fin, quand une branche plus têtue, plus sournoise que les autres vient frapper mon visage, elle déchire un peu la chair, pas suffisamment pour avoir mal, pas assez pour hurler et pourtant je hurle d’un cri qui déchire la sérénité apparente de cette foret. Je cris la fin, ce dégoût qui harcèle mon ventre et enserre ma gorge, et ma peine se change en colère, ces terres auront arraché tous ceux que j’aime.

Terrassé, je m’adosse contre un arbre immense et fort, mon cri s’étouffe dans mes sanglots, la peine retenue s’échappe et coule sur mes joues.
Mes mains recouvrent mes yeux, pudeur idiote je pleure et mes mains retiennent le flot des peines et des instants regrettés, ces instants si loin maintenant, si loin que le trouble remplace la lucidité, si loin que seul son regard reste penché sur mon épaule et frappe dans mon dos, d’une tape amicale, une tape de petite reine.

Tu me regardes encore et tu n’es plus la, ton regard est le souvenir que je garderais précieusement pour les jours tristes.

Mes jambes lâchent, mon dos glisse contre l’écorce couverte de ronces qui déchire ma chemise blanche, la chair s’écorche sur l’écorce et saigne, le rouge se mêle au blanc.
Rouge comme ta chevelure, blanc comme mon teint de pantin qui se meurt lui aussi, à son heure, son tour approche, la fin est pour bientôt et je rejoindrais ceux qui se pavanent déjà dans le panthéon des oubliés.

Gardez-moi une place, mais pas celle des princes ou des rois, je veux celle du pauvre, de la veuve, de l’orphelin, de celui qui est mort d’avoir eu des rêves et des peines, même la bas, je cracherais sur celle des rois.

Peu à peu, je prends la stature de l’enfant qui pleure, accroupi, recroquevillé, plié, replié sur lui-même, une boule de chair et de peine, quelques larmes qui s’échappent au travers des doigts trop fins pour les retenir.
Secoué de spasmes, larmes et sanglots, peine et regret, chagrin, et puis ce cri que je ravale pour ne pas déranger ceux qui restent.

Mais il est temps.
Temps de reprendre ce chemin d’arbres et de branches qui me frappent et déchirent mes habits blancs.